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L'affaire des écoutes, le scandale qui menace l'empire Murdoch

Le scandale des écoutes n'en finit plus de secouer le Royaume-Uni. Mardi, les Murdoch père et fils doivent être entendus par une commission parlementaire.

Le Monde

Publié le 18 juillet 2011 à 18h37, modifié le 19 juillet 2011 à 14h55

Temps de Lecture 7 min.

Un homme déguisé en Rupert Murdoch manipule une poupée à l'effigie de David Cameron devant le ministère de la culture britannique, vendredi 8 juillet 2011.

Arrestations en cascade, démission du chef de Scotland Yard, excuses du Premier ministre David Cameron... Le scandale des écoutes téléphoniques du tabloïd News of the World (NoW) n'en finit plus de secouer le Royaume-Uni. Alors que Rupert Murdoch et son fils doivent être auditionnés, mardi, par la Commission des médias de la Chambre des communes, retour sur les rebondissements d'une affaire qui remonte à 2005.

Les premières interrogations sur les méthodes employées par les journalistes de News of the World surviennent en 2005. Clive Goodman, le journaliste chargé du suivi de la famille royale écrit dans les colonnes du tabloïd que le Prince William s'est blessé au genou. La famille royale réagit et une enquête policière est lancée.

Elle aboutit en 2007, avec la condamnation de Clive Goodman à 4 mois de prison pour écoutes illégales. Glenn Mulcaire, le détective privé qui l'a aidé dans cette entreprise est, lui, condamné à 6 mois d'emprisonnement. Andy Coulson, le rédacteur en chef de News of the World, démissionne et rejoint, quelques mois plus tard, le parti conservateur dont il dirige la communication.

Dans le même temps, une commission d'enquête conclut que personne d'autre dans le journal ne pratiquait d'écoutes illégales.

L'ancien journaliste de

En juillet 2009, le Guardian révéle que le groupe de Murdoch a dépensé plus d'un million de livres pour régler des procédures judiciaires et éviter des procès pour écoutes. Les découvertes du quotidien britannique laissent à penser que des milliers de personnes sont concernées. Le 21 juillet, Andy Coulson déclare devant la commission des médias de la Chambre des communes qu'il "n'a jamais toléré l'utilisation des écoutes illégales" et qu'il n'a "aucun souvenir d'incidents impliquant des écoutes".

Une enquête interne de NoW conclut en août qu'il n'y a aucune preuve d'autres écoutes illégales au sein de la rédaction du tabloïd. Un diagnostic partagé en septembre par la Press complaints commission, un organisme de contrôle où siègent des représentants de différents journaux britanniques.

Le Guardian réaffirme ses dires en mars 2010, en révélant un accord entre une victime d'écoutes illégales, et News of the World. La même année, un ancien journaliste, Sean Hoare, et un ancien cadre, Paul McMullan, du journal hebdomadaire déclarent dans la presse que les écoutes illégales étaient encouragées à NoW. M. Hoare a été retrouvé mort lundi 18 juillet à son domicile de Watford. Le décès de cet homme qui avait été licencié de NoW pour des problèmes d'alcool et de drogues reste pour le moment inexpliqué.

Quelques jours après ces déclarations, Scotland Yard rouvre l'enquête mais ne trouve pas de preuves. Un ancien vice-premier ministre, Lord Prescott, demande une évaluation de l'enquête policière. Il dit douter du fait que la police ait examiné toutes les pistes.

Le 5 janvier 2011, le tabloïd annonce la suspension de l'un de ses cadres, Ian Edmonson, après une enquête interne. Le 17, Glenn Mulcaire, le détective privé, déclare que M. Edmonson lui avait commandé les écoutes. Pressé de s'expliquer sur ses anciennes fonctions, Andy Coulson, porte-parole du premier ministre, David Cameron, démissionne le 21 janvier. "Quand un porte-parole a besoin d'un porte-parole, c'est le moment de passer à autre chose", explique-t-il. La police lance une nouvelle enquête cinq jours plus tard.

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En avril, trois nouveaux membres de la rédaction de NoW, Neville Thurlbeck, Ian Edmonson et James Weatherup, sont arrêtés. Le journal est contraint d'indemniser deux de ses victimes : l'actrice Sienna Miller, en mai, puis l'ancien footballeur Andy Gray.

Le 4 juillet, le Guardian révèle que News of the world a piraté la messagerie de Milly Dowler, une fillette de 13 ans, assassinée en 2002. D'après le quotidien britannique, les détectives mandatés par NoW ont supprimé des messages sur la boîte vocale. A l'époque, cette suppression avait été interprêtée comme une preuve de vie par les enquêteurs. Le lendemain, les annonceurs décident de boycotter le journal. Le 7 juillet, James Murdoch annonce la fermeture du titre, qui paraît le 10 juillet pour la dernière fois.

