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Compte-rendu intégral du débat : nucléaire, institutions, politique étrangère (partie 5)

Retrouvez le texte intégral du débat entre les deux candidats au second tour de l'élection présidentielle, François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Le Monde

Publié le 03 mai 2012 à 03h31, modifié le 03 mai 2012 à 16h24

Temps de Lecture 40 min.

Nicolas Sarkozy: Je vais vous dire simplement que quand il a fallu avoir du courage pour interdire la burqa sur le territoire de la République Française, vous étiez aux abonnés absents.

François Hollande: Non, parce que nous avons voté la résolution.

Nicolas Sarkozy: Non, vous avez voté un principe virtuel et vous avez été incapable d'assumer une interdiction qui est aujourd'hui en cause, parce que chez nous, dans la République Française, une femme n'est pas enfermée derrière une prison.

François Hollande: Mais personne ne peut le tolérer.

Nicolas Sarkozy: Et vous Monsieur Hollande, ce jour-là, vous n'avez même pas eu le courage de voter non. Vous vous êtes abstenu de participer.

François Hollande: Je l'ai dit, parce qu'il y avait des amendements que vous n'avez pas accepté.

Nicolas Sarkozy: Non, dans ce cas-là, il fallait voter non. La vérité c'est que vous aviez peur.

François Hollande: De rien du tout.

Nicolas Sarkozy: Vous aviez peur de l'incapacité pour la République de faire respecter cette loi. Or, cette loi, elle a été appliquée, elle est respectée et il n'y a pas de burqa ou de voile intégral sur le sol de la République.

Est-ce qu'on peut aborder d'autres thèmes ? Notamment le thème du nucléaire.

François Hollande: Il n'y a eu que 300 cas concernés.

Nicolas Sarkozy: Non, 300 femmes qui ont retrouvé la liberté.

Quelle est votre philosophie en termes de nucléaire? Non, seulement, en termes d'exploitation de centrales, mais aussi en termes de solutions d'avenir pour les énergies.

Nicolas Sarkozy: Écoutez, le nucléaire depuis le général de Gaulle, François Mitterrand, Valéry Giscard D'Estaing, Jacques Chirac, ça fait l'objet d'un consensus. C'est un atout français. Il y a 58 réacteurs, nous avons une électricité moins chère de 35 % que nos partenaires allemands. 30 des 58 réacteurs ont été ouverts sous la présidence de François Mitterrand.

Personne, n'a jamais remis en cause cela. C'est 240000 emplois. C'est un avantage considérable pour notre industrie et pour nos compatriotes qui se chauffent à l'électricité ou qui ont besoin de l'électricité.

D'où vient le problème ? Le problème vient de la négociation entre les socialistes et les Verts qui voient rouge dès qu'on leur parle de nucléaire et il a fallu leur donner des gages.

Monsieur Hollande propose de revenir de 75 à 50 % de la production nucléaire, c'est-à-dire de fermer 24 réacteurs nucléaires. Par un tour de magie, ces 24 fermetures, c'est tombé sur les malheureux de Fessenheim. On se demande pourquoi. La centrale de Fessenheim a une trentaine d'années ou une quarantaine d'années. Elle vient d'être contrôlée par l'ASN, l'autorité de sécurité nucléaire, qui est totalement indépendante et qui fait référence dans le monde entier.

Pourquoi sacrifier le nucléaire pour un accord politique misérable ? Car il n'y a aucune raison de fermer le nucléaire en France. Depuis que le nucléaire existe, nous n'avons jamais connu un accident grave.

Quand il y a eu l'affaire de Fukushima, nous avons décidé d'auditer la totalité de nos centrales pour voir quelles conclusions nous devions tirer de cela.

Mettre à bas le nucléaire, parce que Madame Joly fait 2,30 % des voix, c'est un choix gravissime. Nous n'avons pas de pétrole, nous n'avons pas de gaz, nous avons le nucléaire.

Enfin, le nucléaire ne nous empêche pas de développer les énergies renouvelables. Depuis que je suis président de la République, nous sommes passés de 10,5 % d'énergies renouvelables dans notre pack énergétique à 13 %. Nous avons multiplié par quatre notre puissance éolienne et tenez-vous bien, nous avons multiplié par cent notre puissance voltaïque. Il nous faut le nucléaire et il nous faut le renouvelable, les deux ensemble, parce que nous n'avons pas de pétrole, parce que nous n'avons pas gaz et parce que nous n'avons pas d'énergie phosphore.

François Hollande: Nous avons en France une double dépendance. Une dépendance à l'égard du pétrole, nous en avons parlé et une dépendance à l'égard du nucléaire qui se situe à un niveau très élevé.

Cela nous a longtemps protégé, la part du nucléaire atteint 75 % pour la production d'électricité. Le deuxième pays derrière nous, c'est l'Ukraine et ensuite des pays comme le Japon qui était à 30 %.

La catastrophe de Fukushima a marqué un certain nombre d'esprit. Vous avez dit que vous y étiez allé, vous n'y êtes  jamais allé,  enfin, qu'importe. Ça [la catastrophe] a quand même eu dans les esprits de nos concitoyens un certain nombre de conséquences. J'ai donc considéré que nous devions avoir un objectif de long terme, c'est-à-dire garder le nucléaire comme source principale de production de l'électricité, mais réduire sa part à mesure que les énergies renouvelables allaient être stimulées et relevées. Soit 50 % de production d'électricité de source nucléaire à l'horizon 2025.

Nous sommes à 75 % et donc je ferai l'effort pour que les énergies renouvelables soient considérablement développées. Vous dites que vous avez favorisé le solaire, c'est faux, puisqu'il y a eu l'arrêt de tout ce qui était incitation au photovoltaïque. Cela a déstructuré complètement cette industrie et nous avons perdu de nombreux emplois.

Il faut savoir que l'Allemagne a 230.000 emplois dans les énergies renouvelables, nous seulement 50.000, donc il y aura une réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité.

Quelle sera la conséquence sur le prochain quinquennat ? Moi, je suis candidat que pour les cinq prochaines années. Une seule centrale fermera, une, Fessenheim. On me dit, mais pourquoi Fessenheim ? Vous me le dites souvent, vous faites un certain nombre de plaisanteries là-dessus par rapport à Fukushima.

Une centrale, c'est la plus vieille de France. Elle se trouve, en plus, sur une zone sismique, à côté du canal d'Alsace. Tout autour, les mobilisations sont très fortes pour sa fermeture.

