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Au Mexique, l'arrestation de Florence Cassez n'est qu'un montage policier et médiatique

Le flagrant délit sur lequel est basée l'accusation de la Française est inexistant.

Publié le 22 février 2011 à 14h43, modifié le 23 février 2011 à 13h45 Temps de Lecture 3 min.

La surenchère de déclarations à propos du sort de Florence Cassez nous emmène parfois bien loin des fondements de l'affaire. Trois instances de la justice mexicaine ont condamné cette femme à soixante ans de prison pour enlèvements. Nous avons lu la totalité de son dossier judiciaire et nous avons rencontré les principaux protagonistes. En dépit d'années d'enquête, nous ne prétendons pas, contrairement à beaucoup, détenir la vérité. Il y a cependant des faits vérifiés qui sont trop souvent oubliés.

Il est aujourd'hui reconnu par la police mexicaine que l'arrestation de Florence Cassez et de son ex-compagnon, Israel Vallarta, a été un montage policier et médiatique. Ce n'est pas seulement un vice de forme, cela implique que le flagrant délit sur lequel est basée l'accusation est inexistant. Il n'y a pas de preuves que des victimes aient, un jour, été détenues dans cette maison louée par Israël Vallarta. En revanche, ce premier abus, associé à d'autres éléments du dossier, laisse penser que le montage pourrait être plus important que celui reconnu par les autorités mexicaines.

Alors que les trois victimes, Ezequiel Elizalde, Cristina Rios et son fils Cristian, donnaient exactement le même signalement de leur premier lieu de détention, elles fournissent des descriptions très divergentes de la maison de Vallarta. Et il y a des incohérences : une des victimes affirme, par exemple, que la télévision était constamment allumée, quand une expertise atteste qu'il n'y a jamais eu d'électricité dans cette cabane. Il faut ajouter à cela le témoignage du jardinier qui a toujours eu la clé de la cabane et affirme y être rentré régulièrement le mois précédent le 9 décembre 2005. Sans avoir rien constaté d'anormal.

En France comme au Mexique, Israel Vallarta est présenté comme le chef de la bande du Zodiac alors qu'il n'a toujours pas été jugé. Et, s'il a avoué être un kidnappeur, une expertise de la Commission nationale des droits de l'homme du 9 décembre 2005 indique qu'il a été torturé : multiples traces de coups, brûlures sur les parties génitales, etc. Il est accusé d'être le chef et le négociateur. Mais une expertise indique que la voix enregistrée lors des négociations n'est pas celle d'Israël Vallarta.

Alors quelles sont les charges qui pèsent contre eux ? Aucune preuve matérielle n'apparaît dans le dossier. Reste les témoignages des victimes. Diffusés partiellement. Ce "partiellement", souvent synonyme de partialité, dérange. Dès sa première déclaration, Ezequiel Elizalde reconnaît tant Florence Cassez qu'Israel Vallarta. Mais il donne trois versions différentes, se contredit et invente. Comme cette tache sur un de ses doigts qui serait le résultat, selon lui, d'une anesthésie effectuée par Florence Cassez. Une expertise médicale révèle qu'il s'agit d'une tache de naissance.

Quant à Cristina et à son fils Cristian, ils n'ont pas reconnu Florence Cassez dans leurs premières déclarations et n'ont jamais parlé d'une femme parmi leurs kidnappeurs. Ce n'est qu'après la reconnaissance du montage par les autorités, en février 2006, qu'ils l'ont accusée pour la première fois.

On constate, en révisant le registre d'entrées du parquet chargé de la délinquance organisée (Siedo), que la famille y a passé toute une journée en compagnie des policiers qui ont participé au montage. Il n'existe pourtant aucune déposition datée de ce jour-là, seul motif possible de leur présence sur les lieux. Pourquoi ont-ils été convoqués par la Siedo quelques jours avant de changer radicalement leurs déclarations ?

Alors qu'une lettre, non portée au dossier, où Cristina Rios accuse Florence Cassez d'avoir assisté à son viol, paraît dans la presse, une partie des déclarations judiciaires des victimes est systématiquement passée sous silence. Elles accusent avec constance d'autres personnes, notamment des membres de leur belle-famille impliqués dans d'autres kidnappings. Alors que, selon le dossier, des preuves matérielles les accablent, aucune enquête n'est menée sur ces personnes.

Sont-elles les membres de la bande du Zodiac ? Pendant trois ans, la bande se résume à Florence Cassez et Israel Vallarta. Ce n'est qu'en mai 2009 que la police mexicaine détient quatre hommes jamais mentionnés dans le dossier et les présente comme les derniers membres de la bande. Arrêtées avec violence, torturées (comme l'attestent les examens du Protocole d'Istanbul), ces personnes sont, depuis, en prison de haute sécurité.

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L'affaire Cassez : un enchevêtrement d'histoires qui, toutes, ressemblent à celle du protagoniste d'un documentaire mexicain intitulé Présumé coupable. L'avocat et réalisateur, Roberto Hernandez estime que, dans son pays, "l'injustice est légalisée. C'est un système dans lequel on t'arrête sans mandat d'arrêt et on t'accuse sans preuves".

Des violations qui sont monnaie courante au Mexique, n'en déplaise à tous ceux qui osent, en ces temps de crise diplomatique, défendre la justice et la police mexicaines. Et ce n'est pas minimiser les failles de la France que de dénoncer celles du Mexique.

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