Pour Lionel Fontagné, professeur d’économie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et spécialiste des questions de libre-échange, l’attitude menaçante du président américain Donald Trump en matière de protectionnisme place les Européens dans une position particulièrement délicate.
Etes-vous surpris que les Etats-Unis invoquent la sécurité nationale pour restreindre les importations d’acier ?
La tension est clairement montée d’un cran. Je pensais que Donald Trump commencerait d’abord par mettre en place des mesures antidumping, plutôt que d’utiliser l’argument de la protection de ses industries stratégiques. Or, les Européens ne peuvent pas se défendre sur ce terrain à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : s’ils tentent de riposter dans ce cadre, ils n’auront probablement pas gain de cause.
Le président Trump se montre de plus en plus vindicatif, mais qu’a-t-il fait jusqu’à présent pour mettre en œuvre sa doctrine de l’« America First » ?
L’attitude menaçante de M. Trump avait jusqu’ici incité les entreprises à montrer des signes de bonne volonté, en répétant des choses qu’elles avaient déjà annoncées, mais cela n’a qu’un temps, comme le montre l’exemple de Ford [le constructeur a finalement annoncé le 20 juin qu’il allait produire en Chine sa nouvelle Focus, actuellement fabriquée dans le Michigan].
Concrètement, M. Trump a choisi de sortir du TPP, le traité de libre-échange transpacifique, qui visait à contrebalancer la puissance chinoise dans la région Pacifique. Cela ne constitue pas une mesure protectionniste à proprement parler, mais c’est tout de même un refus d’aller vers plus d’ouverture du marché, alors que ce dossier était soutenu par la précédente administration américaine.
Ensuite, il a entamé les discussions pour renégocier l’Alena, le traité qui lie les Etats-Unis au Mexique et au Canada. L’une des pistes est d’exiger un taux minimal de valeur ajoutée dans les produits locaux (par exemple, une voiture canadienne) pour les laisser circuler sans droits de douane au sein du marché régional. Le taux de 60 % est évoqué, ce qui est déjà élevé.
Enfin, la Commission américaine du commerce international (United States International Trade Commission), qui gère les contentieux et les sujets d’antidumping, a publié récemment un rapport contenant des termes très agressifs sur le libre-échange, et l’idée que l’avis des partenaires commerciaux de Washington compte peu. Avec la Chine, en revanche, M. Trump est plutôt dans une discussion pour voir comment rééquilibrer les échanges sans aller jusqu’au conflit commercial.
Il vous reste 12.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.