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« L’Azerbaïdjan rappelle les dernières années du régime du chah iranien »

Dans une tribune au « Monde », la journaliste azerbaïdjanaise Khadija Ismaïlova, persécutée par le régime, dénonce la corruption généralisée du pouvoir à Bakou et l’hypocrisie de l’Occident.

Publié le 05 septembre 2017 à 06h30, modifié le 05 septembre 2017 à 11h32 Temps de Lecture 4 min.

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Khadija Ismaïlova

Khadija Ismaïlova a participé à l’enquête que publie Le Monde sur les réseaux d’influence de l’Azerbaïdjan en Europe. Membre de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), elle est unanimement saluée pour son courage et le sérieux de ses enquêtes sur la corruption du clan du président Ilham Aliev. Lauréate 2016 du prix mondial de la liberté de la presse Guillermo Cano décerné par l’Unesco, la journaliste a passé près de deux ans en prison, accusée de « crimes économiques ».

Comment « Le Monde » a enquêté sur la stratégie d’influence de l’Azerbaïdjan

En partenariat avec dix autres rédactions européennes, dont l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), le Berlingske danois, la Süddeutsche Zeitung et le Guardian, Le Monde a disséqué le fonctionnement de la « Lessiveuse » (« Laundromat ») azerbaïdjanaise : 16 000 transactions effectuées par quatre sociétés offshore proches du régime, entre 2012 et 2014.

Parmi les bénéficiaires des 2,5 milliards d’euros distribués, on trouve l’Allemand Eduard Lintner et l’Italien Luca Volontè, deux anciennes figures de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, une institution dont l’objet est la défense des droits humains.

L’Azerbaïdjan, où toute opposition est muselée, a ainsi érigé en priorité de sa diplomatie la lutte contre les critiques de sa politique en matière de droits humains. Le pays cherche aussi des soutiens dans le conflit du Haut-Karabakh, qui l’oppose à son voisin arménien. Autre personnalité ayant reçu des virements de la « Lessiveuse » : Kalin Mitrev, mari de l’actuelle directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova.

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TRIBUNE. Dans mon pays, le journalisme est un crime. Les chiffres le montrent : sur les 158 prisonniers politiques actuellement détenus en Azerbaïdjan, 10 sont des journalistes. La semaine dernière, la dernière agence de presse indépendante, Turan, a cessé son activité. Braver cet interdit se paie le prix fort. On m’a fait chanter à coups de vidéos filmées à mon insu par les services secrets dans l’intimité de mon foyer. J’ai été jetée en prison pour une longue liste d’accusations inventées de toutes pièces. Et je ne suis pas la seule.

Le régime azéri a de bonnes raisons de mener une telle répression. L’absence de médias indépendants et de société civile garantit l’impunité totale aux corrompus et laisse toute liberté aux élites pour construire leurs hôtels et développer leurs activités minières. Hors de question qu’elles aient à répondre des origines de leur fortune, ou de l’usage de ces fonds publics soustraits à l’intérêt commun.

Alors que la corruption a paralysé l’éducation et le système de santé, la famille au pouvoir et ses affidés s’enrichissent aux dépens des Azerbaïdjanais. Aucune des affaires de corruption que nous avons révélées, mes confrères et moi, ne fait l’objet d’une enquête ouverte par la justice de notre pays. Pire, les journalistes sont punis – certains de mort, comme Elmar Huseynov, d’autres de prison, comme Seymur Hazi ou moi-même. Les enlèvements et les passages à tabac de journalistes sont devenus banals en Azerbaïdjan.

Pas la moindre perspective de changement

Pourtant, ceux qui persécutent les journalistes et les privent de leurs libertés fondamentales parce qu’ils disent la vérité sont les bienvenus dans les démocraties, où ils se rendent librement, investissent, ouvrent des comptes en banque et transfèrent des fonds volés dans les caisses de l’Etat.

Le gouvernement ne peut pas faire taire tout le monde, pour la simple raison qu’il y a dans chaque foyer un accélérateur de vérité : un réfrigérateur vide.

Quel intérêt, alors, y a-t-il à dire la vérité ? La question m’a été posée à maintes reprises depuis le jour où j’ai été condamnée à sept ans et demi d’emprisonnement. « Vous pouvez écrire tout ce que vous voulez, vous ne changerez rien », m’a dit le gardien de prison. « Tout ce que vous faites est juste, mais cela ne sert à rien », ne cessaient de me dire mes compagnons de cellule quand je cherchais comment faire sortir mes articles de prison ou quand je partageais des nouvelles d’autres défenseurs des droits de l’homme et de journalistes emprisonnés pour avoir dit la vérité. C’est un fait : la prison n’est pas un vivier d’optimistes.

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