Lérins, comme une promesse de paradis. Quand le bateau débarque son contingent de touristes sur la petite île, à un quart d’heure de Cannes, dans les Alpes-Maritimes, les cigales, l’azur de la Méditerranée souligné par le soleil d’été qu’encadre la palette des verts des pins, des eucalyptus et des vignes, emplit le cœur de joie et de sérénité. Avec la promesse de goûter des vins superbes.
Au contraire des milliers de visiteurs qui assaillent son encombrante et non moins séduisante voisine, l’île de Sainte-Marguerite, Saint-Honorat – du nom du patricien gallo-romain, qui, au début du Ve siècle, s’est fixé sur l’île de Lerina – n’accueille que quelques centaines de bienheureux. A condition de rester corrects, « par respect pour les moines qui vivent sur l’île depuis seize siècles, merci de respecter le silence et une tenue décente (tee-shirt et short obligatoires) », ils pourront découvrir les criques de l’île, visiter aussi la partie ouverte de l’abbaye.
« La règle de saint Benoît dit que “le vin ne convient pas au moine”, mais il n’est pas facile de l’en persuader »
Certains portails s’ornent de panonceaux décorés d’une silhouette de moine encapuchonné interdisant l’entrée aux touristes. Qui se consolent en déjeunant aux Tonnelles, le restaurant de l’île, avec les vins îliens. D’autres flacons y sont proposés, car l’abbaye ne vinifie qu’en rouge et en blanc et, au cœur de la saison estivale, nombreux sont les clients tentés par un rosé provençal.
Les vignes, plantées sur huit hectares – cinq en rouge et trois en blanc –, n’occupent qu’une partie des 37 hectares de l’île, propriété de l’abbaye, soit 1 500 m de long sur 400 au plus large. Un joyau posé sur les eaux claires de la Méditerranée, dont l’histoire est tourmentée. L’abbaye a régné, pour les bénédictins, sur l’est de la Provence, quand celle de Saint-Victor de Marseille veillait sur l’ouest. Depuis l’installation de saint Honorat, avec la bénédiction de l’évêque de Fréjus, les troubles n’ont cessé : invasion des Sarrasins, des Génois, des Espagnols, Révolution française et, plus récemment, lors de la seconde guerre mondiale, débarquement des Italiens puis des Allemands. Sur l’île, tours et blockhaus le rappellent.
L’office dans les vignes
Si la vigne a quasiment toujours été présente, comme en témoignent des plans du XVIe siècle, la production viticole a connu heurs et malheurs : la qualité n’était pas au rendez-vous. « Dans la règle de saint Benoît, édictée au VIe siècle, il est dit que “le vin ne convient pas au moine”, mais il n’était pas toujours facile de l’en persuader. Alors, nous en buvons avec modération aux repas, deux verres maximum, et, bien sûr, lors des offices. En arrivant à l’abbaye, j’ai arrêté de boire du vin tellement il était mauvais. Voici vingt ans, nous avons décidé de faire un vin qui puisse se vendre », explique le père abbé Vladimir. Au début des années 1990, les moines se sont attelés à produire un vin d’excellence, et la récolte 2017 sera la première certifiée en bio.
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