Il avait dû finalement quitter son appartement haut perché, son « pigeonnier » comme il disait, situé dans l’île Saint-Louis à Paris, d’où il ne descendait plus depuis plusieurs années, faute d’ascenseur dans cet immeuble très ancien où il avait jeté son ancre depuis presque une éternité. Son état de santé avait conduit à son hospitalisation à l’hôpital Charles Foix, à Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Il y est mort dans la nuit du 7 au 8 novembre.
Né à Paris en 1916, il avait 101 ans. « Il a été mon directeur de thèse et puis un peu mon père, mon frère, mon fils, tout cela à la fois. Nous nous sommes fréquentés assez intensément pendant près de cinquante ans. Il m’a tout apporté. C’est un homme que j’aime beaucoup. J’ai du mal à en parler au passé », déclare au Monde le musicologue et ethnologue Bernard Lortat-Jacob, qui fut directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et responsable du Laboratoire d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme de Paris, de 1989 à 2004.
Equipement sonore du Musée de l’Homme
Ouvert en 1937, le Musée de l’Homme est devenu en peu d’années un haut lieu de la recherche, et des ethnologues, musicologues, ethnomusicologues renommés y ont installé leur laboratoire, dont Claude Lévi-Strauss, Marcel Griaule, Michel Leiris, Germaine Tillion, Jean Rouch, Thérèse Rivière ou encore André Schaeffner (1895-1980), chef du Département d’ethnologie musicale. En 1942, celui-ci y fait rentrer, en tant qu’assistant, Gilbert Rouget, formé en ethnologie et anthropologie à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) avec, entre autres, Maurice Leenhardt et Claude Lévi-Strauss.
Parallèlement à ses études, Rouget apprend le piano (élève d’ Yvette Grimaud) et suit des cours de musique à la Schola Cantorum de Paris. « Quand il l’a appelé à le rejoindre au Musée de l’Homme, André Schaeffner a reconnu qui il était, poursuit Bernard Lortat-Jacob, et lui a laissé les coudées franches pour la technologie ». Gilbert Rouget s’investit alors dans l’équipement sonore du Musée de l’Homme, où il crée en 1947 un studio d’enregistrement du son. Cette même année, il se lance dans l’édition de disques, préfigurant la prestigieuse collection CNRS-Musée de l’Homme.
Après avoir rejoint le CNRS en 1957, il succède à son maître, André Schaeffner, en 1965, prenant la direction du Département d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme. Une institution dont il s’éloigne régulièrement pour aller à la rencontre des pratiques musicales traditionnelles sur lesquelles il travaille.
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