Les paradis fiscaux ne sont pas seulement encombrés de yachts, de jets et de multinationales. Y prospèrent aussi les titres de Duke Ellington, Sheryl Crow, Bob Marley ou Avril Lavigne. Et les « Paradise Papers » révèlent une face inattendue de l’optimisation fiscale : celle des droits d’auteur.
Les propriétaires de ces droits recherchent les mêmes avantages que les grandes fortunes : se soustraire à l’impôt. Les quelque 26 000 chansons écrites au cours des derniers soixante-dix ans sont détenues dans un catalogue de droits d’auteur possédé jusqu’en 2014 par FS Media Holding Company, une société enregistrée à Jersey.
First State Media Works Fund I, un fonds britannique spécialisé dans les droits d’auteur, a créé en 2007 cette société qui a attiré des fonds de pension américains, européens et australiens. Le catalogue lui-même est géré par une société irlandaise, First State Media Group (FSMG), qui en est l’éditeur, l’équivalent des labels pour les auteurs-compositeurs – Steve McMellon, ancien gérant de FSMG et directeur de Southern Crossroads Music, n’a pas souhaité répondre à nos questions.
En juillet 2009, par exemple, Sheryl Crow – qui n’a pas souhaité faire de commentaires – a vendu à cette société les droits de 153 chansons écrites entre 1993 et 2008. L’ensemble inclut des tubes tels que All I Wanna Do et My Favourite Mistake. En 2009-2010, le titre le plus rentable du catalogue, avec des royalties de plus de 600 000 dollars (450 000 euros) est le classique des Trammps Disco Inferno, devenu célèbre depuis sa reprise dans la bande originale, en 1978, de La Fièvre du samedi soir.
First State Media Group, la société irlandaise administrant le catalogue, a été achetée en avril 2010 par l’éditeur de musique britannique Chrysalis PLC pour environ 16,8 millions de dollars. Le groupe a lui-même été racheté par Bertelsmann Music Group (BMG) moins d’un an après pour 168,6 millions de dollars. Steve Redmond, directeur de la communication chez BMG, a toutefois indiqué que l’éditeur de musique allemand n’avait jamais fait l’acquisition du catalogue, mais uniquement « hérité d’une entreprise qui avait un contrat de gestion de ces droits ».
Pendant ce temps, la société de Jersey continue à tirer profit des royalties de chansons comme Get Up, Stand Up, de Bob Marley, Day Dream, de Duke Ellington, ou Because of You, de Kelly Clarkson. De 2010 à 2012, le catalogue rapporte en moyenne 4,6 millions de dollars par an. Une brochure de 2013 pour la vente du catalogue le décrit d’ailleurs comme « l’une des plus grandes collections de droits d’auteur disponible sur le marché ».
Il vous reste 58.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.