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Réforme du code du travail, un scénario pas si bien huilé

Le gouvernement dément l’existence d’un « plan caché », à la suite de la publication de plusieurs documents.

Publié le 07 juin 2017 à 09h37, modifié le 07 juin 2017 à 17h38 Temps de Lecture 4 min.

Le gouvernement masque-t-il ses intentions sur la réforme du code du travail ? Le doute ou l’agacement s’insinue dans les esprits, à la faveur de révélations sur des pistes de réflexion qui sont prêtées à l’exécutif : elles laissent supposer que des mesures ultralibérales sont à l’étude.

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, promet qu’il n’en est rien. Mais une nouvelle fuite, mercredi 7 juin, dans les colonnes de Libération, après celle de l’avant-veille dans Le Parisien, est susceptible d’installer un climat de défiance et d’accréditer l’hypothèse qu’il y a un agenda masqué, écornant la volonté affichée par le pouvoir en place de dialoguer avec les partenaires sociaux. Ces épisodes tombent bien mal, pour Emmanuel Macron et pour Edouard Philippe, à quelques jours du premier tour des législatives.

Les documents sortis par Libé­ration émanent de la direction générale du travail (DGT). Datés du 31 mai, ils font état de « réformes demandées par le cabinet » – sous-entendu celui de Mme Pénicaud. Leur contenu est explosif. L’une des mesures mentionnées ­consiste à donner la possibilité de définir à l’avance, dans le contrat de travail, les causes précises d’un licenciement. Il y a aussi la faculté laissée à l’entreprise de choisir les raisons pour lesquelles elle pourrait avoir recours à un CDD (en plus des trois motifs déjà établis aujourd’hui dans la loi). Est également mentionnée l’idée d’instaurer « un principe général de primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail ».

Les règles sur les plans sociaux sont également revisitées : une entreprise est tenue d’en engager un, à l’heure actuelle, lorsqu’elle veut licencier au moins dix personnes et qu’elle compte au moins 50 salariés ; dans les textes de la direction générale du travail est évoquée la possibilité de rehausser ces seuils… Avec cette litanie de « bombes », le gouvernement est assuré de braquer tous les syndicats et de faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes.

Tournure approximative

Interrogée, mercredi matin, sur France Inter, Mme Pénicaud a démenti catégoriquement l’existence d’un « plan caché ». « Cette note, nous ne l’avons pas reçue », a-t-elle ajouté, précisant qu’elle n’avait aucun caractère « officiel » et qu’elle « ne [l’]intéress [ait] pas ». « La seule chose qui vaille, c’est le document que nous avons envoyé [mardi] aux syndicats, a-t-elle souligné. Je crois au dialogue, le reste, c’est l’écume du jour. »

Une source au sein de l’exécutif dit qu’il ne faut pas se méprendre sur le document lui-même et l’intitulé, « réformes demandées par le cabinet », qui figure dans les textes dévoilés par Libération : il s’agirait en fait d’une série de suggestions, émises par les organisations patronales et syndicales, dont l’expertise a été réclamée à la DGT par l’entourage de Mme Pénicaud. Autrement dit, l’intitulé retenu ferait un raccourci, en portant au crédit du cabinet de la ministre les mesures incriminées, alors que ce ne serait pas le cas en réalité. Un malentendu, en somme, lié à une tournure approximative.

Reste que cette affaire est très contrariante pour l’exécutif. Elle pollue le discours entonné depuis leurs prises de fonctions par MM. Macron et Philippe : montrer que la méthode est nouvelle ; que les leçons de la loi travail, adoptée dans la douleur en 2016, ont été apprises.

La journée de mardi était, à cet égard, parfaitement orchestrée : une prise de parole commune de M. Philippe et de Mme Pénicaud pour insister sur l’importance du dialogue social ; un programme de travail envoyé aux syndicats et rendu public dans la foulée afin de montrer à quel point les choses sont « cadrées », selon l’expression d’une source au sein de l’exécutif.

Ordonnances avant la fin de l’été

« Toutes les organisations seront entendues, respectées et écoutées. Je crois à la négociation et à la discussion », a insisté le premier ministre. Cette discussion passera par l’organisation de pas moins de 48 rendez-vous avec les partenaires sociaux. Six par organisation syndicale et patronale. Le calendrier a, lui aussi, été reprécisé : présenté en conseil des ministres le 28 juin, le projet de loi d’habilitation devrait ensuite être voté avant la fin de juillet. Et les ordonnances ratifiées avant la fin de l’été. Les tours de discussions seront, eux, organisés par grands thèmes. Sera d’abord examinée, du 9 au 23 juin, l’articulation de la négociation entre l’échelon de la branche et celui des entreprises (quels thèmes doivent rester la prérogative du premier et quels autres doivent se décider au niveau du second). Du 26 juin au 7 juillet, les partenaires sociaux aborderont le thème de « la simplification et du renforcement du dialogue économique et social » (comme par exemple la fusion des instances représentatives du personnel). Enfin, du 10 au 21 juillet, sera discutée « la sécurisation des relations de travail » (comme la barémisation des indemnités prud’homales).

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« Cette réforme est différente des précédentes en ce qu’elle est pragmatique », veut-on croire au ministère du travail. « Le problème de l’année dernière, avec la loi travail, explique Véronique Descacq, numéro deux de la CFDT, c’est que nous avions discuté, mais ensuite, certaines choses dont nous n’avions jamais parlé sont sorties du chapeau. »

Pour Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, la méthode « est vraiment différente » : « L’an dernier, complète-t-il, nous n’étions pas écoutés. Nous n’étions pas dans la discussion, nous découvrions les choses au fur et à mesure. Là, des rendez-vous sont explicitement organisés avec chacun. Ils ont intégré des thèmes aux discussions, sur notre demande, comme par exemple le rôle des branches. »

Les révélations de Libération et du Parisien vont-elles crisper les protagonistes ? « Ça me paraît être une alerte sérieuse », confie François Hommeril, président de la CFE-CGC. « Je me pose des questions pour être franc », a réagi M. Mailly mardi matin sur Europe1. « Certains points [dans les textes de la DGT] sont inacceptables, enchaîne Mme Descacq. On verra donc pendant les concertations s’ils nous écoutent… ou pas. »

Pour les organisations syndicales, qu’importe le changement de méthode, c’est le résultat final qui compte.

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