Au regard d’une campagne à nulle autre pareille, où l’extravagant est devenu l’ordinaire, le dénouement semblerait presque manquer un peu d’imagination. Les électeurs, qui avaient le dernier mot, n’ont pas cédé à la tentation de l’ultime coup de théâtre, celui de faire mentir les sondages. Les deux candidats en tête des intentions de vote depuis plusieurs semaines se sont qualifiés pour le second tour.
Mais on aurait tort de ne voir dans la victoire d’Emmanuel Macron (23,9 %) et de Marine Le Pen (21,4 %), devant François Fillon (19,9 %) et Jean-Luc Mélenchon (19,6 %), que la banale confirmation de la tendance de ces dernières semaines.
Il s’agit d’un bouleversement profond du paysage politique français. Même si elle n’a pas la saveur particulière de l’inattendu, cette soirée électorale marquera durablement l’histoire de la Ve République, avec l’élimination des deux grandes forces de gouvernement, la confirmation de l’implantation durable du Front national (FN) et l’émergence d’une nouvelle force politique personnifiée par Emmanuel Macron, désormais favori du second tour.
L’accélération du temps médiatique ferait ainsi presque oublier que, s’il s’est imposé comme l’une des principales figures de la vie publique de notre pays, le candidat sorti en tête des urnes était un quasi-inconnu il y a encore trois ans.
Macron a déjoué les pronostics
En septembre 2016, les observateurs les plus avisés lui prédisaient un score à un chiffre, indexé sur ce que représenterait le libéralisme en France. En janvier, les mêmes spéculaient sur l’éclatement de la bulle Macron qui devait intervenir à tout moment. Trop flou, trop attrape-tout, la posture du candidat d’En marche ! semblait reposer sur un équilibre précaire voué à se rompre.
Force est de constater qu’il a déjoué les pronostics. Il n’a pas levé toutes les incertitudes – loin de là – sur son positionnement politique, mais il a su incarner aux yeux d’une partie de l’électorat de gauche, du centre et de la droite, une alternative crédible aux deux partis de gouvernement traditionnels, se nourrissant de l’un et de l’autre, pour finalement les dépasser.
Dans une élection marquée par le nombre élevé de candidats eurosceptiques – voire europhobes –, il faut également noter que le candidat arrivé en tête est celui qui a assumé le plus son côté proeuropéen. Cette orientation sera à coup sûr l’une des clés du second tour. Il incarnera le camp des républicains favorables à la construction européenne face à une extrême droite qui veut sortir de l’Union européenne (UE) et de l’euro.
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