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Zawahiri, théoricien d'Al-Qaida et successeur potentiel de Ben Laden

Le "docteur" Zawahiri, Egyptien diplômé de chirurgie, est considéré comme l'idéologue d'Al-Qaida et le "cerveau" des attentats du 11 septembre 2001.

Par  et Cécile Hennion

Publié le 05 mai 2011 à 09h23, modifié le 05 mai 2011 à 09h22

Temps de Lecture 4 min.

Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri, les deux principaux dirigeants d'Al-Qaida, en 2001.

Le "docteur" Zawahiri, Egyptien diplômé de chirurgie, est considéré comme l'idéologue d'Al-Qaida et le "cerveau" des attentats du 11 septembre 2001. Il a longtemps été le lieutenant principal et le médecin personnel d'Oussama Ben Laden. Après la disparition de ce dernier, tué dans un raid américain, lundi 2 mai, dans la ville d'Abbottabad, au Pakistan, Zawahiri apparaît comme l'un des successeurs potentiels à la tête de la nébuleuse islamiste. "Il remonte très vite sur la liste", a déclaré mardi en ce sens le directeur de la CIA, Leon Panetta.

"Combien son expérience et sa sagesse sont-elles précieuses pour nos jeunes gens et pour l'Histoire !", écrivit à son sujet Abou Qatada, l'une des grandes figures du salafisme radical londonien. De par son engagement précoce dans la lutte islamiste, du djihad en Egypte au djihad en Afghanistan, puis du djihad afghan à la lutte totale contre l'Amérique, le parcours de Zawahiri constitue la meilleure illustration, selon les spécialistes, de l'histoire de l'islamisme radical sunnite contemporain.

Né en 1951 dans la banlieue aisée du Caire, Ayman Zawahiri est issu de la haute bourgeoisie lettrée égyptienne. Enfant pieux et sensible, élève studieux et doué, il admire la pensée de l'islamiste Sayyed Qotob qui prône la lutte armée pour renverser le régime égyptien "apostat" et instaurer un Etat régi par les lois de l'islam. L'adolescent est touché par les récits de la vie de Qotob et particulièrement par les épreuves endurées dans les geôles égyptiennes. En 1966, il assiste avec horreur à son exécution par pendaison. Cet événement le persuade d'entrer dans la clandestinité pour rejoindre la lutte islamiste armée.

L'ASSASSINAT DE SADATE, ÉTAPE FONDATRICE

En 1979, il intègre le Djihad islamique, où il se spécialise dans le recrutement de militaires de l'armée égyptienne. A la fin des années 1980, le Djihad islamique s'allie avec la Gamaa islamiya, groupe djihadiste rival, en vue d'éliminer le président Anouar Al-Sadate qui vient de signer avec Israël un traité de paix. Son assassinat, le 6 octobre 1981, est suivi d'une vague d'arrestations. Ayman Zawahiri est emprisonné, avant d'être innocenté et libéré en 1984.

L'expérience de la prison, les tortures et les humiliations qu'il y subit, finiront de le convaincre de la légitimité de son combat. "Ils nous ont envoyé des décharges électriques ! Et ils ont utilisé des chiens sauvages ! (…) Alors, où est la démocratie ? Où est la liberté ? Où sont les droits de l'homme ? Où est la justice ? Nous n'oublierons jamais ! Nous n'oublierons jamais !" hurle-t-il, en anglais, devant les journalistes étrangers venus assister au procès consécutif à l'assassinat de Sadate.

Une étape "traumatique" mais "fondatrice", estime Stéphane Lacroix dans le chapitre d'Al-Qaida dans le texte consacré à Zawahiri. "C'est en prison, poursuit le chercheur, qu'il s'impose véritablement comme le leader du mouvement islamiste radical égyptien." Le docteur se lance aussi dans la rédaction de nombreux ouvrages dont le premier, Le Livre noir : La torture des musulmans sous la présidence d'Hosni Moubarak, raconte sa propre expérience.

Ayman Al-Zawahiri, ancien numéro deux d'Al-Qaida, dans une vidéo en avril 2006.

Enfin libre, mais étroitement surveillé par les services égyptiens, il quitte son pays pour l'Arabie saoudite puis l'Afghanistan. Il y rencontre le jeune Ben Laden que, dès lors, il ne quittera plus. Ben Laden veut s'attaquer au pouvoir des Saoud : Zawahiri le convainc d'ériger un djihad contre tous "les régimes apostats du monde musulman". Les fondations d'Al-Qaida sont posées.

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Pour autant Zawahiri n'a pas abandonné son obsession : détruire le régime égyptien. Du Soudan, où il a suivi Ben Laden en exil, il dispose d'une base arrière pour réorganiser le djihad islamique égyptien. Pour trouver des fonds, il parcourt l'Europe, l'Asie et même les Etats-Unis sous couvert du Croissant rouge koweitien, avant de lancer, à partir de 1993, de nouvelles attaques contre le régime du Caire. Les tentatives d'assassinat lancées contre le ministre de l'intérieur, Hassan Al-Alfi, puis contre le premier ministre, Atef Sedqi, se soldent par un échec qui provoque l'affaiblissement et la scission du mouvement.

"LA GUERRE SAINTE CONTRE LES JUIFS ET LES CROISÉS"

En 1995, il parvient à réunifier les rangs pour frapper la tête du régime : assassiner le président Hosni Moubarak lors de sa visite à Addis-Abeba en 1995. L'opération échoue encore.

Le Soudan, pointé du doigt par l'Egypte et les Etats-Unis, ne voit plus d'un bon œil la présence de l'organisation de Ben Laden sur son territoire. Tandis que ce dernier regagne l'Afghanistan, Zawahiri reprend sa course autour du monde dans l'espoir de former des cellules converties à sa cause. La plupart de ces tentatives échouent lamentablement. Il n'a alors pas d'autre choix que de rejoindre Ben Laden et les grottes afghanes, dernier sanctuaire du djihad. Cette succession d'échecs n'entame en rien ses résolutions. Au contraire, il semble qu'elle lui permet d'affûter sa vision du djihad dont il va, dès lors, travailler à renforcer l'idéologie.

La création, en 1998, du "Front islamique mondial pour la guerre sainte contre les juifs et les croisés", ainsi que la fatwa établissant le meurtre d'Américains et de leurs alliés comme un devoir personnel du musulman, apparaissent comme l'aboutissement de sa pensée. Parallèlement à cette guerre totale lancée contre l'Amérique, il développe, comme moyen d'y parvenir, l'idée des opérations-suicides qui vont devenir la marque de fabrique d'Al-Qaida. Depuis le 11-Septembre, le "docteur", jusque-là resté dans l'ombre, s'est imposé comme une figure charismatique d'Al-Qaida, multipliant les apparitions médiatiques.

Les méthodes violentes qu'il n'a cessé de légitimer, notamment les opérations martyres contre les civils, ont cependant été remise en cause en 2008 par des figures importantes du djihad égyptien, issues de sa génération. Ces débats continuent d'agiter la sphère intellectuelle de l'islamisme radical sans pour autant que ne soient enrayés la perpétuation de ces méthodes et le flux des jeunes djihadistes prêts à mourir pour Al-Qaida.

Article publié dans Le Monde du 9 septembre 2009 et réactualisé le 4 mai 2011.

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