Je comprends parfaitement la position des travailleurs de Fessenheim qui veulent garder cette centrale. Tous les emplois seront préservés puisqu'il y aura une réutilisation de tous ces travailleurs par rapport à d'autres activités qui leurs seront proposées sur place et notamment le démantèlement des centrales nucléaires, parce qu'il y a 400 centrales qu'il va falloir fermer à l'échelle du monde et nous devons être les meilleurs dans cette activité.

Je lis une motion qui a été faite pour la fermeture de Fessenheim du groupe UMP-Nouveau Centre du conseil municipal de Strasbourg et il y en a plein comme ça, donc ce n'est pas un problème simplement gauche-droite.

Votre propre porte-parole de campagne, puisque vous avez cité le mien, Madame Nathalie Kosciusko-Morizet disait que c'était possible de fermer Fessenheim, que c'était d'ailleurs prévu, mais qu'elle n'avait pas pu en décider le gouvernement.

Une seule centrale fermera durant le prochain quinquennat, une. Par ailleurs, je ne suis pas lié sur cette question avec les Verts, puisque cette partie du nucléaire, dans l'accord qui avait été passé, je ne l'ai pas reconnu.

Nicolas Sarkozy: Ce n'est pas Michel Sapin qui l'a signé ?

François Hollande: Non, ce n'est pas Michel Sapin qui l'a signé, c'est Martine Aubry qui a signé ce point et j'ai dit que dans mon projet présidentiel, je ne retiendrais qu'une seule centrale [et non 24] pour le prochain quinquennat.

Nicolas Sarkozy: Alors, ce que je ne comprends pas. Soit le nucléaire c'est dangereux, soit ce n'est pas dangereux. Si le nucléaire est dangereux, il faut fermer, il ne faut pas simplement fermer Fessenheim.

Fessenheim avec 30 ans d'âge, figurez-vous, est plus sûr que quand Fessenheim a été inauguré. Pourquoi ? Parce que l'autorité indépendante, dès qu'il y a un accident partout dans le monde applique la règle de précaution, tire les conséquences de cet accident, où que ce soit dans le monde, pour augmenter la sécurité, donc je ne comprends pas.

Pour vous, il n'y a que Fessenheim qui est dangereux. Il se trouve que l'ASN vient de terminer l'examen décennal et post-Fukushima du réacteur numéro un de Fessenheim. Qu'est-ce que dit l'autorité, indépendante qui s'impose à nous ? Elle dit Fessenheim ne pose aucun problème, voilà les travaux qu'il faut faire, Fessenheim peut continuer. Pourquoi voulez-vous la fermer ? Pour faire plaisir à Madame Joly. Ce n'est pas la seule qui a 30 ans.
Ce sera peut-être le mot de la fin là-dessus.

François Hollande: Madame Joly ne m'a rien demandé là-dessus, particulièrement, je veux la mettre hors de cause. Je veux fermer Fessenheim pour deux raisons. La première, c'est que c'est la plus ancienne centrale, qu'une centrale était prévue normalement pour 30 ans et elle aura 40 ans d'âge en 2017.

Deuxièmement, elle est proche d'une zone sismique, ce qui est quand même un risque. Par ailleurs, je vais ajouter un autre argument. Nous sommes obligés de faire des travaux sur les vieilles centrales et à mesure qu'elles sont prolongées, il faut faire des investissements et donc le choix qui va se faire pour les prochaines années et qui engagera toute la collectivité nationale, c'est est-ce que nous faisons des travaux sur les vieilles centrales pour les prolonger ou est-ce que nous investissons davantage pour les énergies renouvelables ? C'est le rôle d'Areva, c'est le rôle d'EDF.

Vous avez affaibli considérablement Areva et donc il nous faudra remettre un certain nombre de moyens dans Areva pour que nous ayons à la fois du nucléaire plus sûr encore, parce que nous devons donner cette garantie et des énergies renouvelables.

Nicolas Sarkozy: Juste un mot, les centrales nucléaires en Suisse, où les gens ne sont pas connus comme des gens qui aiment le risque, ont 60 ans, donc le problème n'est pas l'âge. C'est l'autorité de sécurité qui doit dire si on peut continuer ou si on ne peut pas continuer.

François Hollande: Elle dit uniquement qu'on peut continuer avec des investissements de plus en plus importants, c'est ça qu'elle dit.

Nicolas Sarkozy: Deuxièmement, fermer Fessenheim, c'est 8000 éoliennes en Alsace pour remplacer Fessenheim. Il ne nous faut pas le nucléaire ou le renouvelable, il nous faut le nucléaire et le renouvelable.

François Hollande: Nous aurons pendant mon quinquennat et le nucléaire et le renouvelable puisqu'il y aura une centrale qui fermera. Par ailleurs, vous savez que j'ai accepté, et ce n'était pas facile, de prolonger le chantier de l'EPR, chantier qui est quand même extrêmement lourd, qui a connu un certain nombre de vicissitudes. Mais j'ai considéré, parce que je suis attaché au progrès technologique, que ce nouveau réacteur de 3e génération, devait être lancé.

Nicolas Sarkozy:
Vous inventez la règle des 30 ans sur Feisseneim.

François Hollande: Des 40 ans, parce que c'est 40 ans.

Nicolas Sarkozy: Quelle est l'histoire que nous avons vue ? Il n'y avait aucun problème entre la gauche et la droite, ça faisait consensus sur le nucléaire. Tout d'un coup, il y a un problème, pourquoi ? Parce que vous imaginiez la nécessité d'un accord pour les législatives entre les Verts.

François Hollande: Non, parce qu'il s'est passé Fukushima d'une part et parce que les énergies renouvelables doivent être développées dans notre pays. Je n'ai rien vendu du tout et je n'accepte pas ce vocabulaire.

Nicolas Sarkozy: Vous avez vendu les ouvriers de Fesseineim et du nucléaire sur l'autel d'un accord méprisable politicien.

François Hollande: Non puisque cet accord n'est pas celui que j'ai moi-même intégré dans mon projet. Donc, ne laissez pas penser qu'il y ait là de ma part quelque concession que ce soit à une organisation politique.

Nicolas Sarkozy: Depuis que je suis président de la République, j'avais pris l'engagement 1 euro dans le nucléaire, 1 euro dans le renouvelable.

François Hollande: Ça n'a pas été fait.

