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L'emploi des jeunes, terre de mission en Sarkozie

Après Martin Hirsch en 2009, l'Elysée confie à l'ex-secrétaire d'Etat Alain Joyandet une nouvelle mission de réflexion sur l'emploi des jeunes. Depuis 2007, missions et réflexions sur la question se succèdent, le plus souvent sans être suivies d'effets durables.

Par Samuel Laurent

Publié le 20 juillet 2011 à 19h44, modifié le 21 juillet 2011 à 17h35

Temps de Lecture 8 min.

Près de 30 % des PME n'ayant pas recruté d'apprentis en 2013 expliquent ne pas avoir trouvé assez de candidats, selon un sondage IFOP.

"Aujourd'hui, le chômage des jeunes recule de manière lente mais régulière avec une baisse de 7,1 % entre avril 2010 et avril 2011" mais "cette diminution est encore insuffisante". Tel est le constat que fait Nicolas Sarkozy dans la lettre de mission qu'il a envoyé à Alain Joyandet, ex-secrétaire d'Etat à la Coopération, redevenu député UMP, et chargé de réfléchir à de nouvelles pistes sur l'emploi des jeunes afin de rendre un rapport "pour la fin du mois de décembre 2011".

Si l'insertion des jeunes dans l'emploi est un problème endémique en France, force est de constater que l'actuelle majorité ne semble pas faire confiance à ses propres solutions pour l'endiguer : depuis 2007, "plans", "mesures d'urgence", "missions" et réflexions s'enchaînent à un rythme soutenu, parfois à quelques mois d'intervalle.

- Février 2008 : le "Plan Marshall" des banlieues. Le chômage des jeunes se concentre, en France, dans les quartiers populaires, où il atteint des chiffres vertigineux : 43% des jeunes actifs y sont au chômage, selon un rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Pendant sa campagne, Nicolas Sarkozy avait mis l'accent sur ce phénomène, promettant "beaucoup d'argent" pour "sortir les quartiers difficiles de l'engrenage de la violence et de la relégation". Mais ce "plan Marshall", confié à une personnalité d'ouverture, Fadela Amara, est retardé dans sa mise en oeuvre. Le 8 février 2008, le chef de l'Etat présente son plan, assurant : "Au total, avec l'ensemble des outils que l'Etat va mobiliser, c'est plus de 100 000 jeunes que nous allons accompagner vers l'emploi dans les trois prochaines années."

Mais sur le terrain,  les promesses ne se transforment pas en actes. Le plan, rebaptisé "espoir banlieues" et doté d'un financement réduit par rapport aux promesses, déçoit. Selon le propre bilan du ministère en 2010, sa mesure phare, les "contrats d'autonomie" à destination des jeunes, ne bénéficiera qu'à 25 000 personnes, dont 4000 seulement le voient déboucher sur un emploi en CDD ou CDI.

Alain Joyandet à Paris en décembre 2009.

- Avril 2009 : "Plan d'urgence" et charte pour l'emploi des jeunes. Alors que la crise frappe la France, Nicolas Sarkozy annonce, le 24 avril 2009, un "plan d'urgence" pour l'emploi des jeunes. "Je veux un effort exceptionnel pour l'emploi et la formation. Je veux miser sur les jeunes pour sortir de la crise. Les jeunes sont un atout pour la compétitivité de la France. En préparant les jeunes à l'avenir, la France prépare son avenir", assure le chef de l'Etat, qui promet 1,3 milliard d'euros d'aides à l'embauche des jeunes en entreprise, au moyen notamment de contrats de professionnalisation.

Objectif : le recrutement de 320 000 apprentis d'ici à 2010 et la signature de 170 000 contrats de professionnalisation. Les entreprises bénéficient de dispositifs d'aide variés, et Henri Proglio, président de Veolia, est chargé d'une réflexion sur une "charte de l'alternance".

Mais une fois encore le bilan est maigre, voire inverse : Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et de la statistique (Dares), on compte pour l'année 2009 "146 000 entrées en contrat de professionnalisation, soit une baisse de 18 % par rapport à 2008 après une hausse de 5 % entre 2007 et 2008". L'année suivante, en 2010, malgré une nouvelle série de mesures, les contrats de professionnalisation ne sont en hausse que de 1%.

Quant à la formation en alternance, elle est également en baisse, de 12,4% fin 2009, selon les Missions locales pour l'emploi, soit 13 000 jeunes de moins. En 2010, on comptabilise 435 400 entrées dans des dispositifs de formation en alternance, soit le même niveau qu'en 2009, et 40 000 de moins que le chiffre de 2008.

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-  Septembre 2009 : le plan "Agir pour la jeunesse". La valse des annonces continue à l'automne. En janvier 2009, Nicolas Sarkozy charge Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives, d'une réflexion sur "une politique de la jeunesse". Celui-ci rend ses conclusions, qui font l'objet d'un discours du chef de l'Etat. "Il nous faut à nous adultes, responsables, leur tendre la main et trouver, ce qui est très difficile, les moyens d'une politique de la jeunesse qui ne soit pas de l'assistanat, mais qui permette à chaque jeune de se construire un avenir, de façon autonome", promet Nicolas Sarkozy, qui vante un plan de 500 millions d'euros.