Lire la chronologie complète de l'affaire sur le site du Guardian

Un Britannique feuillette la dernière édition de

Outre la fermeture de News of the World, le scandale a fortement perturbé les plans de News Corp en Grande-Bretagne. Le groupe avait fait une offre de rachat pour BskyB, le bouquet numérique dont il détient déjà 39,1 %. Le 13 juillet, le groupe a annoncé qu'il retirait son offre.

Rupert Murdoch a été contraint de se séparer de l'une de ses proches, Rebekah Brooks, la directrice de News International, la division britannique de News Corp. Rédactrice en chef de NoW de 2000 à 2003, elle n'a pas résisté aux critiques. Convoquée par la police londonienne le 17 juillet, elle a été arrêtée puis libérée sous caution.

Du côté de la bourse, l'action de News Corp a perdu 15 % de sa valeur en quelques semaines, obligeant le groupe a annoncer son intention de racheter 5 milliards de dollars d'actions pour enrayer la chute. Certains actionnaires ont même enclenché des poursuites contre le groupe. Ils lui reprochent de ne pas avoir été au courant des pratiques en cours à News of the World et de ne pas y avoir mis fin.

Rebekah Brooks, aux côtés de Rupert Murdoch.

Les activités du groupe de Murdoch à l'étranger souffrent également du scandale. Aux Etats-Unis, Les Hinton, le directeur général de la société Dow Jones et directeur de la publication du Wall Street Journal, a remis sa démission, vendredi 15 juillet. Entre 1995 et 2007, il présidait News International.

Toujours aux Etats-Unis, le FBI a lancé une enquête pour des écoutes téléphoniques présumées contre le groupe de Rupert Murdoch. News Corp., dont le siège se trouve à New York, regroupe entre autres la chaîne ultra-conservatrice Fox News, le tabloïd New York Post, ainsi que le quotidien de référence Wall Street Journal.

Les répercussions du scandale ne se limitent pas à News Corps. Arrêté puis relâché le 8 juillet, Andy Coulson symbolise la proximité entre la classe politique britannique et Rupert Murdoch. Rédacteur en chef de NoW au début de l'affaire des écoutes, il a rejoint le cabinet de David Cameron quelques mois après avoir démissionné du journal. Dans l'opposition puis à Downing Street, il s'est occupé pendant 4 ans et demi de la communication du premier ministre.

Andy Coulson, symbole de la proximité entre la classe politique britannique et Rupert Murdoch

Embarrassé, ce dernier a annoncé la création d'une commission d'enquête indépendante. "La vérité est que nous sommes tous concernés : la presse, les hommes politiques, les dirigeants des partis – et je m'inclus dans ce nombre. Nous n'avons pas pris cette affaire à bras-le-corps", a reconnu M. Cameron. De fait, même Ed Miliband, le leader de l'opposition travailliste, était présent en juin à une réception organisée par le magnat australien.

La police a elle aussi été fortement critiquée pour sa gestion de l'affaire. A tel point que le chef de Scotland Yard, Sir Paul Stephenson, a démissionné dimanche 17 juillet. Il paye les liens entre ses services et News International, dont il a rencontré les dirigeants à dix-huit reprises entre 2006 et 2010. Son adjoint, John Yates, a fait de même lundi. Ce dernier s'est vu reprocher de ne pas avoir relancé l'enquête en 2009, après les révélations du Guardian. Il faut dire qu'il était l'ami de Neil Wallis, qui après avoir été cadre de News of the World, a travaillé comme consultant en relations publiques de Sir Paul Stephenson. Il est resté 11 mois à ce poste, au moment précis où John Yates jugeait inutile de rouvrir l'enquête.

Chargé de l'affaire des écoutes de 2006, Andy Hayman est également au centre des critiques. Il avait alors fermé le dossier, au motif que les intrusions dans les portables de plusieurs proches de la famille royale n'étaient qu'un cas isolé. Il a démissionné en 2007, et rejoint l'année suivante le Times, un journal également détenu par le groupe de Murdoch.

Sir Paul Stephenson devant les bureaux de Scotland Yard à Londres, en 2009.

D'après la police britannique, la liste des victimes potentielles de l'espionnage compte 4 000 noms, mentionnés dans les documents de Glenn Mulcaire, le détective privé à l'origine du scandale de 2006.

Parmi elles se trouvent les princes William et Harry, les footballeurs Wayne Rooney et Ryan Giggs, les familles de soldats tombés au combat et même des proches de victimes des attentats de Londres.

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