Nicolas Sarkozy: C'est exactement ce qui a été fait, la puissance voltaïque multipliée par 100. Mais enfin, vous considérez quand même que la 5e puissance du monde ne va pas fonctionner uniquement avec le photovoltaïque et l'éolien.

François Hollande: Ai-je dis ça puisque je maintiens l'industrie nucléaire à 50%? Donc, ne caricaturez pas les positions.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, vous ramenez le nucléaire de 75 à 50%, vous le réduisez.

François Hollande:En 2025.

Nicolas Sarkozy: Oui, mais quand un président de la République prend une décision, ça s'impose aux autres qui le suivent. Il faut au contraire le développer.

François Hollande: C'est ce que je fais avec l'EPR.

Nicolas Sarkozy: Vous imaginez l'engagement que je prends au nom de la France d'avoir dans le paquet énergétique français 23% d'énergie renouvelable en 2020, c'est un engagement considérable. La vérité, elle est là, elle vous gêne. Le nucléaire ne pose aucun problème de sécurité en France.

François Hollande: Ça n'est pas vrai.

Nicolas Sarkozy: Le nucléaire français est le nucléaire le plus sûr du monde, reconnu comme tel. À Fukushima, ça n'a pas été un problème nucléaire, ça a été un problème de tsunami qui a cassé les pompes de refroidissement, la centrale qui est pourtant une vieille centrale à Fukushima, le moteur s'est parfaitement arrêté. C'est un problème de tsunami et je ne pense pas qu'aux frontières du Rhin, il y ait un problème de tsunami. En vérité, c'était un accord politicien.

François Hollande: Une zone sismique, pour vous, ça n'est pas un problème. Vous êtes pour le tout nucléaire, vous avez parfaitement le droit, certains sont pour la sortie du nucléaire, ils en ont le droit aussi. Moi, je suis pour une position équilibrée parce que je pense que c'est la plus intelligente.

Nicolas Sarkozy: Dans ce cas-là, il faut fermer toutes les centrales nucléaires qui se trouvent proches d'une zone sismique puisque toutes nos centrales nucléaires sont construites avec des normes de sécurité pour résister.

François Hollande: Pas toutes. Citez-moi une autre centrale qui est dans une zone sismique, je n'en connais pas d'autres.

Nicolas Sarkozy: Quant à l'EPR, c'est moi qui l'ai signé. Mais l'énergie nucléaire, plus nous travaillons et nous investissons, plus elle est solide, stable et sûre. Quel message envoyer à l'industrie nucléaire dans le monde ? Il y a 300 projets de construction de centrales en ce moment, monsieur Hollande dit " ma première décision, ce sera de fermer une centrale nucléaire ".

François Hollande: Ma décision c'est de fermer la plus vieille centrale et de continuer la plus moderne. C'est quand même la meilleure situation pour exporter des nouvelles centrales.  Ne me laissez pas dans la situation où je serais en train de défendre une industrie nucléaire pour laquelle j'ai grande confiance, mais qui doit être portée sur les réacteurs de nouvelle génération et pas sur les vieilles centrales.

Nicolas Sarkozy: C'est extrêmement important d'en terminer par là. Il y a une autorité indépendante de sûreté nucléaire. Il me semble que le devoir de président de la République c'est d'écouter ce que cette autorité a à dire.

François Hollande: Je l'ai fait et elle dit qu'il va falloir faire des travaux très importants dans les vieilles centrales.

Nicolas Sarkozy: L'autorité s'est prononcée sur toutes les centrales à la demande du gouvernement. C'est une folie de fermer une centrale de 30 ans d'âge alors qu'elle peut continuer pour les 10 années qui viennent aux dires même de l'autorité de sûreté nucléaire. Je veux garder une centrale qui est sûre.

Quelle présidence pour le quinquennat qui s'annonce ? Comment comptez-vous présider l'un et l'autre ? Quel style de président comptez-vous être ? Mais aussi quelles marges de manœuvre aurez-vous, quels leviers pourrez-vous actionner ? Nicolas Sarkozy, vous prétendez à un second quinquennat, allez-vous présider différemment ?

Nicolas Sarkozy: Je crois que le président de la République c'est quelqu'un qui assume ses responsabilités, qui doit être profondément engagé, qui n'a pas le droit de dire qu'il ne peut pas, qu'il ne veut pas, qu'il aurait voulu, mais qu'il n'a pas pu. Qui doit être en première ligne, qui doit conduire à un certain nombre de changements extraordinairement difficiles dans un monde lui-même extraordinairement complexe.

Dans les 5 années qui viennent, je veux proposer aux Français un nouveau modèle français de croissance, un nouveau modèle français basé sur l'économie du savoir, la formation professionnelle, des changements à l'école pour que notre école de la République soit une école de l'exigence.

Je pense qu'un président de la République ne peut pas dire, comme le disait, devant le désastre de Vilvoorde [la fermeture d'un site de Renault] Monsieur Jospin: "On n'y peut rien ". Je pense qu'un président de la République ne peut pas dire comme le disait François Miterrand dans une émission restée célèbre, sur le chômage, "On a tout essayé, on n'y peut rien".

Je pense qu'un président de la République c'est quelqu'un, surtout avec le quinquennat, qui assume ses responsabilités, qui prend des décisions, qui est mûri par l'expérience des crises qu'il a eu à affronter. C'est sans doute la fonction la plus difficile qui soit, une fonction que j'ai appris pendant 5 ans, à laquelle j'ai tout donné de mon énergie, de mon expérience, où je n'ai pas tout réussi. Au moment historique que vit la France, un moment où le monde bouge à une vitesse stupéfiante, il y a un monde nouveau qui est en train d'arriver, alors que le monde ancien n'a pas encore disparu, je pense qu'on ne peut pas s'en remettre aux vieilles lunes du passé.

Je pense qu'on ne peut pas être à contre courant du monde, qu'il faut s'inscrire dans le monde, peser sur le monde, essayer d'avoir les idées claires et porter un projet de très forte ambition.

François Hollande, quel président comptez-vous être ?

François Hollande: Un président qui, d'abord, respecte les Français, qui les considère. Un président qui ne veut pas être président de tout, chef de tout et en définitive responsable de rien.

Moi président de la République, je ne serais pas le chef de la majorité, je ne recevrais pas les parlementaires de la majorité à l'Élysée.

Moi, président de la République, je ne traiterais pas mon premier ministre de collaborateur. Moi, président de la République, je ne participerais pas à des collectes de fonds pour mon propre parti dans un hôtel parisien.