Ce nouveau dispositif se décline autour d'aides à l'apprentissage (notamment dans la fonction publique) ainsi que de négociations sur le statut des jeunes dans l'entreprise, la création d'un "service public de l'orientation", la possibilité pour une entreprise de financer une partie des études d'un jeune qu'elle compte recruter ensuite, ou la création d'un "droit à l'emploi et à la formation" pour les 16-18 ans.

Il propose également la création d'un "service civique" ouvert à 70 000 jeunes, et d'un "RSA jeunes" pour permettre aux moins de 25 ans d'accéder à un revenu d'existence, ainsi que le renforcement du "contrat d'insertion dans la vie sociale" créé en 2005, qui n'a permis que 60 000 créations de postes en trois ans.

Mais une fois de plus, ce plan tarde à se concrétiser, malgré le bilan flatteur qu'en fait le gouvernement en septembre 2010 : à l'été 2011, le "service public de l'orientation" promis n'est toujours pas en place. Le Civis, quant à lui, a bénéficié à 468 000 personnes entre 2005 et 2010, dont "38% ont accédé à un emploi durable", soit 201 240, selon la Dares

Le RSA jeunes, enfin, se heurte à l'hostilité des députés UMP, qui en rendent les conditions d'accès si complexes qu'en mars 2011, on ne compte que 9 000 bénéficiaires de l'allocation, contre 160 000 promis lors de la mise en place de la mesure.

- Novembre 2010 : "On va se battre sur ce front là". La réforme des retraites monopolise le gouvernement une bonne partie de l'année 2010. Lors de son intervention télévisée, le  15 novembre, à l'issue d'un mouvement social de plusieurs mois, le chef de l'Etat promet de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, notamment autour "de  l'emploi des jeunes et l'emploi des seniors".

Pour Nicolas Sarkozy, la clé réside une fois encore dans l'apprentissage et l'alternance. ""600 000 jeunes sont en formation en alternance. Un jeune en formation en alternance a 70% de chances de trouver un emploi. Il faut doubler le nombre des jeunes en alternance. On va se battre sur ce front là, on obtiendra des résultats", promet-il. Au passage, il exagère quelque peu les chiffres : selon la Dares, on compte 565 000 jeunes de moins de 26 ans en formation fin 2010, dont 415 000 apprentis et 150 000 en contrat de professionnalisation.

L'apprentissage est l'axe privilégié par le gouvernement depuis 2007. Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'Etat à l'emploi, s'est d'ailleurs vu confier une mission d'évaluation sur la question en cours d'année. Après un remaniement en novembre, Nadine Morano devient secrétaire d'Etat à l'apprentissage fin 2010.

Mais la "bataille" ne semble pas gagnée. "En moyenne, en 2010, 14,9 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans sont sans emploi et ne suivent pas une formation, qu’elle soit initiale ou continue", note la Dares. Le taux de chômage des 15-29 ans a reculé de 1,1 point en un an, à 17%. Parmi ceux exerçant une activité, soit 47% du total de la classe d'âge, un jeune de moins de 26 ans sur quatre est en emploi aidé, dont 85% dans un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. Un chiffre qui stagne, malgré les efforts du gouvernement, comme on peut le constater sur ce graphique.

Source : DARES, 2010.

- Janvier 2011 : "50 000 emplois aidés supplémentaires". Ces résultats mitigés ne changent rien  à la détermination du chef de l'Etat. Lors de l'émission "paroles de Français", le 10 février 2011, il annonce un nouveau train de mesures pour "les jeunes de quartiers" et l'apprentissage des jeunes. Il propose un "bonus malus" pour inciter les entreprises à embaucher des apprentis, et un nouveau volet d'emplois aidés.

Autant de mesures précisées lors d'une visite à Bobigny le mois suivant, où le chef de l'Etat annonce : "250 millions d'euros supplémentaires pour financer 50 000 contrats aidés de plus par rapport à ceux déjà budgétés", "15 000 places supplémentaires d'hébergement pour les jeunes apprentis", 7 000 nouveaux contrats d'autonomie pour 2011,une "réduction de charges" pour les entreprises qui embauchent des apprentis, et même un portail Internet dédié à l'aternance.

Las, l'essentiel de ces mesures est en fait déjà en place : les 15 000 places d'hébergement ont été promises en 2009, les contrats aidés sont relancés après avoir été diminués en 2009 et le solde est, au total, moindre en 2010. Quant aux contrats d'autonomie, leur coût par rapport à leur efficacité leur vaut des critiques jusque dans les rangs de la majorité. Quant au bonus-malus pour les entreprises, il s'agit d'un dispositif de 2009, supprimé, puis rétabli. Enfin, le portail Internet existe déjà depuis 2010.

En cinq ans, selon la Dares, le taux d'emploi des 15-24 ans a augmenté de 1,4 point, passant de 29,9 % au premier trimestre 2006 à 31,3 % au quatrième trimestre 2010. Il reste en queue de peloton en Europe, où la moyenne est de 34,1 %, avec des pointes à 53 % en Autriche ou 46 % en Allemagne. Le taux d'activité, lui, a augmenté de 1,7 % pour passer, dans les mêmes intervalles, de 38,3 % à 40 %. Le chômage des jeunes, lui, a diminué de... 0,5 %, passant de 21,9 % à 21,4 %.

Quant aux dispositifs d'aide, essentiellement constitués de contrats d'apprentissage ou d'alternance, ils concernent en 2010 23,7 % des jeunes qui travaillent, contre 3,6 % de la population totale. C'est trois points de moins qu'en 2007, où 26,9 % des jeunes avaient un emploi aidé.

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