LE SEXE SELON MAÏA
L’affaire a défrayé le chronique il y a quelques semaines : dans son livre consacré au corps des enfants (Quand ça va, quand ça va pas, paru aux Editions Clochette), le médecin animateur, star de France 5, Michel Cymes, réservait un traitement radicalement différent au sexe des petits garçons et à celui des petites filles.
Si le zizi était détaillé jusqu’aux gland, scrotum et prépuce, son équivalent féminin ne bénéficiait que du minimum syndical – un dessin anatomique moins précis, une description expéditive, une dénomination ésotérique. Citation : « Quand on est une fille, on a une zézette ou cocotte ou minou ou féfesse… chacun donnant le nom qu’il veut à cette partie très intime du corps. » (Notons ce « chacun » de genre masculin.)
Face à une polémique pourtant archiprévisible, l’animateur a jugé opportun de traiter sur Twitter ses lecteurs de « malades ». Il a depuis quitté ce réseau social, trop haineux et agressif à son goût (c’est sûr qu’en psychiatrisant les personnes abonnées à son compte, le dialogue était mal entamé).
Ici, et c’est un comble, non seulement on traite par-dessus la jambe le sexe des fillettes, mais on adresse le même je-m’en-foutisme à celles et à ceux qui réclament une éducation raisonnablement égalitaire (pour tout vous dire, par respect pour ma « cocotte », je préfère faire partie des « malades » que des bien portants). Quant à l’éditrice, elle a argué que les petites filles étaient trop jeunes pour entendre parler de leur clitoris… alors même que la page consacrée au pénis explique que, « parfois, le zizi devient dur ».
Hypocrisie consommée
Ce double traitement, extraordinairement désuet et pourtant assumé, en dit long sur le rapport contrarié que nous entretenons avec la sexualité des enfants. Protection… ou chape de plomb ? Personne ne s’émeut d’un petit garçon qui tire sur son pénis, alors qu’une petite fille se verra souvent interdire de se toucher « là ». En animalisant la vulve (« minou », « cocotte »), en la confondant avec une autre zone (« féfesse »), on crée du trouble là où se trouvent des organes.
C’est évidemment très grave. Non seulement pour la fillette qui s’imprègne de l’omerta ambiante – « passe ton chemin, y’a rien à voir ». Mais aussi pour le garçonnet qui grandit avec l’idée que si son sexe est dicible, montrable et érectile, alors il est forcément supérieur à l’indicible, immontrable et finalement inexistant sexe féminin – le même entrejambe lisse qu’il peut observer sur les poupées ou sur les mannequins des vitrines… et qui se retrouve à une fente près dans la pornographie grand public, voire sous le bistouri des chirurgiens esthétiques.
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