Moi, président de la République, je ferais fonctionner la justice de manière indépendante, je ne nommerais pas les membres du parquet alors que l'avis du conseil supérieur de la magistrature n'a pas été dans ce sens.

Moi, président de la République, je n'aurais pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique, je laisserais ça à des instances indépendantes.

Moi, président de la République, je ferais en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire. Moi président de la République, j'aurais aussi à cœur de ne pas avoir un statut pénal du chef de l'État, je le ferais réformer de façon à ce que si des actes antérieurs à ma prise de fonctions venaient à être contestés, je puisse dans certaines conditions me rendre à la convocation de tel ou tel magistrat ou m'expliquer devant un certain nombre d'instances.

Moi, président de la République, je constituerais un gouvernement qui sera paritaire, autant de femmes que d'hommes. Moi, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres qui ne pourraient pas rentrer dans un conflit d'intérêts.

Moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local parce que je considère qu'ils devraient se consacrer pleinement à leurs tâches. Moi président de la République, je ferais un acte de décentralisation parce que je pense que les collectivités locales ont besoin d'un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles libertés.

Moi président de la République, je ferais en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés, aussi bien les organisations professionnelles que les syndicats et que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi, ce qui relève de la négociation.

Moi président de la République, j'engagerais de grands débats. On a évoqué celui de l'énergie et il est légitime qu'il puisse y avoir sur ces questions de grands débats citoyens.

Moi président de la République j'introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives, pour les élections, non pas celles de 2012, mais celles de 2017, parce que je pense qu'il est bon que l'ensemble des sensibilités politiques soient représentées.

Moi président de la République, j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m'occuperai pas de tout, et j'aurai toujours le souci de la proximité avec les Français.

J'avais évoqué une présidence normale. Rien n'est normal quand on est président de la République, puisque les conditions sont exceptionnelles, le monde traverse une crise majeure, en tout cas l'Europe, il y a des conflits dans le monde, sur la planète, il y a l'enjeu de l'environnement, du réchauffement climatique. Bien sûr que le président doit être à la hauteur de ces sujets. Mais il doit aussi être proche du peuple, être capable de le comprendre.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, vous avez parlé, sans doute pour être désagréable à mon endroit, d'un président normal. Je vais vous dire, la fonction d'un président de la République ce n'est pas une fonction normale. Et la situation que nous connaissons, ce n'est pas une situation normale.

Votre normalité, elle n'est pas à la hauteur des enjeux. Pour postuler à cette fonction, je ne pense pas que le Général de Gaulle, François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Georges Pompidou, c'était à proprement parler des hommes normaux.

Vous venez de nous faire un beau discours, on en avait la larme à l'œil, mais c'est le même François Hollande qui quand il s'enflamme en mimant François Mitterrand dans les meetings dit : "Je ne garderai aucun des magistrats, aucun des policiers, aucun des préfets..."

François Hollande: Vous avez fait une erreur d'interprétation, vous n'étiez pas dans les réunions apparemment.

Nicolas Sarkozy: ... aucun des préfets qui ont travaillé aux côtés de Nicolas Sarkozy.

François Hollande: Est-ce que vous avez une phrase là-dessus ?

Nicolas Sarkozy: Pas une, plusieurs.

François Hollande: Donnez-les-moi.

Nicolas Sarkozy: Je vous les enverrai demain par un courrier que je vous ferai porter.

François Hollande: Ceux qui me suivent savent que je n'ai jamais prononcé de telle phrase.

Nicolas Sarkozy: Vous avez dit que tous ceux qui avaient travaillé avec la majorité sortante, parce que pour vous c'est déjà fait, vous ne travaillerez pas avec eux.

François Hollande: Non.

Nicolas Sarkozy: Vous parlez de l'indépendance de la justice, c'est une plaisanterie Monsieur Hollande. Vous avez été aux côtés de François Mitterrand qui présidait le Conseil supérieur de la magistrature. Qui a supprimé la présidence du Conseil de la magistrature par le président de la République ? C'est moi. Qui préside aujourd'hui le Conseil supérieur de la magistrature ? C'est le procureur général près de la Cour de la cassation et le président de la Cour de cassation. Je ne vous ai pas attendu pour cela. Vous voulez que les membres du parquet soient nommés avec avis conforme du CSM ? Je suis d'accord.

François Hollande: Ce qui n'a pas été fait pendant tout votre quinquennat.

Nicolas Sarkozy: Ce n'est pas exact.

François Hollande: Je peux vous donner les noms. J'ai 7 nominations du parquet sans avis du CSM.

Nicolas Sarkozy: Notamment Madame...

François Hollande: 7. Et vous avez fait nommer procureur de la République de Paris le directeur de cabinet du garde des sceaux, ça ne s'était jamais fait.

Nicolas Sarkozy: Avec l'accord du CSM.

François Hollande: Ça ne s'était jamais fait.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, avant d'insulter cet homme...

François Hollande: Je n'insulte personne. Ce n'est pas l'homme que je mets en cause, c'est celui qui l'a nommé. Ça ne s'était jamais fait.

Nicolas Sarkozy: Je pose une question : le CSM a-t-il donné son accord ?

François Hollande: Le CSM a pu donner son accord, mais c'est vous qui avez fait la proposition.

Nicolas Sarkozy: Évidemment, c'est le président de la République qui fait, et le gouvernement...

François Hollande: Et ça ne s'était jamais fait.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, le CSM a donné son accord pour cet homme d'une intégrité absolument remarquable. Vous dites que vous serez un homme de rassemblement ? Vous ne cessez de parler au peuple de gauche, au Parti socialiste, vous ne cessez d'être entouré par le Parti socialiste, par Monsieur Mélenchon et par Madame Joly. Vous êtes un homme qui n'allait pas dans les réunions de parti, mais votre état-major de campagne n'est composé que de socialistes.

François Hollande: Pardon, mais je ne suis pas président de la République. Est-ce que vous avez reçu, comme président de la République, les parlementaires de la majorité à l'Élysée ?

Nicolas Sarkozy: Oui, bien sûr.

François Hollande: Donc vous vous êtes comporté comme un chef de parti.

Nicolas Sarkozy: Parce que Monsieur Mitterrand ne vous recevez pas... ?

François Hollande: Non, jamais. Jamais.

Nicolas Sarkozy: Il n'y avait pas le petit déjeuner des éléphants à l'Élysée.

François Hollande: Je ne parle pas des petits déjeuners, je parle des réunions de l'ensemble de la majorité à l'Élysée. Vous avez tenu des réunions pour la collecte de fonds à l'hôtel Bristol ou pas ?

