Jus pressés à froid, avocado toasts, bowls aux baies d’açaï ou aux graines de chia… Toutes les tendances healthy du moment se retrouvent à la carte des Wild & The Moon, enseigne créée en 2015 qui ambitionne de devenir le « Starbucks du bio ». A la barre de cette entreprise en pleine expansion, Emma Sawko, 46 ans, une ancienne publicitaire reconvertie dans la « slow and healthy food ». Après un café-restaurant à Dubaï et deux adresses à Paris, elle ouvre deux autres espaces, un nouveau à Dubaï et l’autre sur la prestigieuse cinquième avenue de New York, sa ville natale. Elle revient pour nous sur son engagement pour le bien-manger.
Dubaï, Paris, New York… Comment analysez-vous cet engouement planétaire pour l’alimentation bio ?
Je crois qu’on assiste à une vraie prise de conscience collective de l’importance, pour notre bien-être et pour la planète, d’une alimentation saine, sans engrais chimiques ni pesticides. J’ai découvert les juice bars en 2008, en m’installant à New York. Quatre ans plus tard, j’emménageais à Dubaï, royaume du fast-food. J’y ai ouvert Comptoir 102, un concept store de mode et déco auquel j’ai vite voulu adjoindre une petite cantine bio, la première du Moyen-Orient. Personne n’y croyait. Je suis étonnée de la vitesse à laquelle ça a fonctionné, comme à Paris depuis un an. En réalité, nous ne proposons pas une alimentation nouvelle, mais une simple remise au goût du jour de méthodes ancestrales. Le bio n’est pas une mode, c’est une révolution structurelle globale.
Vous-même, comment êtes-vous venue au bio ?
Je me suis toujours nourrie de cette manière, grâce à une maman très consciente du lien entre alimentation et santé. A l’époque, ce n’était pas courant, mais ayant perdu sa meilleure amie très jeune d’un cancer, elle s’est intuitivement tournée vers le vert et les graines. Mes copains appelaient sa préparation inspirée des travaux du docteur Kousmine [qui s’intéressait au lien entre alimentation et maladies dégénératives] le « Gloubiboulga », mais quand on a été éduqué de cette façon, il est difficile de manger autrement, c’est addictif.
Vous proposez une carte bio, mais aussi vegan et sans gluten. Est-ce indissociable ?
Nous avons souhaité faire une proposition compatible avec les intolérances alimentaires mais personnellement, je ne suis ni végétarienne ni végétalienne, à condition de bien sourcer la provenance des aliments, et je mange des pâtes et du pain. Le gluten n’est pas malsain, les intolérances apparaissent car aujourd’hui, on ne prend plus le temps de bien préparer la pâte à pain.
« Notre philosophie : “Good for you, good for the planet and delicious”. »
Nous ne sommes pas dogmatiques, l’intention n’est pas d’imposer quoi que ce soit, mais de démontrer qu’on peut avoir une alimentation savoureuse, respectueuse de la nature, en travaillant de façon saisonnière, avec un maximum de produits locaux, de plantes, de graines et d’oléagineux. Notre philosophie : « Good for you, good for the planet and delicious. »
Peut-on être vegan sans carences et sans compléments alimentaires ?
Une tomate cultivée au soleil et cueillie à maturité offre nécessairement plus de nutriments qu’une autre ayant voyagé des heures en avion. A partir du moment où on consomme des produits vivants, il est logique de ressentir immédiatement de la vitalité. Nous essayons de préserver les enzymes et minéraux au maximum de ce que la nature peut offrir, de transformer le moins possible nos produits. La déshydratation garde les vitamines intactes, la pression à froid préserve les enzymes. Et on utilise pas mal de « super-aliments » pour booster le système immunitaire : la spiruline, cette petite algue verte riche en minéraux et protéines, le curcuma allié au poivre noir aux vertus anti-inflammatoires, les racines de maca pour rééquilibrer les hormones, le matcha, un antioxydant, ou le charbon, un remède de grand-mère efficace contre les troubles digestifs. Un organisme décrassé se voit. Si, en plus, on ne nourrit sa peau qu’à l’huile de lin ou de coco et à l’eau de rose, l’effet est miraculeux.
Le bio se veut respectueux de l’environnement, quels sont vos engagements en ce sens ?
Nous travaillons exclusivement des produits issus de l’agriculture raisonnée. C’est simple à Paris, mais à Dubaï, il est par définition difficile de faire pousser des légumes dans le désert. J’ai trouvé une ferme organique, Greenheart, qui, compost après compost, à l’aide de tuiles d’argile et de goutte à goutte, est parvenue à une production extraordinaire. On évite aussi de surproduire et de gaspiller. La totalité de ce que l’on achète est utilisée. Les fanes de carottes sont servies en soupe, la pulpe des fruits pressés est transformée en crackers. On préfère avoir des frigos vides à 17 heures que de jeter 20 salades. Le rêve serait d’atteindre le « zero waste » en 2020. Et notre packaging sera bientôt 100 % biodégradable, jusqu’à la colle des étiquettes.
Comment démocratiser l’alimentation « healthy », dont le niveau de prix reste élevé ?
Je reconnais que cette alimentation reste chère, mais on paie une assurance santé. On espère faire partie des pionniers du changement. Je me réjouis de voir de plus en plus d’adresses comme la nôtre, car plus on sera nombreux, plus les prix seront compétitifs. En attendant, chacun peut supprimer totalement le sucre blanc, cuisiner un maximum des légumes de saison, et faire son lait d’amande soi-même ou un smoothie au petit-déjeuner prend trois minutes. Nos enfants sont très concernés par notre empreinte sur la planète. Laquelle veut-on leur léguer ?
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu