Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Comment la crise grecque est devenue celle de l'euro

C'est en arrivant au pouvoir, en octobre 2009, que les socialistes grecs découvrent l'ampleur des déficits publics. La crise traversée par ce pays a failli avoir raison de la zone euro, dont les membres se sont finalement mobilisés, sans pour autant éteindre l'incendie...

Le Monde

Publié le 12 mai 2011 à 20h23, modifié le 01 novembre 2011 à 18h02

Temps de Lecture 6 min.

Manifestation dans les rues d'Athènes, le 3 mars 2010, à la suite du traitement de choc annoncé par le gouvernement.
  • 2009 - UN DUR CONSTAT

A peine élu, en octobre, le gouvernement socialiste grec découvre la réalité des finances publiques. Alors que la droite affichait un déficit officiel à 6 % du PIB, le premier ministre Georges Papandréou révèle qu'il atteint 12,7 %. Malgré ces chiffres alarmants, il maintient son plan de relance de 2,5 milliards d'euros et renvoie à 2011 la lutte contre les déficits.

Mais la confiance des investisseurs est ébranlée. En décembre, les agences de notation internationales baissent successivement leur note de la dette grecque, ce qui renchérit les taux d'intérêts auxquels Athènes peut emprunter. Georges Papandréou présente alors un plan de rigueur pour retourner sous les 3 % de déficit avant 2013,  incluant une baisse les frais de fonctionnement de l'Etat, un gel des recrutements et des salaires des fonctionnaires et une hausse de la fiscalité. "Il faut prendre en trois mois des décisions qui n'ont pas été prises depuis dix ans", relève-t-il.

  • 2010 - LE PREMIER SAUVETAGE

Dès janvier, la Grèce demande au Fonds monétaire international (FMI) une "assistance technique pour évaluer les besoins en matière d'administration fiscale et de budget", mais il n'est pas encore question d'une aide financière. L'euro baisse.

La Commission européenne valide le plan de rigueur et place la Grèce sous étroite surveillance. L'euro continue sa chute. Il semble avéré que certains fonds spéculent massivement sur une dégradation des finances publiques grecques, faisant craindre une "prophétie autoréalisatrice". Lors d'un sommet sur le sujet, le 11 janvier, les chefs d'Etat et de gouvernement européens assurent officiellement qu'ils aideront Athènes en cas de besoin.

Le président français, Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande, Angela Merkel, principaux négociateurs de l'accord sur le plan de sauvetage de la Grèce.

Ce n'est que fin avril qu'Athènes se résout à demander de l'aide. Il était temps : dans les jours suivants, elle annonce ne plus pouvoir emprunter sur les marchés après que l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé ses obligations au rang d'"obligations pourries" (junk bonds).

Le 2 mai, l'UE se met d'accord sur un plan de sauvetage de 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans, en contrepartie d'un plan d'économies de 30 milliards d'euros, comprenant des coupes salariales de 10 % dans la fonction publique et une réforme des retraites. Sur l'insistance d'Angela Merkel, dont l'opinion publique renâcle à payer pour le mauvais élève de la zone euro, le FMI est associé à l'effort européen. Trois jours plus tard, à Athènes, lors d'une manifestation contre la rigueur, trois personnes meurent dans l'incendie d'une banque provoqué par un cocktail Molotov.

Trois personnes sont mortes le 5 mai 2010 à Athènes, dans l'incendie d'une agence bancaire du centre-ville. Le premier ministre a condamné un acte

Mais l'aide à la Grèce ne suffit pas à rassurer les marchés. Les Vingt-Sept doivent négocier en urgence, le 10 mai, un Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui pourra emprunter jusqu'à 440 milliards d'euros sur les marchés pour soutenir les pays menacés par une éventuelle extension de la crise grecque, sans oublier les 60 milliards de la Commission et 250 milliards du FMI. Ce Fonds servira à porter secours à l'Irlande, fin novembre, puis au Portugal, au printemps suivant.

Lire "L'année où l'euro a failli mourir" (édition Abonnés)

  • 2011 - LE CAUCHEMAR CONTINUE

En mars 2011, Athènes promet aux autres pays de la zone euro d'accélérer son programme de privatisations, pour 50 milliards d'euros. Elle obtient en retour une baisse du taux d'intérêt des prêts consentis, et un allongement de leur durée. Mais cette bouffée d'oxygène ne suffit pas, ni la réduction drastique du déficit public (passé de 15,4 % du PIB en 2009 à 9,4 % en 2010). L'austérité ne permet pas de sortir de la récession qui, comme les fraudes fiscales persistantes, pèse sur les recettes de l'Etat : la dette continue de grimper, pour dépasser 150 % du PIB.