Nicolas Sarkozy: Non.

François Hollande: Jamais avec Monsieur Woerth vous n'avez été à l'hôtel Bristol pour collecter des fonds ?

Nicolas Sarkozy: Non, non. Non, non.

François Hollande: Dites la vérité.

Nicolas Sarkozy: Je vais vous répondre.

François Hollande: Dites la vérité là-dessus.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, vous n'étiez pas convoqué par Monsieur Mitterrand...

François Hollande: Je ne parle pas de Monsieur Mitterrand, je vous parle de vous.

Nicolas Sarkozy: Je vais y répondre. Vous n'étiez pas convoqué par monsieur Mitterrand toutes les semaines pour un petit déjeuner ?

François Hollande: Mais moi non.

Nicolas Sarkozy: Ils ne petit-déjeunaient pas toutes les semaines ?

François Hollande: C'est tout à fait différent d'inviter tous les parlementaires uniquement de droite. Uniquement de droite. Plusieurs fois. Vous voulez que je vous donne les dates ? Nous les avons.

Nicolas Sarkozy: Ce n'est pas exact, j'ai invité tous les parlementaires de la majorité et de l'opposition.

François Hollande: Non, vous avez invité à plusieurs reprises les parlementaires de votre parti, et...

Nicolas Sarkozy: Ce n'est pas exact, de mon parti. Il y avait les centristes.

François Hollande: De votre majorité. Vous vous êtes comporté comme un chef de majorité.

Nicolas Sarkozy: Jamais Monsieur Hollande.

François Hollande: Et vous avez également participé à des réunions de collectes de fonds à l'hôtel Bristol.

Nicolas Sarkozy: Jamais je ne me suis prêté à cela.

François Hollande: Je le regrette, mais c'est ainsi. Vous avez eu une présidence partisane, partiale, et vous en payez aujourd'hui les conséquences.

Nicolas Sarkozy: Monsieur Hollande, c'est un mensonge.

François Hollande: Encore une fois vous utilisez ce mot. Mais répondez très précisément aux questions que j'ai posées.

Nicolas Sarkozy: Je vais répondre précisément. Monsieur Mitterrand avait invité un de ses proches...

François Hollande: Vous me parlez de Mitterrand, je vous parle de vous.

Nicolas Sarkozy: Sur la Cour des comptes, j'ai nommé un député socialiste, vrai ou pas ? À la tête de la Cour des comptes. C'est une présidence partisane ? J'ai autorisé la Cour des comptes à contrôler tous les ans les comptes de l'Élysée. Mes prédécesseurs ne l'ont jamais fait. C'est une présidence partisane ? J'ai nommé au Conseil constitutionnel un ancien collaborateur de Monsieur Mitterrand, Monsieur Charasse, c'est une présidence partisane ? J'ai nommé à la présidence de la SNCF l'ancien directeur de cabinet de Madame Aubry, c'est une présidence partisane ? J'ai nommé dans les gouvernements aux côtés de monsieur Fillon des personnalités de gauche qui ne me l'ont pas toujours rendu, c'est une présidence partisane ?

François Hollande: Ils ont compris comment vous fonctionniez.

Nicolas Sarkozy: Merci de votre arrogance, mais ça ne me gêne pas.

François Hollande: Non, de la réalité.

Nicolas Sarkozy: C'est une présidence partisane ? J'ai donné la présidence de la commission des finances de l'Assemblée nationale...

François Hollande: Ce n'est pas vous qui l'avez donnée. Ce n'est pas vous qui nommez encore le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Nicolas Sarkozy: Si, c'était dans mon projet de 2007.

François Hollande: Ce sont les parlementaires. Nous avons fait la même chose au Sénat.

Nicolas Sarkozy: Dans mon projet de 2007, j'avais dit:" Si je suis élu président de la République, le président de la commission des finances de l'Assemblée ne viendra pas de la majorité... "

François Hollande: Vous avez vos proches partout, partout, dans tous les ministères, dans toutes les préfectures, dans toutes les ambassades, vous avez nommé tous vos proches, y compris dans les établissements bancaires qui dépendent de vous, ou plus ou moins. Y compris à Dexia. Vous avez nommé partout vos proches.

Nicolas Sarkozy: Puis-je terminer ?

François Hollande: Et c'est ce que les Français savent parfaitement, y compris pour la magistrature.

Nicolas Sarkozy: C'est un mensonge et c'est une calomnie. Vous êtes un petit calomniateur en disant cela.

François Hollande: C'est exactement ce que vous avez fait. Et sur les membres de la magistrature, c'est incontestable.

Nicolas Sarkozy: Sur la présidence de la commission des finances, la majorité aurait pu la garder, c'est la présidence la plus prestigieuse, c'est elle qui certifie les comptes de l'État, c'est un député socialiste. Il est vrai que vous avez imité,à juste titre ce que nous avons fait, au Sénat. Mais comment osez-vous dire que j'ai eu une présidence partisane alors que dans la majorité on m'a reproché un nombre incalculable de fois de faire la part trop belle à ceux qui m'avaient combattu, à ceux qui n'avaient pas mes idées ?

Parce que je considère, je considère moi, que lorsqu'on est président de la République on est président aussi de ceux qui n'ont pas voté pour vous. J'ai fait un effort d'ouverture qu'aucun autre avant moi n'avait fait, aucun autre. Et que vous ne serez pas capable de faire, et que jamais un socialiste n'avait fait avant nous, jamais.

François Hollande: Si.

Nicolas Sarkozy: Si vous le faites, si un jour vous êtes élu, je m'en réjouirais parce que...

François Hollande: Ce sont les Français qui vont en décider.

Nicolas Sarkozy: J'ai vu que vous m'aviez dit au revoir hier, je trouvais que ce n'était pas très respectueux pour les Français.

François Hollande: Je vais prendre des engagements devant les Français, devant vous. Si je deviens le prochain président de la République, je ne nommerais personne sans que les commissions parlementaires en décident, non pas à la majorité de 2/3 contre, à la majorité 2/3 pour, ce qui veut dire que l'opposition sera directement impliquée, associée, pas comme c'est le cas aujourd'hui. Ce sera avec l'opposition que nous nommerons ces personnalités.

Deuxièmement, si je deviens le prochain président de la République, je renoncerais au statut pénal du chef de l'État en organisant différemment la protection. Pour les actes de la présidence, il est normal qu'il y ait l'immunité, pour tous les actes commis antérieurement, il n'y aura plus aucune protection. Rien.

