La mise en place de politiques de rigueur budgétaire et d'austérité salariale dans la plupart des pays européens suscite un vif débat parmi les économistes, qui rappelle celui qui se produisit au début des années 1930.
La crise de 1929, partie des Etats-Unis, avait gagné l'Europe, provoquant une récession générale, une baisse des prix affectant les profits des entreprises, une forte montée du chômage, particulièrement aux Etats-Unis et en Allemagne (où l'on compte en 1933 respectivement 12,8 et plus de 6 millions de chômeurs environ).
Face à cette situation, les économistes "orthodoxes" préconisaient des politiques économiques déflationnistes visant à réduire les coûts salariaux afin de suivre la baisse des prix et de permettre la remontée des profits et la relance des investissements privés. Il s'agissait aussi de réduire les dépenses publiques afin de retrouver un excédent budgétaire restaurant la crédibilité des Etats.
Cette politique fut suivie par le président des Etats-Unis, Herbert Hoover, jusqu'en 1932, par Pierre Laval en France en 1934-1935 et, surtout, en Allemagne de 1930 à 1932 par Heinrich Brüning (1885-1970).
Originaire de Münster, en Westphalie, Brüning avait suivi des cours de philosophie, de droit, d'histoire et d'économie, avant de devenir en 1920 secrétaire général de la Confédération générale du travail (un syndicat chrétien), puis député du Reichstag en 1924, et président du groupe parlementaire centriste (le Zentrum) en 1929.
NOMMÉ CHANCELIER
Le 28 mars 1930, il fut nommé chancelier par le président Hindenburg, dans un contexte difficile : l'Allemagne, qui avait subi le traumatisme de l'hyperinflation et de l'effondrement de la valeur de sa monnaie en 1924, était en récession et comptait déjà 3 millions de chômeurs ; elle devait aussi faire face au remboursement des "réparations" de la guerre de 1914-1918.
L'objectif premier de Brüning était de faire la preuve de l'irréalisme de cette exigence des anciens vainqueurs. Comme le précise Brüning dans ses Mémoires (Gallimard, 1974), il s'agissait de retrouver une balance commerciale excédentaire alors que les exportations allemandes avaient diminué de moitié depuis 1930, afin de "mettre l'Allemagne en mesure de résister à n'importe quelle contrainte extérieure" et de "mettre à profit la crise mondiale pour exercer une pression sur les autres pays" et les contraindre à abandonner les réparations.
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