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Flavie Flament se voit confier une mission sur le délai de prescription pour le viol

L’animatrice a révélé dans un livre témoignage avoir été violée à l’âge de 13 ans par un photographe « mondialement connu », qu’elle ne peut poursuivre en raison du délai de prescription.

Le Monde avec AFP

Publié le 25 novembre 2016 à 17h07, modifié le 25 novembre 2016 à 18h07

Temps de Lecture 6 min.

Flavie Flament a été nommée par la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol, mardi 22 novembre, à la tête d’une mission de consensus sur le délai de prescription pour les viols. Cette nomination fait suite aux accusations publiques de l’animatrice pour viol à l’âge de 13 ans par le photographe David Hamilton.

Dans son livre La Consolation (JC Lattès), paru le 19 octobre et qu’elle dédie « à tous ces enfants réduits au silence, à qui la mémoire et la parole sont revenues trop tard, à tous ces enfants qu’il est encore temps de consoler », Flavie Flament révèle avoir été violée il y a près de trente ans, par un photographe connu, dont elle ne dévoile pas le nom.

« J’ai été repérée au Cap d’Agde par un photographe mondialement connu qui m’a proposé de faire des essais, témoignait-elle sur France 2, au début de novembre. Quand vous avez un photographe qui ouvre la porte, nu, avec juste un appareil photo en bandoulière posé sur le ventre, a priori, on n’est pas dans quelque chose de tout à fait normal, et pourtant, j’y allais, et pourtant j’étais laissée l’après-midi avec ce photographe. »

« L’homme qui m’a violée est bien David Hamilton »

Trente ans ont passé pendant lesquels, si elle a « toujours su qu’il s’était passé quelque chose d’étrange », elle était « incapable de mettre des mots dessus ». Hantée par des « flashs », Flavie Flament a consulté un psychiatre et a retrouvé une photographie qui a ouvert les vannes de sa mémoire traumatique. Mais l’animatrice ne peut plus poursuivre son violeur en raison du délai de prescription imposé par la loi. Un « couperet terrible », explique-t-elle à L’Obs. Une injustice qu’elle souhaiterait combattre, tout en incitant celles et ceux qui ont vécu le même drame à porter plainte sans attendre.

Après la parution de son livre, d’autres femmes ont témoigné dans la presse, sous pseudonyme, et ont affirmé avoir subi le même sort pendant leur adolescence, accusant nommément David Hamilton. Deux femmes racontent, le 17 novembre à L’Obs, comment, dans les années 1980, au Cap d’Agde, elles auraient été approchées par le même photographe pour faire un essai.

Dans une interview accordée à Elle, Flavie Flament, confortée, déclare : « Jusque-là, j’avais fait mes démarches seule, et je doutais, parce qu’on doute toujours. En partageant nos souvenirs, elles m’ont confirmé que j’avais raison. » Après la parution de ces autres témoignages, l’animatrice, actuellement journaliste radio sur RTL, finit par dévoiler dans L’Obs le nom de son agresseur présumé.

« L’homme qui m’a violée lorsque j’avais 13 ans est bien David Hamilton, affirme-t-elle dans un entretien filmé. Je n’avais pas le droit de citer le nom de David Hamilton dans mon ouvrage parce que (…) la prescription aujourd’hui condamne doublement les victimes de viol », explique l’animatrice de 42 ans, évoquant les risques d’être poursuivie pour diffamation.

Le photographe britannique, aujourd’hui âgé de 83 ans, a d’ailleurs annoncé mardi 22 novembre son intention de déposer plainte pour diffamation à la suite de ces accusations. « Aujourd’hui, je ne fais l’objet d’aucune poursuite. Nous sommes au-delà de ma présomption d’innocence. Je suis innocent et dois être considéré comme tel », a affirmé David Hamilton dans un communiqué transmis à l’AFP.

Débat sur la prescription des crimes sexuels sur mineurs

Si un projet de loi est actuellement en débat au Parlement visant à modifier les délais de prescription pénale pour les crimes et délits pour les victimes majeures, il ne prévoit pas de changement pour les victimes mineures. Ce que déplorait la sénatrice UDI Chantal Jouanno à la fin de septembre dans Libération, qui avait proposé un projet de loi en 2014 avec Muguette Dini pour accorder à la victime le droit de porter plainte quand elle se sentait en mesure de le faire. « On banalise l’acte d’agression sexuelle et on traite le mineur comme une personne majeure. D’autant plus qu’il s’agit d’une atteinte à la personne aggravée quand il s’agit de mineurs. »

Actuellement, et depuis 2004, la prescription pour les viols sur mineurs de moins de 15 ans est de vingt ans après la majorité de la victime, de dix ans pour les agressions sexuelles. Les mineurs victimes de viol ont donc jusqu’à leurs 38 ans pour porter plainte.

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Pour Laure Ignace, juriste de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), ces délais ne prennent pas en compte les réalités propres à ce genre de situations. « Une victime d’un viol peut se réveiller plusieurs années après. Pour ces personnes, le délai de prise de parole est très très lent. Elles peuvent décider d’engager une action en justice après un suivi psychologique, un long travail de reconstruction. »

Des pays ont opté pour l’imprescriptibilité

Revoir les délais, « il faut y réfléchir très sérieusement, il faut y travailler », disait à la mi-octobre la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, Juliette Méadel. « Etre victime d’un viol, dans ces conditions, ne pas pouvoir ensuite porter plainte (…) fait et pose question », a-t-elle déclaré sur France Info, expliquant être saisie de cas de viols sur mineur ou par des associations qui défendent les victimes et avoir été « très frappée par cette incapacité qu’ils ont, à cause de la prescription, à porter plainte ».

Mme Méadel a rappelé que « l’imprescriptibilité des crimes est réservée aujourd’hui aux crimes contre l’humanité, donc il faut aussi respecter une forme de classement, de gradation ». Selon elle, « le droit ne se résout pas seulement en un procès, le droit des victimes, c’est aussi les écouter et que leur parole soit publiquement entendue ».

Pour les associations, il n’y a pas d’obstacle à l’imprescriptibilité. « L’Angleterre, la Suisse [en 2013] et la Californie l’ont fait », rappelle Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. Dans le sillage de l’affaire Bill Cosby, le gouverneur de la Californie a ratifié à la fin de septembre une loi supprimant la prescription pour les crimes sexuels.

Flavie Flament doit être accompagnée dans sa mission de consensus sur le délai de prescription par un avocat pénaliste. « Elle, c’est une victime, mais c’est une experte de ce sujet également », a commenté la ministre Laurence Rossignol au sujet du choix de l’animatrice.

Le Monde avec AFP

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