Je fais un autre engagement. Sur la justice, ce sera le Conseil supérieur de la magistrature modifié d'ailleurs, pour que ce soit composé majoritairement de magistrats, qui puisse nommer les magistrats du siège et les magistrats du parquet, pour qu'il n'y ait aucune intervention sur les parquets par rapport à telle ou telle affaire. Sur l'audiovisuel public, ça ne sera plus le président de la République qui nommera, ce sera une commission parlementaire à la majorité.

Nicolas Sarkozy: Juste un mot là-dessus parce que c'est important. D'abord, les 60 premières nominations, j'ai voulu que les commissions compétentes du Parlement puissent donner leur avis et puissent bloquer les 60 premières nominations. Pas un président de la République avant moi n'avait fait ça. Vous voulez que je vous rappelle Mitterrand nommant son directeur de cabinet à la tête de Canal + ? Et vous venez nous donner des leçons ? Qui était président de Canal+? Monsieur Rousselet, directeur de cabinet de Monsieur Mitterrand.

François Hollande: Il n'était plus directeur de cabinet de Mitterrand.

Nicolas Sarkozy: Qui a été nommé président d'Elf ? Monsieur Ménage... Je ne prendrai pas de leçon d'un parti politique qui a voulu avec enthousiasme se rassembler derrière DSK. Franchement... J'ai voulu que l'opposition ait des responsabilités. Mais que vous, vous osiez me dire que vous ne le connaissiez pas, c'est un peu curieux.

François Hollande: Vous pensez que je connaissais sa vie privée ? Comment voulez-vous que je la connaisse ?

Nicolas Sarkozy: Ponce Pilate... Ne vous défaussez pas... Sur le statut pénal du chef de l'État. J'en ai hérité.

François Hollande: L'avez-vous changé ?

Nicolas Sarkozy: Il a été changé en 2007, à la suite d'une commission.

François Hollande: Moi, je le changerai.

Nicolas Sarkozy: il n'y a pas un gouvernement où il n'y a pas un statut particulier pour le chef d'État, mais il y a quelque chose que les Français doivent savoir. C'est quand un président de la République est président de la République, toutes les procédures, le délai de prescription, est interrompu. Ce qui fait qu'une fois la présidence terminée, chacun rend des comptes. On l'a bien vu avec Jacques Chirac. Il est vrai qu'on ne l'a pas vu avec François Mitterrand. Mais on l'a bien vu avec Jacques Chirac. Alors s'il faut une évolution, pourquoi pas ? Mais vous n'allez pas me mettre un statut dont j'ai hérité.

Nous avons des troupes en Afghanistan, un retrait est programmé, mais vous n'êtes pas d'accord sur le calendrier. François Hollande, quelle est votre position sur ce retrait ?

François Hollande: La décision d'envoyer des troupes françaises en Afghanistan, ou plus exactement de décider d'une intervention militaire en Afghanistan, a été prise conjointement par Lionel Jospin et par Jacques Chirac en 2001 suite aux attentats de New York. Ensuite, la mission a progressivement évolué. Je rappelle qu'elle était destinée à capturer Ben Laden et à abattre le régime à l'époque des Talibans.

En 2007, quand Nicolas Sarkozy, vous vous êtes présenté au suffrage, vous avez dit que vous n'envisagiez pas de vou smaintenir très longtemps en Afghanistan. En 2008, une nouvelle fois, vous avez changé d'avis et vous avez envoyé des troupes supplémentaires en Afghanistan et pour une autre mission d'intervention directe. C'est une responsabilité qui vous revient et je considère que maintenant, et ça aurait dû être fait beaucoup plus tôt, les troupes françaises n'ont pas à rester en Afghanistan.

Quand il s'est passé hélas une terrible tragédie au début de l'année, vous avez anticipé le retrait. Vous l'aviez prévu fin 2014, vous l'avez décidé fin 2013. Moi, je considère, sans prendre le moindre risque pour nos troupes, car j'y serai très attentif, qu'il convient de retirer les troupes combattantes fin 2012. Et donc j'annoncerai cette décision, si les Français me font confiance dimanche, dès le sommet de Chicago, le sommet de l'OTAN, pour que nous engagions ce processus.

Je le ferai en bonne intelligence avec nos alliés. D'autres pays se sont déjà retirés. Et je le ferai aussi sans prendre le moindre risque par rapport à nos troupes. Il y a aussi le matériel qu'il conviendra d'évacuer . Et ça prendra sans doute pour le matériel plus de temps. Voilà ma position. Je ne prends personne avec effet de surprise. Je ne cesse de le dire depuis des mois, je le dis aujourd'hui en tant que candidat. Je souhaite le faire comme président.

Nicolas Sarkozy: En Afghanistan, nos soldats ont fait un travail absolument extraordinaire. J'aurais été à la place de Lionel Jospin et de Jacques Chirac à l'époque, j'aurais pris la même décision. Je vous rappelle que ces talibans coupaient les mains des petites filles qui mettaient du vernis à ongles. Je vous rappelle que ces talibans avaient décidé que les petites filles n'iraient plus à l'école. Et l'Afghanistan était en train de devenir le repère du terrorisme mondial.

Nous ne sommes pas seuls là-bas, il y a 56 pays, dont nos alliés américains, mais la plupart de nos partenaires européens. Et c'est ensemble que nous avons décidé d'une stratégie qui consiste à aider le peuple afghan à se libérer de cette gangrène terroriste, et à assumer seul, c'est ce qu'on appelle l'afghanisation, la gestion de la sécurité de leur pays.

La France, quand je suis arrivé, avait la responsabilité de Kaboul. Nous avons laissé la responsabilité de Kaboul aux forces afghanes. La France avait deux régions : la Surobi et la Kapisa, la France n'a plus qu'une région. Progressivement, nous nous désengageons, mais en bon ordre parce que j'ai la responsabilité de la parole de la France, donc de l'honneur de la France.

Le président Obama a décidé il y a 3 ans, ce qu'on a appelé le "surge", c'est-à-dire l'envoi de renforts pour éradiquer le terrorisme. Ils ont trouvé Ben Laden, pour stabiliser l'Afghanistan. Ensemble avec le président Obama, et nos alliés, nous avons décidé qu'à la fin de 2013, le président Obama vient de le dire, il n'y aurait plus d'actions combattantes des forces alliées.

