Parti de rupture ou de gouvernement ? Cette tension jamais résolue menace le Parti socialiste de désintégration. Professeur d’histoire et de sociologie politique, directeur du Centre d’histoire de Sciences Po et président de la School of government de la Libre université internationale des études sociales (Luiss, Rome), Marc Lazar est coauteur de l’ouvrage Le Parti socialiste unifié. Histoire et postérité (Presses universitaires de Rennes, 2013). Il retrace les grandes étapes de la douloureuse confrontation du PS avec l’exercice du pouvoir.
Le PS est-il mort, comme l’a récemment déclaré Manuel Valls ?
Je serais plus prudent. La crise qu’il traverse est périlleuse mais il en a connu d’autres. Chaque fois que les socialistes ont été au pouvoir sous la Ve République, les tensions qui se sont ensuivies ont entraîné des échecs électoraux : lors du premier mandat de François Mitterrand (ils perdent les législatives en 1986), lors du second (déroute aux législatives de 1993), lors de l’élection présidentielle de 2002, où Lionel Jospin a été éliminé du second tour… Manifestement, l’exercice du pouvoir plonge toujours le PS dans de grandes difficultés et dans de douloureux débats internes.
Ces difficultés se sont-elles aggravées sous le quinquennat de François Hollande ?
Un certain nombre d’éléments ont amplifié le problème. C’est d’abord l’écart entre le discours et les actes en matière de politique économique et sociale. La fameuse phrase de François Hollande lors du discours du Bourget – « Mon ennemi, c’est la finance » – s’est rapidement heurtée à la nouvelle orientation économique du gouvernement en faveur des entreprises.
C’est, ensuite, la question de l’Union européenne (UE), qui divise depuis des décennies le PS. François Hollande avait annoncé qu’il allait tenter de renégocier le traité de stabilité budgétaire pour infléchir la politique d’austérité : cela ne s’est pas fait, et cet échec a mis à nu la division sur ce sujet au sein du PS – division qui avait déjà été creusée lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen.
« La fameuse phrase de François Hollande lors du discours du Bourget – “Mon ennemi, c’est la finance” – s’est rapidement heurtée à la nouvelle orientation économique du gouvernement en faveur des entreprises »
C’est, encore, la question de la fonction présidentielle sous la Ve République, sujet toujours épineux pour un parti dont la tradition est la démocratie parlementaire. Faut-il incarner franchement cette fonction, de façon verticale, comme le soutient Manuel Valls ? Ou au contraire introduire plus d’horizontalité et évoluer vers une VIe République, comme le propose Benoît Hamon ? En hésitant entre les deux, le président « normal » a relancé le débat au sein du PS.
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