« Chut… Chut… Chut… Les bébés dorment… » Il est 22 heures passées de quelques minutes, au Théâtre des Bouffes du Nord. Le guitariste et compositeur Rodolphe Burger entrouvre en douceur les portes d’une Nuit de rêves, première programmation nocturne du Monde Festival depuis sa création.
La violoncelliste Sonia Wieder-Atherton lui succède bientôt sur scène, accompagnée de Sandrine Vautrin à la contrebasse. Les sons d’une musique liturgique se détachent dans la profondeur du silence. On se laisse prendre et bercer. Guider vers ce voyage au bout de la nuit ; d’une nuit plus belle que tant de jours.
Ecrin protecteur d’une intimité partagée, les Bouffes du Nord garantissent une traversée sans danger ni encombre jusqu’à l’aube. Les résistances s’amenuisent. « Quand on va à la nuit, on y entre tout entier. On ne peut pas être spectateur », souligne le philosophe Michaël Foessel. L’auteur de La Nuit. Vivre sans témoin (Autrement) est l’un des nombreux invités à éclairer cette route si particulière. « Les catégories du jugement sont un peu neutralisées. Peut-être que la nuit parvient à nous rendre plus indulgents », glisse-t-il.
« La nuit, on est face à nous-mêmes. Peut-être la musique devient-elle plus transparente. »
Plus attentifs, sûrement. On se laisse volontiers convaincre. Comme un ruisseau de montagne semble retentir au crépuscule, lorsque tout s’estompe alentour, les mots résonnent singulièrement ici, en alternance avec les notes. Magie de ce qu’il décrit et de sa façon de transmettre son savoir, l’astrophysicien Roland Lehoucq est captivant. On retient que « le ciel n’est pas noir, mais transparent », on voyage à la vitesse de la lumière pour déduire du noir de la nuit dans l’espace, parsemé d’étoiles et de galaxies, que « les objets de l’univers n’ont pas toujours existé ».
Le pianiste Yaron Herman demande la pénombre, celle qui permet d’« aller à l’essentiel », jusqu’à n’être éclairé que par une bougie. « Le silence de la nuit est un miroir assez puissant, explique-t-il entre deux très belles improvisations. La nuit, on est face à nous-mêmes. Peut-être la musique devient-elle plus transparente. »
De 400 personnes en début de nuit, le public comptait encore quelques dizaines d’insomniaques à l’approche de l’aube. A 2 h 30, Edwige et Justine quittent les lieux, un peu à regret. « Les parents… », soupirent ces lycéennes qui, cinq heures plus tôt, avaient quitté une fête entre amis pour venir aux Bouffes du Nord. Edwige, qui « aimerait faire de l’histoire », a été attirée notamment par la présence de Patrick Boucheron. Et, comme son amie, par cette nuit « intrigante », où l’on apprend « plus que sur des cahiers ».
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