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Coupable d’avoir aidé des migrants, Cédric Herrou « continuera à se battre »

L’agriculteur a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé quelque 200 migrants à traverser la frontière italienne par la vallée de la Roya.

Par  (Marseille, correspondant)

Publié le 08 août 2017 à 08h32, modifié le 08 août 2017 à 12h21

Temps de Lecture 3 min.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné Cédric Herrou, mardi 8 août, à quatre mois de prison avec sursis. L’agriculteur de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), militant de la solidarité et de l’aide aux migrants qui traversent la frontière italienne par la vallée de la Roya, est plus sévèrement sanctionné qu’en première instance.

Jugé pour l’aide qu’il a apportée à quelque deux cents migrants, principalement érythréens et soudanais, Cédric Herrou avait été condamné, le 10 février, par le tribunal correctionnel de Nice à une amende de 3 000 euros avec sursis pour avoir acheminé de Vintimille en France des étrangers cherchant coûte que coûte à traverser la frontière. Le procureur de la République de Nice avait fait appel de ce jugement.

Contrairement au tribunal, qui l’avait relaxé du délit d’occupation illicite d’une colonie de vacances de la SNCF, inoccupée depuis 1991, la cour d’appel l’a déclaré coupable et l’a condamné à verser 1 000 euros de dommages et intérêts à la société des chemins de fer.

En octobre 2016, une vingtaine de militants de l’association Roya citoyenne avaient installé dans ces locaux désaffectés cinquante-sept migrants, dont vingt-neuf mineurs, qui avaient pu momentanément être secourus et soignés. Le tribunal avait retenu l’état de nécessité, qui exonère de toute sanction pénale. « C’est une peine d’avertissement », a prévenu le président de la cour.

Dans son arrêt, que Le Monde a consulté, la cour d’appel écarte l’état de nécessité retenu en première instance au motif que « Cédric Herrou ne fournit aucun élément concret sur la nature du péril (…) menaçant les personnes présentes [dans les locaux de la SNCF], leur simple nombre ne pouvant être constitutif d’un péril imminent ou actuel. Il n’établit pas non plus en quoi l’occupation d’un bâtiment considéré comme impropre à l’accueil des personnes pouvait constituer un acte nécessaire à leur sauvegarde ».

Son portrait : Article réservé à nos abonnés Cédric Herrou, défi de solidarité

« Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison »

Plusieurs dizaines de militants étaient venus soutenir Cédric Herrou, et un « Scandaleux ! » s’est élevé du public à la lecture de la décision. « C’est le rôle d’un citoyen d’agir lorsqu’il y a défaillance de l’Etat », avait déclaré Cédric Herrou juste avant l’audience. Commentant sa condamnation, le militant, qui a d’ores et déjà fait savoir qu’il allait se pourvoir en cassation, a déclaré qu’« on a l’impression que la politique instrumentalise la justice ».

« J’invite le parquet à venir dans la vallée de la Roya entendre les familles des quinze personnes mortes en tentant de franchir la frontière. J’attends avec impatience les trente prochaines décennies et on verra qui se retrouvera devant les tribunaux. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison, ce sera plus simple. »

Lors de l’audience, qui s’était tenue le 19 juin, en présence de nombreux militants de Roya citoyenne et d’associations d’aide aux migrants, l’avocat général avait requis huit mois de prison contre Cédric Herrou, la peine prononcée par le tribunal de Nice étant, à son sens, « non proportionnée à l’aide apportée à plus de deux cents personnes, incohérente et de nature à encourager la récidive ».

Lire (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Le « délit de solidarité », une longue histoire

« Un lanceur d’alerte »

La cour s’est rangée à cet avis estimant que « les actions de Cédric Herrou s’inscrivaient de manière générale, comme il l’a lui-même revendiqué et affirmé clairement à plusieurs reprises, dans une démarche d’action militante en vue de soustraire des étrangers aux contrôles mis en œuvre par les autorités. Cédric Herrou ne peut en conséquence pas bénéficier des dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile », qui exempte de poursuites l’aide apportée aux étrangers en séjour irrégulier visant à leur assurer la dignité et l’intégrité physique.

Pour le magistrat, l’agriculteur ne pouvait bénéficier des exemptions humanitaires aux termes desquelles l’aide au séjour irrégulier n’est pas punissable : « Lorsque l’aide s’inscrit dans une contestation globale de la loi, elle n’entre pas dans les exemptions prévues mais sert une cause militante qui ne répond pas à une situation de détresse. Cette contestation constitue une contrepartie » à l’aide apportée.

Se définissant comme « un lanceur d’alerte » se substituant à l’Etat dans l’accueil des demandeurs d’asile, Cédric Herrou a été à nouveau interpellé le 24 juillet à la gare de Cannes alors qu’il accompagnait cent cinquante-six migrants arrivés chez lui et qui souhaitaient se rendre à Marseille pour y déposer une demande d’asile. Au terme de la garde à vue de Cédric Herrou — la sixième depuis 2016 —, le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) a ouvert une information judiciaire.

Le juge d’instruction de Grasse a mis en examen M. Herrou et lui a imposé un contrôle judiciaire lui interdisant de quitter le territoire national et de se trouver dans une gare ou sur le parvis d’une gare. Il lui faudra également pointer tous les quinze jours à la gendarmerie de Breil-sur-Roya. A la fin de juillet, Cédric Herrou avait accueilli chez lui jusqu’à 400 personnes par semaine, a précisé son avocat Me Zia Oloumi.

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