C’était le 20 juin 2017, à Roncq (Nord), à l’occasion des cinquante ans du premier hypermarché Auchan de France. A la tribune, Gérard Mulliez, fondateur du groupe, patriarche d’une des plus riches familles de l’Hexagone, évoquait la « démarche militante » de ses enseignes en faveur « du bon, mais aussi du sain et du local ». Il y a quelques années encore, une telle rhétorique semblait réservée aux activistes du bien-manger et aux pionniers du commerce de produits biologiques. Elle est désormais déclinée à l’envi par Gérard Mulliez comme par la plupart de ses homologues de la grande distribution.
Les Système U, Carrefour, E. Leclerc et autres Mousquetaires ont tous entrepris de transformer en profondeur leur offre alimentaire. Une question de survie – de leur propre aveu – pour des poids lourds en perte de vitesse. Le chiffre d’affaires des hypermarchés, toutes enseignes confondues, stagne depuis plusieurs années. Le modèle historique (grands parkings, vastes hangars, prix cassés) s’essouffle.
Les mastodontes du commerce en ligne grignotent constamment des parts de marché. « La grande distribution est attaquée de toutes parts, affirme Serge Michels, président de l’agence Protéines, spécialisée dans le conseil à destination des acteurs de la distribution. Ses responsables savent que la bataille des appareils photo et des ordinateurs est perdue, donc ils se recentrent sur la grande consommation, notamment l’alimentaire. »
Une demande de qualité
Mais là aussi, la concurrence s’aiguise. La croissance spectaculaire de réseaux comme Biocoop, dont le chiffre d’affaires a bondi de 25 % en 2016, en témoigne. Par ailleurs, groupements de producteurs et autres plates-formes de vente en direct, s’ils demeurent des offres « de niche », constituent autant d’alternatives au traditionnel pèlerinage entre les longs rayons. « On change d’époque, affirme Thierry Desouches, porte-parole de Système U. C’est la fin d’une société héritée des années 1970, quand le consommateur n’avait pas le souci de la qualité environnementale, du bien-être animal, des ingrédients problématiques… Tout cela nous oblige à nous poser des questions. Il faut ramener de l’authenticité, de la proximité, du terroir. »
« On est arrivé au bout de la guerre des prix, qui était en fait une guerre des parts de marché, ajoute Serge Michels. Toutes les marges ont été raclées. La question est : où va-t-on désormais pouvoir trouver des relais de croissance et de valeur ? » Par nature attentive aux tendances, la grande distribution scrute plus soigneusement que jamais les avis des consommateurs, les retours des gérants de magasins et les notes fournies par les agences qu’elle rétribue.
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