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Directeurs d’écoles et scolarité obligatoire : les zones de flou dans la loi sur l’école

Avant les manifestations du 4 avril, le discours des syndicats d’enseignants devient de plus en plus alarmiste, tandis que le ministère tente de rassurer.

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Publié le 04 avril 2019 à 15h04, modifié le 04 avril 2019 à 15h16

Temps de Lecture 4 min.

Nombre de classes et d’écoles maternelles et élémentaires ont gardé porte close, jeudi 4 avril. En grève à l’appel des cinq principaux syndicats, les enseignants protestent contre la loi qui porte le nom du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Voté par l’Assemblée nationale, le projet de loi doit encore passer au début de mai devant le Sénat.

La contestation se fait tout autant dans la rue et dans les écoles qu’en ligne, où ont circulé de manière virale, des tracts, des bandes dessinées et autres messages alarmistes sur le futur de l’école. Les syndicats d’enseignants jugent que, trop imprécis, le projet de loi Blanquer assombrit l’avenir des écoles. Le ministère, lui, tente de dissiper ce flou.

Le point sur deux points épineux de la loi : le regroupement entre écoles et collèges et les effets financiers liés à la scolarisation obligatoire dès 3 ans instaurée par la loi.

  • Le regroupement primaire-collège

Ce que dit la loi :

« Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils regroupent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans le même bassin de vie. »

Concrètement, il s’agit de regrouper les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles du même secteur géographique, en créant un établissement pour les élèves de 3 à 16 ans, comme cela peut exister en Allemagne ou en Finlande. Des expérimentations de regroupements ont d’ailleurs déjà été faites dans les Hautes-Alpes, en Martinique… Cela ne signifie donc pas que les écoles n’existeront plus, mais qu’elles seront gérées de manière plus centralisée au sein d’un seul et même établissement.

Ce que craignent les opposants à la loi :

Comme le soulignent les syndicats, il reste de nombreuses inconnues : qui tranchera en dernier ressort sur la création d’une telle structure, quel sera le rôle exact des inspecteurs (qui jouaient un rôle de gestionnaire de leur circonscription) ?

Et surtout, que deviendront les directeurs et directrices des écoles absorbées s’ils ne deviennent pas adjoints du principal du collège ? Quid, par ailleurs, de leur mission de référent ? En effet, les directeurs assurent, outre les tâches administratives, un rôle d’interlocuteur important avec les parents.

Ce qu’en dit le gouvernement :

Ces nouvelles entités regroupant un collège et une ou plusieurs écoles du même secteur, appelées « établissements publics des savoirs fondamentaux », ne remettent pas en cause l’existence des écoles et de leurs directeurs, affirme Jean-Michel Blanquer dans un entretien au Parisien. Mercredi, il a écrit aux directeurs d’école pour apporter « toute garantie » sur le maintien de leurs fonctions. M. Blanquer se dit, par ailleurs, « tout à fait prêt » à ajouter la nécessité de « l’accord de la communauté éducative pour que ces établissements puissent voir le jour » dans le texte du projet de loi.

  • Le financement des maternelles privées

Ce que dit la loi :

« L’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire constitue une extension de compétence (…) qui doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

La loi prévoit l’abaissement de l’âge à partir duquel l’école est obligatoire. Si elle est adoptée, l’instruction sera obligatoire à partir de 3 ans, au lieu de 6 ans actuellement. La scolarisation dès 3 ans est d’ores et déjà la norme pour l’écrasante majorité des enfants (99 %), même si, rappelle l’étude d’impact du projet de loi, « cette moyenne recouvre des taux de scolarisation très différents, selon les territoires et les milieux sociaux, ainsi qu’une assiduité irrégulière des élèves durant la journée ».

Cela ne change presque rien pour les écoles publiques (sauf si certaines doivent s’agrandir), en revanche, cela aura un impact sur les écoles privées. En vertu de la loi Debré de 1959 contraignant les communes à financer les écoles élémentaires privées à la même hauteur que les écoles publiques, les municipalités devront verser un complément aux écoles privées sous contrat – qui ne touchaient auparavant de subventions publiques qu’à partir du primaire.

Finalement, très peu d’enfants sont concernés, mais la mesure ne sera pas sans effet pour les municipalités qui jusqu’ici avaient choisi de ne pas financer de maternelles privées – certaines municipalités s’en acquittaient déjà de façon volontaire : environ deux tiers des maternelles de l’enseignement catholique recevaient ainsi un « forfait communal ».

Ce qu’en dit le gouvernement :

D’une part, le gouvernement n’est pas très clair sur le caractère obligatoire de ce financement : « En soi, l’abaissement de l’obligation d’instruction à 3 ans ne contraint pas les communes à verser un forfait aux maternelles privées », assurait en 2018 le cabinet du ministre de l’éducation au quotidien La Croix… tout en reconnaissant qu’« une telle évolution s’accorderait avec l’esprit de la loi Debré de 1959 régissant le contrat d’association entre l’Etat et les écoles privées ».

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D’autre part, le ministère assure que des aides pourront être mises en place. L’étude d’impact du projet de loi préconisait « d’offrir un accompagnement financier ouvert aux communes qui auront à supporter effectivement ces hausses de dépenses », mais cette préconisation n’a pas été chiffrée ; ce que l’on sait, c’est que les dossiers seront instruits en 2020 et que les versements seraient faits en 2021.

Enfin, la Rue de Grenelle souligne que la démographie joue en faveur d’une baisse du nombre d’élèves (et donc une baisse des coûts globaux) : 34 700 enfants de 3 à 5 ans de moins sont attendus à la rentrée 2019, 49 800 à la rentrée 2020.

Ce que craignent les opposants :

Comme on l’a vu plus haut, pour les communes qui ne finançaient pas déjà volontairement les maternelles privées, c’est un coût supplémentaire : il est évalué à 100 millions d’euros par an par le gouvernement (150 millions pour les syndicats).

« A Paris, c’est environ 12 millions [10 860 élèves en maternelle privée sous contrat multiplié par 1 086 euros de forfait communal] que va verser l’Etat pour un bénéfice de la mesure qu’on a du mal à trouver vu que pratiquement tous les petits sont déjà scolarisés…, explique Jean-Noël Aqua, élu communiste du 13e arrondissement parisien. D’autre part, nous n’avons aucun engagement écrit sur un accompagnement financier. »

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