Partir en 2012, c'est d'abord techniquement impossible, compte tenu du matériel que nous avons là-bas et des problèmes de sécurité que nous avons là-bas. Partir en 2012, ce serait une parjure par rapport à l'engagement avec nos partenaires, qui nous demandent que nous partions ensemble en 2013. La France n'est pas seule, la France a des alliés, la France a des amis, la France a un honneur. Partir comme cela, pourquoi ? Parce qu'on ne veut plus se battre ? C'est-à-dire laisser les talibans, ne pas finir le travail que nous avons engagé avec nos alliés ?

Donc si je suis président de la République pour les 5 années qui viennent, en bon accord avec nos alliés, nous laisserons la responsabilité de la sécurité de l'Afghanistan à la fin 2013 et notre forme de coopération deviendra plus économique, universitaire, sociale, éducative que militaire.

c: J'ajoute qu'en 2014 les Américains envisagent de se retirer, mais partiellement. Et la décision que vous avez prise est de vous retirer avant les Américains.

Nicolas Sarkozy: Non, c'est en accord avec eux, à la suite d'un entretien...

François Hollande: C'est en accord avec eux, mais la décision que vous avez prise, c'est de vous retirer avant eux. Et la décision que je prendrai, tout en rendant hommage à nos soldats, qui ont sacrifié leur vie, 83 d'entre eux, et qui pour des familles ont été durement éprouvées, c'est de considérer que la mission est terminée.

Parce que la prolonger aujourd'hui, alors même que vous avez évoqué notre retraite d'une région, et pour l'autre où nous ne sommes plus intervenants directs, où nous formons : je considère que la mission est achevée. Et qu'il ne sert donc à rien d'exposer davantage nos soldats qui ont fait un travail formidable et utile même si chacun le sait, les talibans continuent de frapper, y compris aujourd'hui même Kaboul. Donc il n'y a aucune raison de maintenir nos troupes au-delà de 2012.

S'il doit y avoir des difficultés matérielles, j'y répondrai. C'est effectivement un problème d'évacuation. Je ne prendrai aucun risque pour nos soldats. Mais je dirai très fermement à nos alliés qui le savent déjà, parce qu'ils regardent notre élection aussi, que cette décision sera conforme à nos principes, et elle sera cohérence par rapport à ma position.
Nicolas Sarkozy: Le travail n'est pas terminé parce qu'il nous reste une région à transmettre à nos amis afghans, et je n'ai pas l'intention d'accepter que l'armée française, après tous ces sacrifices, parte avant que le travail ne soit terminé. Nous l'avons fait à Kaboul, nous l'avons fait dans une première région, nous avons une dernière région. L'armée française tiendra ses engagements, et la France tiendra sa parole.

La menace terroriste plane également dans le Maghreb islamique avec la montée en puissance d'Al-Qaïda, dans les pays du Sahel comme le Mali, le Niger, la Mauritanie, ou encore au Yémen et en Somalie. 8 otages français sont détenus dans cette zone. Que proposez-vous pour leur libération, Monsieur Hollande ?

François Hollande: Nous avons 9 compatriotes qui sont retenus comme otages. 8, vous avez raison dans cette partie d'Afrique, la zone Sahel, qui a été considérablement déstabilisée, à la fois par rapport à ce qu'il se passe ou s'est passé en Lybie, ce qu'il se passe au Nigéria, ce qu'il se passe en Mauritanie. Il y a là effectivement des réseaux qui se sont constitués et AQMI qui s'est installé en alliance avec d'autres. Nous devons aider les pays.

Le Mali, aujourd'hui, qui est frappé par une déstabilisation, nous devons aider la Mauritanie, nous devons avoir aussi avec le Niger une politique qui soit très active.

Que faire par rapport aux otages ? Je n'ai pas les informations que peut-être monsieur Sarkozy peut nous livrer. Mais je ne crois pas que ce soit sa responsabilité ici, il faut être très prudent, et je ne lui demanderai rien là-dessus, parce que je considère que ça fait partie des prérogatives du chef de l'État et des autorités publiques de savoir ce qu'il est possible de faire pour la libération des otages.

J'ai été, à l'époque comme premier secrétaire du Parti socialiste, associé, c'était le gouvernement Raffarin, par rapport à des otages qui étaient détenus en Irak. Et je le remerciais parce que je considérais que c'était bien que l'opposition puisse en savoir, pas tout, mais en savoir suffisamment pour comprendre ce qu'il se passait.

Là-dessus, je ne doute pas qu'au lendemain de l'élection présidentielle, toutes les informations nous seront données pour que nous puissions travailler à la libération de ces otages, et surtout aussi, au-delà de ce qu'il convient de faire, pour leur famille et pour eux-mêmes, pour permettre la stabilisation de cette partie du monde, cette partie de l'Afrique qui risque d'être un foyer de terrorisme de très grande ampleur.

Nicolas Sarkozy: Dans cette partie du monde, nous avons déjà une bonne nouvelle avec l'élection qui s'est très bien passée au Sénégal, avec l'élection du président Macky Sall. Nous avons une mauvaise nouvelle avec ce qu'il s'est passé avec le président "ATT" au Mali, où il n'y avait aucune raison qu'il y ait ce coup d'État.

La première priorité, c'est que nous amis maliens comprennent qu'ils doivent organiser une élection présidentielle démocratique. Rien ne pourra se faire dans cette partie du monde si nous n'avons pas l'élection d'un gouvernement démocratique. On a besoin du Mali qui est un pays considérable et qui est miné à la fois par la rébellion touareg et par le problème d'AQMI.

S'agissant de la Mauritanie et du Niger, les élections s'y sont déroulées de façon parfaitement transparente. Que faire ? Renforcer notre coopération militaire et économique avec le Niger, la Mauritanie, le Sénégal, et le Mali quand il aura un gouvernement démocratique, parce que ces pays n'ont pas la structure étatique pour faire face à une zone qui est considérable.

Il faut voir que la partie où se trouve AQMI, le désert, le Sahel, c'est trois fois la France. Ils n'ont pas les moyens aériens, ils n'ont pas les moyens en hélicoptères, ils n'ont pas les moyens de renseignements.

Pour nos compatriotes détenus en otage ?

Nicolas Sarkozy: Il y a un problème dans cette région. Le problème c'est la confiance que nous devons mettre dans le travail avec l'Algérie, qui est la puissance régionale, et qui a les clés de l'ensemble des données du problème. La France est l'ancien pays colonial, donc la France ne peut pas intervenir directement. La France ne peut intervenir qu'en soutien avec ces pays. Mais il faut pousser ces pays- Algérie, Niger, Mali, Mauritanie, Sénégal- à travailler ensemble, et que la France et d'autres pays les aident matériellement et techniquement.

