C’est un vendredi très particulier, ce 28 décembre, en République démocratique du Congo (RDC). Le dernier avant les élections prévues dimanche, avec deux ans et une semaine de retard. Une tension épaisse plane sur ce territoire aussi vaste que l’Europe occidentale. Si l’appel à une « journée ville morte » lancé par une frange de l’opposition n’a pas pris, à Beni, dans le nord-est, les forces de sécurité ont tout de même ouvert le feu sur des manifestants.
Comme trois autres villes, cette cité en proie aux tueries et à Ebola ne votera pas ce dimanche, alors qu’à Kinshasa le compte à rebours est lancé. L’ambassadeur de l’Union européenne n’a plus qu’une journée pour quitter le pays, à la demande des autorités. Et dans son bureau le président sortant, Joseph Kabila, orchestre les derniers préparatifs de ce scrutin, toujours techniquement incertain.
« J’ai l’intime conviction que tout va bien se passer dimanche. Des violences post-électorales ne sont pas à exclure, mais la menace sécuritaire est sous contrôle. Seul Ebola nous fait peur et la CENI [Commission électorale nationale indépendante] a bien fait de suspendre les élections dans les zones touchées par l’épidémie », dit le président, 47 ans, détendu dans sa résidence officielle, à Kinshasa.
Pour son unique entretien avec un média français, il a choisi Le Monde pour évoquer sa situation bien singulière de chef d’Etat qui vit les dernières heures à son poste alors que son mandat constitutionnel a pris fin depuis deux ans. Pourtant, il continue de gérer le plus grand pays d’Afrique francophone avec ses conflits, ses crises humanitaires, ses attaques d’une opposition déterminée mais divisée et les menaces de la rue, tout en ayant eu à faire face à d’intenses pressions diplomatiques occidentales. Mais de tout cela il n’a cure. Ce vendredi si particulier, Joseph Kabila veut défendre son bilan, posément.
Un « résistant à tous ceux qui veulent soumettre ce pays »
« Un pays sans problèmes, c’est le paradis. Mes détracteurs peuvent aller au diable, lâche-t-il, le regard implacable, qui annulerait presque son sourire plein de douceur. A mon arrivée à la tête de l’Etat en 2001, j’avais promis la réunification du pays, la stabilité de l’économie, la démocratisation et la reconstruction. La croissance économique n’a jamais été de moins de 3 %, le pays est uni et j’ai organisé trois élections avec celle de dimanche. »
Joseph Kabila parle « Etat », « institutions », « armée ». Il raconte un « Congo qu’il aime passionnément », un « pouvoir au service du peuple », quand des diplomates, des enquêteurs des Nations unies et des ONG parlent de « système répressif », l’accusent de piller le pays, de détourner des milliards de dollars et d’entretenir le désordre quitte à sous-traiter des tueries à des militaires ou à des groupes armés pour maintenir le « raïs » (« chef ») au pouvoir. « Foutaises », rit le président.
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