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Centrales nucléaires : des coûts de maintenance estimés à 100 milliards d’euros

Dans son rapport annuel public, la Cour des comptes a tenté d’estimer les coûts d’entretien et d’exploitation des 58 réacteurs français à l’horizon 2030.

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Publié le 09 février 2016 à 20h17, modifié le 10 février 2016 à 11h25

Temps de Lecture 4 min.

La centrale nucléaire de Fessenheim, implantée en bordure du grand canal d'Alsace.

Quel sera le coût de la maintenance des 58 réacteurs nucléaires d’EDF en France d’ici à 2030 ? Et comment l’évaluer sérieusement sans connaître l’impact de la loi d’août 2015 sur la transition énergétique, qui prévoit un plafonnement de la capacité de ces centrales à leur niveau actuel de 63,4 gigawatts (GW) en 2025 ? Dans son rapport annuel, rendu public mercredi 10 février, la Cour des comptes tente de répondre à la première question… tout en reconnaissant que la facture finale dépendra de paramètres encore inconnus. Notamment le nombre de réacteurs qu’il faudra peut-être fermer – en fonction de l’évolution de la demande d’électricité – pour se conformer à la loi. Un flou qu’elle avait déjà souligné, en janvier 2012, sur le coût du démantèlement, encore difficile à estimer.

Mises en service entre 1977 et 2000, toutes les centrales du parc nucléaire, qui produisent 77 % de l’électricité consommée en France, doivent théoriquement subir un « grand carénage » dans les dix prochaines années. Il faudra 100 milliards d’euros (de 2013), soit 1,7 milliard par réacteur, « pour répondre à la consommation électrique et aux normes de sûreté nucléaire, durcies après la catastrophe de Fukushima », indique la Cour : 75 milliards d’investissements et 25 milliards pour l’exploitation.

Cette estimation est, selon elle, cohérente avec les 55 milliards annoncés par EDF. L’opérateur ne se projetait en effet que jusqu’en 2025 et ne prenait en compte que les investissements. Une autre hypothèque doit aussi être levée : le feu vert de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour une exploitation au-delà de 40 ans.

La facture des consommateurs

La Cour estime que la réalisation de ce programme « compte pour une grande part dans les besoins de recrutement de l’ensemble de la filière nucléaire », qu’elle estime à « environ 110 000 emplois directs et indirects d’ici à 2020 » (sur un total de 220 000 emplois). Est-ce raisonnable au moment où EDF annonce la suppression de 3 500 postes ? D’autant que EDF et ses nombreuses entreprises sous-traitantes rencontrent « des difficultés de formation et de disponibilité de la main-d’œuvre dans certains domaines techniques » (soudure, robinetterie…). Et que la mobilisation de l’Etat et d’EDF, pourtant réelle, n’est « pas à la hauteur des enjeux ».

Ces dépenses vont-elles faire exploser la facture des consommateurs ? Les rapporteurs estiment que l’impact de ces 100 milliards sur le coût de production de l’électricité nucléaire sera « limité ». Entre 2010 et 2014, il est déjà passé de 49,6 euros à 62,6 euros (maintenance, provisions pour démantèlement…) par mégawattheure. Même si le devis initial doublait – soit 200 milliards – ce coût passerait à 70 euros (+ 12 %). En fait, il est surtout sensible aux volumes d’électricité produits : si la production baissait de 50 %, il grimperait à 125 euros par MWh, a calculé la Cour. Or rien n’indique qu’EDF ne doive pas fermer des centrales pour respecter l’objectif de 50 % d’électricité nucléaire si la consommation progresse peu, comme c’est le cas depuis des années.

Une interrogation porte aussi sur ce que demandera l’ASN en termes de gains de sûreté pour améliorer un parc vieillissant, note la Cour. Des exigences qui auront des conséquences sur le calendrier et le coût du programme.

Dilemme de Fessenheim

Mais la plus lourde incertitude reste l’impact de la loi sur la transition énergétique. « Elle est susceptible de remettre en cause les investissements envisagés et d’obliger l’entreprise à fermer un tiers de ses réacteurs, indique-t-elle, avec des conséquences importantes en termes d’emplois, sans écarter l’éventualité d’une indemnisation [d’EDF] prise en charge par l’Etat », comme l’a signifié le Conseil constitutionnel. Or, « aucune évaluation économique de ces conséquences potentielles n’a été réalisée avant la publication de la loi », dénoncent-ils. Elle devra être rapidement réalisée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui se fait néanmoins attendre.

Selon leurs estimations, « les enjeux s’élèvent à plusieurs milliards d’euros par an », alors qu’ « aucune évaluation n’a encore été réalisée, ni par l’Etat, ni par EDF, sur les conséquences économiques potentielles de l’application de la loi ». Les charges d’exploitation pourraient être réduites de 3,9 milliards par an dès 2025, mais les pertes de recettes annuelles d’EDF atteindre 5,7 milliards. L’opérateur risque aussi d’être devant une situation intenable économiquement : devoir investir des milliards, pour que leur sûreté réponde jusqu’au dernier jour de fonctionnement aux normes de l’ASN, dans des réacteurs destinés à fermer rapidement ! C’est peu ou prou le cas des deux réacteurs de Fessenheim (Haut-Rhin), promis à la fermeture mais coûteux en entretien.

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La Cour adresse tout de même plusieurs satisfecit à EDF. L’opérateur a su « exploiter le parc dans des conditions de sûreté conformes aux exigences réglementaires et normatives » imposée par les « gendarmes » français (ASN) et international (AIEA). Lors des arrêts pour maintenance, « les interventions des prestataires externes ont été réalisées dans le respect des normes de sûreté applicables », même s’il existe « encore des marges de progrès » pour réduire encore l’exposition de techniciens aux radiations. En dix ans, on ne déplore qu’un seul incident de niveau 2 (sur une échelle internationale graduée de 0 à 7), qui n’entraîne pas de rejet d’éléments radioactifs. Et même si la disponibilité du parc s’est dégradée, la Cour constate qu’elle est en cours de redressement depuis 2014.

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