S'agissant de nos otages, comme l'a dit Monsieur Hollande, on ne peut pas en parler dans une émission de cette nature, chaque cas est un cas particulier. Nous sommes face à une montée du terrorisme, et la seule chose qu'on puisse dire aujourd'hui, c'est de demander à nos compatriotes de ne pas aller dans cette partie du monde, y compris s'ils travaillent dans l'humanitaire, parce que les conditions de sécurité ne peuvent pas être assumées par l'État français.

Nous arrivons au terme de cette émission. Nous avons essayé d'aborder le plus de sujets possible, ça n'a pas toujours été le cas, mais j'espère que ceux qui nous ont regardés auront été instruits de cette confrontation. Nous allons vous demander à chacun une conclusion.

François Hollande: Ce débat a été utile. Il a montré des différences sur les politiques économiques, sociales, fiscales. Nous n'avons pas le même projet. Le bilan de Nicolas Sarkozy a été décrit comme étant particulièrement lourd. Je me souviens de ce qu'il disait, en 2007, dans ce même débat face à Madame Royal, il disait : "Je voudrai être jugé sur mes résultats, je veux le plein emploi, je veux le progrès du pouvoir d'achat, je veux la maîtrise de l'immigration, je veux la sécurité encore améliorée, je veux la compétitivité ". Chacun jugera ce qui a été fait, ce qui n'a pas été fait.

Moi je veux changer, changer de politique, changer de méthode, changer de conception de la République, changer aussi de démarche par rapport à l'ensemble de la société française. Je veux aussi qu'il y ait sur le plan européen un changement d'orientation. Donc le choix est simple : est-ce que les Français veulent continuer une politique qui n'a pas marché et qui, en plus, ouvrirait d'autres risques sur le temps de travail, sur la protection sociale, sur la fiscalité ? Je ne veux pas que mes compatriotes prennent ce risque, mais c'est à eux de décider. Ou changer.

Changer, ça veut dire faire du redressement de notre pays la grande cause : redressement productif, redressement industriel, redressement économique, redressement moral.

Je veux que nous puissions nous retrouver sur la seule valeur qui vaille : la jeunesse. Je veux que l'éducation soit la grande priorité, parce que c'est pour la jeunesse que je veux m'engager pour le prochain quinquennat. La seconde exigence, c'est la justice. Elle a manqué tout au long de ces 5 dernières années. Je la rétablirai partout. Je veux être jugé sur les décisions que j'aurais prises en fonction de ce critère, juste ou pas.

Et enfin, je veux rassembler. Rassembler,non pas simplement les socialistes ou la gauche comme vous l'avez dit, rassembler tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République, qui veulent que la France rayonne partout dans le monde, qui veulent que la France soit fière d'elle-même, qui veulent que les jeunes Français puissent porter un idéal. Je n'écarte personne, je ne repousse personne. Je ne stigmatise aucune force qui existe. Nous aurons besoin de toutes les forces de la France. Voilà le choix qui est posé pour dimanche. Continuer avec vous, Nicolas Sarkozy, ou changer.

Il n'y a pas de peur à installer. Que les Français n'aient pas peur ! Il n'y aura pas la spéculation que vous avez réclamé, il n'y aura pas la comparaison avec l'Espagne, l'invasion par des cohortes étrangères, non ! Les lois de la République seront appliquées. La gestion sera saine. Les finances publiques seront rétablies et l'économie sera activée. Voilà ce que je voulais vous dire. Moi, je ne veux pas porter une peur, même pas la peur de votre propre reconduction. Ce que je souhaite, c'est que les Français reprennent confiance et espoir.

Nicolas Sarkozy: Je veux m'adresser à tous les Français qui n'ont pas voté pour moi au premier tour, en remerciant les quelque dix millions qui ont voté pour moi.

Je veux parler à ceux qui ont voté pour Marine Le Pen. Je n'ai pas pris une pince à linge pour me boucher le nez Monsieur Hollande. Je n'ai pas fait de leçon de morale parce que je ne fais pas de leçons de morale à des gens qui vivent dans des quartiers où je ne vis pas, ou qui mettent leurs enfants dans des écoles où je ne vis pas. Pour moi, il n'y a pas des sous-citoyens. Ils ont le droit d'exprimer le droit qu'ils voulaient... et je veux leur parler en leur disant : vous avez exprimé un choix, ce n'est pas le mien, je vous respecte, je vous considère. J'ai entendu votre demande de nation, de frontières, d'authenticité, d'autorité, de fermeté.

Je veux parler aux électeurs de François Bayrou également, ils ont bien le droit. Le cœur de la campagne de François Bayrou, c'est la réduction des déficits. Son premier engagement, c'est la règle d'or. Monsieur Hollande la refuse parce qu'il ne veut s'enfermer dans aucune règle. Vous avez bien compris, c'est des paroles qui volent. Les engagements, c'est pour plus tard. La règle d'or, je la ferai adopter, s'il le faut par le référendum, car je considère qu'un pays qui ne rembourse pas sa dette, qui ne réduit pas ses déficits, qui ne diminue pas ses dépenses, ce n'est pas un pays libre.

Je veux parler à tous ceux qui se sont abstenus en leur disant : ne laissez pas les autres voter à votre place, quel que soit votre choix. Ça ne doit pas être un vote d'humeur, mais un vote pour 5 ans. La question n'est pas celle de Monsieur Hollande, "je, je, je" ou de monsieur Sarkozy, la question, c'est vous les Français, quelle direction doit prendre la France ? Quel avenir pour nos enfants ? Nous sommes dans un monde dangereux, difficile où il faut savoir prendre des décisions, tenir un cap, et assumer sa responsabilité. J'ai beaucoup réfléchi avant d'être candidat. Si je le suis, c'est parce que j'ai la passion de la France et que je souhaite vous conduire dans ce monde difficile pour les 5 années qui viennent.

Lire aussi : Erreurs, contrevérités et controverses du débat

Lire Le compte rendu intégral du débat Sarkozy-Hollande (partie 1)

Lire Compte rendu intégral du débat : économie (partie 2)

Lire Le compte rendu intégral du débat: dépenses publiques, éducation, Europe (partie 3)

Lire Compte rendu intégral du débat : immigration (partie 4)

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