Le premier ministre grec a plaidé samedi pour la création d'une agence de restructuration de la dette.

Celle-ci s'échange désormais sur les marchés à des taux prohibitifs. Dans ces conditions, l'objectif d'un retour de la Grèce sur les marchés financiers en 2012, afin d'y lever des fonds, ne paraît plus tenable. Le gouvernement, de même que la Banque centrale européenne (BCE) et la plupart des Etats de la zone euro, continuent à exclure toute restructuration de la dette, craignant qu'elle provoquel'effondrement des banques du pays et "une avalanche d'attaques spéculatives sur un grand nombre de pays européens". Il faudra donc envisager une nouvelle aide.

Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application

Pour retarder l'échéance, Georges Papandréou présente mi-avril son second plan d'austérité demandé par ses créanciers, prévoyant 26 milliards d'euros d'économies d'ici à 2015, en plus des privatisations déjà promises. La neuvième grève générale depuis le début de la crise a lieu en mai, bientôt relayée par un mouvement placé sous la bannière des "Indignés" espagnols, et organisé via Internet et les réseaux sociaux. Quinze mille personnes descendent dans la rue.

  • AFP/LOUISA GOULIAMAKI

  • AFP/LOUISA GOULIAMAKI

  • REUTERS/YIORGOS KARAHALIS

  • REUTERS/GRIGORIS SIAMIDIS

  • REUTERS/JOHN KOLESIDIS

  • REUTERS/YIORGOS KARAHALIS

16

Le gouvernement socialiste se divisant sur les réformes en cours, le premier ministre procède en juin à un remaniement : il accorde à son ancien rival au sein du Pasok, Evangelos Venizélos, le ministère clé de l'économie, et le titre de vice-premier ministre. Et obtient dans la foulée un vote de confiance du Parlement, puis l'adoption du plan de rigueur, qui permet le déblocage de la cinquième tranche d'aide promise en 2010, soit 12 milliards d'euros.

Le soulagement est de courte durée. La dégradation brutale de la note du Portugal, le 6 juillet, relance les craintes des marchés concernant les pays vulnérables de la zone euro, dont l'Italie, la troisième économie de l'union monétaire. Les Bourses baissent d'autant plus que les dirigeants de la zone euro, réunis les 24 juin et le 11 juillet, tardent à se mettre d'accord sur le prochain plan d'aide à Athènes. Georges Papandréou se plaint de la "cacophonie" européenne.

L'agence de notation Fitch dégrade alors de trois crans la note de la Grèce, à CCC. La publication des tests de résistance des banques européennes, plutôt positifs, ne parvient pas à lever l'incertitude. Le 17 juillet, les principales Bourses mondiales dévissent : Milan perd plus de 3 %, Paris chute à son plus bas niveau depuis le début de l'année. Seule bonne nouvelle, une réunion extraordinaire des dirigeants de la zone euro est fixée au 21 juillet.

Prénégocié entre Paris et Berlin, un accord est trouvé sur un nouveau plan d'aide à la Grèce, de 109 milliards d'euros, auquel s'ajoute une contribution de 49 milliards d'euros des créanciers privés, qui acceptent une décote de 21 % sur leurs emprunts d'Etat grecs. Un renforcement du Fonds européen (FES) est également décidé. Ce répit rassure les marchés, sans empêcher l'agence Moody's de dégrader fortement la note de la dette grecque, à un cran du défaut de paiement.

Les difficultés ressurgissent vite, dans un contexte européen de plus en plus tendu : début août, un krach boursier menace, et la BCE doit se porter au secours de l'Italie et de l'Espagne, dont la dette inquiète les investisseurs, en rachetant leurs obligations d'Etat. Début septembre, les experts de la troïka (Commission européenne, BCE et FMI), chargés de contrôler la mise en œuvre par la Grèce des mesures d'austérité avant le versement de la sixième tranche d'aide, de 8 milliards d'euros, quittent Athènes en claquant la porte. Ils ne reviennent qu'à la fin du mois, après l'annonce d'une troisième salve de mesures d'austérité en quinze mois. En parallèle, Bruxelles dépêche un groupe de travail, censé aider la Grèce à mettre en œuvre ses réformes.

Avant même que les dix-sept pays de la zone euro achèvent de ratifier le plan d'aide du 21 juillet, celui-ci apparaît insuffisant. La situation grecque est si mauvaise que l'Allemagne finit par convaincre la France qu'il faut une nouvelle décote de la dette d'Athènes. Reste à en fixer le montant, tout en recapitalisant les banques ainsi privées de remboursement et à éviter la contagion à l'Italie et à l'Espagne. C'est l'immense défi que le sommet des dirigeants européens du 26 octobre, dit de la dernière chance, doit tenter de relever.

Le Monde

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.