Pour Philippe Hébert, un céréalier bio installé sur 160 hectares à Saint-Illiers-le-Bois dans les Yvelines, le coup est rude. En septembre, une nouvelle fois, l’échéance de versement des aides à la conversion bio vient d’être repoussée. Il doit désormais attendre mars 2018 pour espérer un hypothétique encaissement du solde des sommes dues au titre des années 2015 et 2016… « On parle peu de ce problème, mais on peut difficilement tenir en période de conversion sans les aides prévues », affirme M. Hébert.
Lorsqu’en 2015, il fait le choix de jeter définitivement aux oubliettes engrais chimiques et pesticides – « par calcul économique » et non par idéologie –, il est censé toucher 45 000 euros par an d’aide. Soit 90 000 euros pour 2015 et 2016. Des montants qui correspondent à la chute des rendements des cultures et au fait que les récoltes sont payées à un prix intermédiaire, inférieur au prix du bio, puisque l’exploitation n’est pas encore certifiée.
« En moyenne mes rendements sont inférieurs de 30 quintaux à l’hectare », estime M. Hébert. Sans compter, que sa récolte de féveroles, une culture nécessaire à sa rotation entre blé, maïs et triticale, a été plus que maigre. Sauf qu’il n’a pour le moment touché que 34 000 euros sur les 90 000 attendus. Et c’est sans compter 2017.
Victime de son succès
« J’ai dû faire un crédit de court terme à la banque et le reconduire », explique M. Hébert. Son cas n’est pas isolé. Ses sept voisins céréaliers bio avec lesquels il travaille ne touchent pas, eux, les aides au maintien, qui soutiennent les agriculteurs dans leur démarche après la période de conversion de trois ans s’achevant sur la certification.
Pour les agriculteurs bio, le versement des aides est devenu un véritable casse-tête. Et l’inquiétude monte dans leurs rangs. Ce modèle agricole est victime de son succès. Bousculés par les crises, les éleveurs laitiers et bovins, mais aussi les céréaliers se bousculent au portillon de la conversion. Au point que l’enveloppe d’aide initiale de 90 millions d’euros en 2012, portée graduellement à 160 millions d’euros par an, s’est avérée insuffisante. En 2016, le ministère s’était engagé sur un déblocage supplémentaire de 50 millions d’euros pour l’agriculture bio mais aussi pour les mesures agro-environnementales.
Autre élément de complexité, voire d’opacité, avec la nouvelle politique agricole commune (PAC), mise en pratique en 2015, les subsides sont gérés conjointement par l’Etat et les régions. Depuis, le plus grand flou règne et les agriculteurs sont confrontés à des retards de paiement des aides pour 2015 et 2016. M. Hébert attend donc, par exemple, le bon vouloir de la région Ile-de-France.
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