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Augmentons le budget de la culture !

Sans moyens, la création est menacée.

Publié le 06 août 2011 à 13h24, modifié le 08 août 2011 à 13h51 Temps de Lecture 4 min.

Il s'est passé quelque chose ce 15 juillet au Festival d'Avignon. Martine Aubry, candidate à la primaire socialiste, a brisé un tabou devant une assemblée impatiente et médusée. L'annonce est sans appel : de 30 % à 50 % d'augmentation pour le budget de la culture ! Le calcul est vite fait sur la base de l'actuelle contribution publique de 2,7 milliards d'euros. Neuf cents millions supplémentaires pour les plus pessimistes. Ne retenant que les 50 %, j'ai rêvé, la nuit qui a suivi, d'une augmentation de 1,3 milliard d'euros. Dans tous les cas de figure, c'est sur un peu moins ou un peu plus de 1 milliard que l'Etat se réengagerait. Qui dira mieux ? Le débat est désormais ouvert.

Ce milliard d'euros en plus a rebattu les cartes et va les redistribuer à gauche comme à droite. Des surprises sont à attendre dans la classe politique, brouillant déjà les habituels repères des hémicycles parlementaires. Se référant à 1936 comme à 1981, deux grandes révolutions "culturelles", saluant l'audace de Jack Lang, aux côtés de François Mitterrand, Mme Aubry a ainsi replacé le débat sur le service public de la culture au coeur de la campagne.

Nul doute que d'autres, dans la majorité actuelle ou dans l'opposition, vont désormais ajuster discours et mesures, hausser leurs ambitions et, ainsi décomplexés, proposer que la culture figure au centre du projet politique. C'est le plus audacieux qui fera le meilleur calcul, au sens le plus fort du terme.

Car telle est, au-delà des points de vue partisans, l'unique question dès lors que l'on parle de culture en France. Que l'on aime le système anglo-saxon ou que l'on préfère le modèle français, ce dernier est celui d'un financement public.

La chute drastique du mécénat culturel, ces derniers mois, nous rappelle qu'il serait utopique de vouloir assurer une part du financement de l'action culturelle par des ressources privées. Encore que le véritable financement de la culture dans notre pays est redevable de l'incroyable appétit des publics pour les biens et services culturels et des dépenses, dites des ménages, culturelles.

C'est par dizaines de milliards d'euros que ces contributions "privées" témoignent de la demande et du haut niveau d'intérêt des citoyens pour les choses de l'esprit, de la création et de la transmission du patrimoine. André Malraux, en son temps, l'avait mieux compris que quiconque.

En mars 1981, le candidat François Mitterrand déclarait aux Nouvelles littéraires qu'il avait l'intention de consacrer 1 % au budget de la culture. Ce fut la panique à bord des états-majors politiques. Dès la première année de son mandat, il en doublait le montant.

On sait combien ces engagements nouveaux firent du bien aux industries culturelles, aux créateurs de tout poil, combien les collectivités territoriales embrayèrent, comment notre territoire fut maillé par des équipements de proximité. La culture devint une exception, le modèle français fit notre réputation dans le monde. Car sans moyens, pas d'issue ! Un milliard de plus, ce n'est pas inaccessible : c'est le coût de 60 chars Leclerc, au prix unitaire de 15 millions d'euros, armes de dissuasion stockées dans de vastes hangars.

Cinquante ans d'exercice, souvent dynamique, du ministère de la culture ont fini par tétaniser les responsables politiques de tous bords. Ils ont pour beaucoup le sentiment que tout a été fait, accompli, que l'effort budgétaire public est à son comble, voire trop important. Que les désirs ont été assouvis, les territoires investis, que les créateurs ont été servis, tandis que les caisses de l'Etat seraient vides. Que d'autres priorités, sociales ou économiques, primeraient aux yeux de nos compatriotes.

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Cette capitulation culturelle est une faute de goût capitale. Qui la reproduira court au désaveu de nos compatriotes. Car si ce petit pays, 1 % de la population mondiale, est toujours plus grand que lui-même, c'est à la culture qu'il le doit. Elle est son objet de distinction au sein de communautés plus larges, celle du G2O, de la grande Europe, de la "culture monde".

Elle est historiquement centrale, économiquement vitale (80 millions de visiteurs à l'année en France), démographiquement et linguistiquement en mouvement (400 millions de francophones à prévoir en plus en 2050, principalement en Afrique). Enfin, c'est un objet unique de rayonnement, d'influence et d'échanges : la culture française accueille en son sein, sur notre territoire, la plus grande diversité au monde de cultures, pas si étrangères que cela !

Une approche globale et reformulée de la culture passe, on le sait, par un vaste plan d'éducation artistique et par l'encouragement à la création. Le chantier est immense et doit être financé. Il permettra de redonner un souffle nouveau à cet indispensable service public de la culture. L'investissement est excellent. Le consensus existe et excède les positions partisanes.

Les belles enchères sont désormais ouvertes. Nous sommes nombreux à attendre avec impatience et impartialité les programmes de tous les candidats des partis républicains à la magistrature suprême : à moins de 1 milliard d'euros d'engagement public supplémentaire, ne faudrait-il pas refuser l'aumône des mots et des discours incantatoires, celle des tapes dans le dos et des suppléments d'âme ? Car la France sans la culture, ça ne sert à rien ! Et c'est vraiment d'un excellent rapport.


Olivier Poivre d'Arvor est l'auteur de Bug made in France ou l'histoire d'une capitulation culturelle (Gallimard, 2011).

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