La question anglaise est posée. Quarante ans après son adhésion, le Royaume-Uni ne cesse de s'éloigner de l'Union européenne (UE). La bataille sur le budget communautaire, qui s'engage à Bruxelles jeudi 22 novembre, est emblématique de ces réticences de plus en plus vives.
Londres exige pour la période 2014-2020 un budget bien en deçà des propositions de ses 26 partenaires. On peut discuter la pertinence de la politique agricole, l'efficacité des aides aux pays les plus pauvres ou la justification du rabais britannique au budget européen. Les Britanniques ont un discours cohérent. Cohérent pour un pays qui se prépare à quitter l'UE et ne voit en elle qu'une vaste zone de libre-échange.
En réalité, le premier ministre David Cameron ne contrôle plus l'engrenage eurosceptique qui entraîne son pays, consterné par la crise de l'euro. Le locataire du 10 Downing Street a allumé la mèche, il y a un an, en refusant de signer le traité budgétaire censé sauver la monnaie unique. Depuis, David Cameron a organisé un réexamen de tous les engagements européens de son pays, annoncé l'abandon au moins provisoire du mandat d'arrêt européen et promis un référendum sur l'appartenance de son pays à l'Union après les élections générales prévues en 2015. Les sondages prédisent la victoire du non à l'Europe, et Westminster est sur la ligne des Britanniques. Dernièrement, David Cameron a été désavoué à la Chambre des communes par les eurosceptiques tories, alliés aux travaillistes, qui ont jugé encore trop généreuses ses propositions sur le budget européen.
Que les Britanniques s'en aillent !, serait-on tenté de dire, excédé par leur chantage permanent à la sécession qui leur permet de mieux s'imposer. Froidement, il convient de se demander si l'Europe continentale et la France ont intérêt à conserver le Royaume-Uni au sein de l'UE.
La réponse est oui. La City est, en réalité, la place financière off shore de l'euro et le sera encore davantage avec l'introduction de la taxe sur les transactions financières. On imagine mal la City et ses banques continuer de régner sur la finance européenne sans que les continentaux puissent exercer le moindre droit de regard. En outre, l'Europe de la défense n'est pas imaginable sans Londres, comme l'a montré l'expédition en Libye, alors que les échanges industriels sont souvent plus aisés avec les Britanniques qu'avec les Allemands. Enfin, les Britanniques sont les défenseurs du marché unique, qu'il convient de ne pas laisser aux seuls Allemands et Français, réticents à l'émergence d'un vrai marché des services.
Toutefois, le libre-échange n'est durable que s'il n'accentue pas les forces centrifuges d'une Union économiquement hétérogène. Le marché unique a un prix : les aides dites de la cohésion, pour aider les plus pauvres à rattraper leur retard. Les Suisses les financent, pour avoir accès au grand marché. Les Britanniques devront faire de même, y compris s'ils quittent l'UE. Les voilà prévenus.
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