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Sans-papiers : Manuel Valls entrouvre la porte de la régularisation

Le ministre de l'intérieur rend publique, mercredi 28 novembre, une circulaire qui assouplit les conditions d'accès à un permis de séjour en France.

Par Elise Vincent

Publié le 28 novembre 2012 à 10h57, modifié le 03 décembre 2012 à 11h05

Temps de Lecture 5 min.

Manuel Valls présente mercredi en conseil des ministres une circulaire qui assouplit les conditions d'accès à un permis de séjour en France.

Après en avoir à plusieurs reprises repoussé la publication, le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a finalement présenté en conseil des ministres, mercredi 28 novembre, conformément à la promesse de campagne de François Hollande, et après de nombreuses réunions de concertation avec le monde associatif et les partenaires sociaux, une nouvelle circulaire destinée à "clarifier" les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière.

Cette circulaire assouplit surtout les critères de régularisation pour les familles et pour les célibataires ayant un emploi. Le sujet étant très sensible pour la nouvelle majorité, il a fait l'objet d'arbitrages très serrés avec Matignon et l'Elysée. Donnant au final un texte très bordé, qui ne résoudra qu'une partie des situations des quelque 350 000à 500 000 personnes sans titre de séjour qui vivent en France.

"Nous avons rédigé cette circulaire dans un esprit de responsabilité et d'apaisement, explique au Monde le ministre de l'intérieur, Manuel Valls. L'objectif est de guider les préfets dans leur pouvoir d'appréciation et de limiter les disparités. Mais nous assumons aussi que cette circulaire est exigeante." "Il n'y aura pas de grand soir", prévient M. Valls. Un parti pris qui déçoit une partie des revendications des défenseurs des droits des étrangers, à l'exception de France Terre d'asile, qui veut retenir "le positif" du texte.

PAS DE "QUOTAS" DE PERSONNES À RÉGULARISER

Pour les familles, l'une des principales avancées du texte – qui entrera en vigueur le 3 décembre – concerne l'ouverture de la régularisation à celles justifiant d'une présence d'au moins cinq ans sur le territoire français et ayant au moins un enfant scolarisé depuis trois ans. Les associations réclamaient que seulement deux ans soient exigés, comme en 2006, lors d'une circulaire de Nicolas Sarkozy. Celle-ci avait permis la régularisation de 7 000 parents et enfants.

Mais le gouvernement a préféré rester à trois ans, arguant que son texte n'a pas de durée limitée dans le temps, contrairement à celui de M. Sarkozy. "Ce sont des dispositions pérennes", explique M. Valls. "Il y a peut-être des gens qui ne remplissent pas les conditions aujourd'hui mais qui les auront dans un an. Cela donne de la visibilité", défend-on Place Beauvau où, dit-on, l'expérience de 2006 est "le contre-exemple absolu" de ce qui est envisagé.

La nouvelle circulaire, officiellement, ne fixe en effet pas de "quotas" de personnes à régulariser, alors qu'en 2006, après une ruée des familles sans-papiers dans les préfectures, le dispositif avait été suspendu. A ce titre, le ministère de l'intérieur dit se préparer à un "choc". Des renforts sont prévus dans les préfectures. Il ne s'avance toutefois pas sur le nombre de personnes potentiellement concernées, qui a été au cœur des arbitrages. "On estime de 6 000à 7 000 le nombre de parents en situation irrégulièrequi entrent chaque année sur le territoire", lâche-t-on seulement Place Beauvau.

Une autre avancée de la circulaire pour les familles concerne la possibilité de déposer un dossier même si les deux parents sont en situation irrégulière. Il fallait auparavant qu'au moins un des deux soit en règle. Enfin, les conditions du regroupement familial en France sont assouplies. Dix-huit mois de vie commune seront notamment exigés contre cinq ans auparavant.

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Les autres assouplissements concernent la régularisation dite "par le travail" : soit généralement les étrangers en situation irrégulière célibataires, mais qui ont des emplois au noir. Le texte reprend en grande partie ce que la CGT avait pu négocier, en juin 2010, à l'issue d'un long mouvement de grève de travailleurs sans-papiers mais avec des assouplissements supplémentaires.

LISTES DE MÉTIERS SUPPRIMÉES

Trois cas de figure seront possibles : soit l'étranger pourra justifier de cinq ans de présence et de huit mois de travail sur les deux dernières années ; soit de trois ans de présence et de deux ans de travail ; soit de sept ans de présence et de huit mois de travail. Dans ce dernier cas, il sera dispensé de la nécessité d'une promesse d'embauche.

Pour la première fois dans un dispositif de régularisation par le travail, les Algériens et les Tunisiens – dont le droit au séjour est spécifique – sont intégrés. Les listes de métiers sont par ailleurs supprimées. Les autorisations de travail seront valables sur tout le territoire – contre seulement le département auparavant –; l'administration admettra le changement d'employeur au bout d'un an – contre deux ans avant; l'intérim et le temps partiel seront acceptés.

Un effort enfin est fait sur les employés à domicile. Les chèques emplois services seront acceptés, même avec un faible taux horaire. Une disposition qui pourrait aider les nombreuses femmes travaillant au noir comme nounou ou femme de ménage. Le gouvernement n'a toutefois pas lâché sur la nécessité, dans tous les cas, de justifier d'au moins cinq ans de présence en France. Ce qui suscite une grosse déception à la CGT, dont l'une des principales revendications était justement que cette barrière soit levée.

En outre, sur le fond, les avancées de la circulaire reposeront beaucoup sur la bonne volonté de l'employeur du sans-papiers. Celui-ci est invité à se dénoncer. Or contrairement à l'Italie ou l'Espagne, qui ont mené de vastes opérations de régularisation ces dernières années en ne leur faisant payer qu'une amende de quelques centaines d'euros, en France, il n'y aura pas d'"amnistie fiscale" et se dévoiler impliquera de fait un redressement.

> Lire En Italie, des titres de séjour pour résorber le travail au noir

La circulaire permet enfin des possibilités nouvelles de régularisations pour les mineurs isolés. Ceux-ci "pourront" désormais, dit le texte, obtenir un titre de séjour même s'ils se trouvent à l'écart d'une prise en charge de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les règles de régularisation sont aussi assouplies pour les jeunes majeurs. Mais cette possibilité ne sera vraiment ouverte que s'ils sont entrés en France avant l'âge de 16 ans. Un gros point de discorde avec le Réseau éducation sans-frontières (RESF).

Le ministère de l'intérieur annonce un débat au Parlement, début 2013, sur l'immigration économique. Un projet de loi est aussi prévu sur les titres de séjour pour le deuxième trimestre 2013. Selon les débats, il pourra permettre d'inscrire dans la loi certaines des dispositions de la circulaire. En l'état, malgré les avancées, celles-ci ne sont en effet pas juridiquement opposables, en cas de litige, devant un tribunal.

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