« Errare humanum est, sed perseverare diabolicum. » Les antinucléaires répètent la sentence à l’envi pour fustiger les « nucléocrates » et cette énergie à leurs yeux… méphistophélique.
Désormais, ce sont ses partisans eux-mêmes qui se prennent à douter de l’avenir d’une filière qui accumule les déboires industriels et financiers. Et si l’on était arrivé au terme d’une histoire commencée au lendemain de la seconde guerre mondiale ? Et s’il fallait arrêter de construire de ruineux EPR, le réacteur de troisième génération présenté comme le symbole d’une « renaissance » sans cesse différée ? Et si le temps était venu de changer de modèle énergétique ?
Ce n’est pas le choix qu’a fait Emmanuel Macron. Avant son élection, le futur président de la République a souligné que le nucléaire était une « filière d’avenir » et il a soutenu la décision d’EDF de construire deux EPR sur le site d’Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Un projet contesté au sein même d’EDF.
Signe que l’annonce, début juillet, d’un premier dérapage (+ 1,8 milliard d’euros) inquiète le gouvernement, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a demandé à l’entreprise de présenter d’ici à la fin juillet un « plan d’action rigoureux » pour s’assurer de la maîtrise du chantier. Le conseil d’administration, prévu jeudi 27 juillet, doit justement se pencher sur le dossier et présenter des mesures destinées à redresser la barre.
- Une culture de l’atome ancrée depuis 1945
M. Macron a mis ses pas dans ceux de François Hollande. Pas question de sortir complètement du nucléaire. Mais le chef de l’Etat a réaffirmé l’objectif de la loi de transition énergétique de 2015 de ramener de 75 % à 50 % la part d’électricité d’origine nucléaire en 2025. A peine nommé ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot a balayé les doutes et envisagé l’arrêt de dix-sept réacteurs en moins de dix ans, avant que le premier ministre, Edouard Philippe, nuance ses propos en évoquant le « moyen terme ».
Il reste qu’en affichant sa volonté de réduire la voilure nucléaire le gouvernement infléchit une politique vieille de soixante-dix ans.
L’atome civil est un des avatars de l’« exception française ». Il y a un ADN nucléaire dans la science et l’industrie françaises, forgé par de prestigieuses figures scientifiques comme Marie Curie, Frédéric et Irène Joliot-Curie, Paul Langevin, Francis Perrin, Lew Kowarski… A la Libération, passant allègrement sur le bombardement d’Hiroshima, l’atome a été transmuté en promesse de bonheur avec ses applications pacifiques dans l’énergie et la médecine.
Il vous reste 80.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.