SI LE TOURISTE ADEPTE DE LA PLAGE NATURISTE DU CAP-D'AGDE, sobrement baptisée "baie des cochons", revendique la libération des corps et aspire, à première vue, à une nudité totale et inconditionnelle, il ne part jamais en vacances les valises vides. La vie étant faite de compromis, il sait en effet que, même là-bas, un dress code informel est en vigueur, et il n'ignore pas qu'il devra s'y soumettre. Car l'art de se dévêtir est en réalité l'art de peu se vêtir...
Pour se rendre sur cette fameuse plage, où les ébats publics entre couples sont fréquents, il convient de traverser des bords de côte plus classiques, fréquentés par des familles avec enfants, le long desquels une certaine réserve est naturellement de mise. C'est seulement au bout de cinq à dix minutes de marche, lorsqu'on arrive à la hauteur du poste de secours qui marque le début de la plage libertine, qu'il conviendra de se débarrasser, d'un geste plein de panache, du paréo noué autour de sa taille. Car, ici, on ne badine pas avec le dress code. Seuls les individus déambulant dans le plus simple appareil y sont tolérés. De fait, les inconscients qui gardent un tee-shirt, un paréo ou, pis, un maillot de bain, ne manqueront pas d'être stigmatisés, voire sermonnés. Il n'est pas rare, même, que des récalcitrants soient dévêtus de force, leur maillot lancé à la mer. Cette célérité à faire respecter la nudité réglementaire est une façon pour le groupe de se protéger et de se préserver des voyeurs non naturistes. Pour avoir le droit de regarder, en somme, il faut donner de sa personne.
Néanmoins, si le touriste du Cap-d'Agde est un utopiste, bercé d'une illusion libertaire, il n'en reste pas moins un humain, doté d'un corps sensible aux éléments extérieurs. Ainsi, sur la plage de la "baie des cochons", les estivants conservent souvent leurs souliers afin d'éviter que le sable chaud ne leur brûle la plante des pieds. D'une rare inélégance, le port de la chaussure sur corps nu se double d'ailleurs souvent de celui du couvre-chef. Car à lézarder des heures entières sans jamais aller se rafraîchir, le danger de prendre un coup de chaud n'est pas exclu.
Souvent lesté d'un sac à dos lui permettant de se déplacer sur la plage au gré de ses aventures sans risquer de se voir subtiliser ses biens (la police ne se montre pas beaucoup sur ce rivage particulier) et habituellement orné de divers accessoires métalliques suggérant une vie sexuelle exotique, le touriste du Cap-d'Agde évolue donc rarement totalement nu dans son environnement. Il oublie hélas trop souvent ce précieux conseil : "Sortez couvert."
Illustration Bob London
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