Evidemment, depuis le splendide auditorium de Henderson, avec ses grandes parois vitrées et sa décoration ultramoderne, l’image des sidérurgistes ne vient pas immédiatement à l’esprit. On est à deux pas de Liverpool Street, au cœur de la City, et si l’argent avait une odeur, on la respirerait ici à pleins poumons. Henderson est une grosse société de gestion de fonds, récemment fusionnée avec Janus, un de ses concurrents. Ensemble, ils ont des encours de près de 300 milliards d’euros, deux mille employés dans vingt-sept villes.
Et pourtant, derrière cette façade luxueuse, les premières craquelures apparaissent. Avec des taux d’intérêt quasiment à zéro depuis une décennie, les fonds d’investissement peinent à dégager des rendements intéressants. A force, ça finit par se voir et les investisseurs en ont marre. Du coup, ils cherchent ailleurs des alternatives. Ils se dirigent en masse vers les investissements dits « passifs » : des produits qui se contentent de suivre les indices boursiers. Pas question d’essayer de battre le marché, mais simplement de le suivre. Un produit en particulier attire les investisseurs : les ETF (Exchange Traded Funds), des produits cotés qui répliquent les indices.
L’intérêt ? Ça ne rapporte peut-être pas beaucoup, mais au moins, ça ne coûte pas cher. Au lieu de payer des commissions qui vont jusqu’à 2 % des actifs gérés, les ETF imposent des frais quatre à cinq fois plus faibles, voire dix fois moindres pour les marchés les plus courants. Le mois dernier, Vanguard, un mastodonte américain spécialisé dans ces produits, s’est lancé auprès des investisseurs individuels au Royaume-Uni : ses frais sont de 0,15 % des fonds gérés.
Les investissements « passifs »
Cette stratégie marche. Aux Etats-Unis, les investissements « passifs » comptent désormais pour le tiers des fonds mutuels du pays. En Europe, la même tendance est en marche. Les investisseurs semblent s’être convaincus d’une règle simple et de bon sens : quant à faire des rendements médiocres, mieux vaut au moins ne pas gaspiller son capital en frais inutiles.
D’où cette question très simple : puisque les gérants « actifs » ne rapportent pas grand-chose, et qu’ils coûtent plus chers, à quoi servent-ils ? A terme, ne sont-ils pas destinés à disparaître, remplacés par le « passif » ? Mi-mars, on avait posé la question à Andrew Formica, le patron de Henderson, qui nous avait répondu qu’on exagérait un peu. « On n’est pas comme l’industrie sidérurgique ou comme Kodak avant l’apparition des appareils photo numériques. »
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