« Francfort en français ». Foire du livre de Francfort
C’est un rituel, qui tient autant de l’obligation professionnelle que du plaisir personnel. Au moins une fois par an, une poignée d’éditeurs allemands débarquent à Paris, en ordre dispersé, pour rencontrer leurs homologues français. Leur objectif : dénicher, parmi la multitude de nouveautés, celles qui méritent de figurer à leur catalogue.
En 2015, 295 titres de littérature en langue française ont ainsi été traduits en Allemagne, ce qui place le français en deuxième position (8,4 % des traductions littéraires outre-Rhin), certes très loin derrière l’anglais (68,9 %) mais devant le suédois (3,7 %), l’italien (3,1 %) et l’espagnol (2,2 %), selon une étude publiée en octobre 2016 par le Bureau international de l’édition française. Cette année, à l’occasion de la Foire du livre de Francfort (Hesse), qui se tient du 11 au 15 octobre et dont la France est le pays invité d’honneur, le nombre de titre traduits du français devrait être sensiblement plus important.
Pourquoi décider de traduire un auteur de langue française en allemand ? Après tout, ce pays ne manque pas d’écrivains de talent et, avec les quelque 10 000 ouvrages de littérature édités directement en allemand chaque année, la production nationale n’est pas en sous-régime. Ce n’est pas l’avis des éditeurs allemands qui se rendent régulièrement à Paris pour y faire leur marché. Selon eux, la littérature contemporaine de langue française compte des auteurs sans équivalent dans leur pays. Des auteurs dont la singularité justifie pleinement, à leurs yeux, qu’ils soient publiés en Allemagne, quand bien même leurs livres ne s’y vendront, pour la plupart, qu’à quelques milliers d’exemplaires.
La « capacité à se réinventer » de la littérature française contemporaine
Jürgen Christian Kill fait partie de ces convaincus. Depuis 2000, il dirige les éditions Liebeskind, qui sortent une dizaine de livres par an, dont deux, en moyenne, traduits du français. A son catalogue, des écrivains comme Lorette Nobécourt, Cécile Wajsbrot ou Olivier Rolin, « un classique d’aujourd’hui », dont il a notamment publié Le Météorologue, en 2015 (paru en France au Seuil, 2014).
De ce tableau de la terreur stalinienne raconté à partir du destin d’une de ses victimes, Jürgen Christian Kill dit qu’il représente une sorte d’opposé absolu du Nouveau Roman des années 1950-1960, et qu’il témoigne, à ce titre, de la « capacité à se réinventer » qu’a la littérature française contemporaine. « La France, il y a quarante ou cinquante ans, c’était le pays du Nouveau Roman, le refus radical du monde extérieur et du réel socio-historique. Avec un livre comme Le Météorologue, on est tout à fait à l’autre bout du spectre. »
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