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« Avec un Erasmus africain, nous pourrions unir la jeunesse autour d’un même projet »

Pour l’ancien premier ministre nigérien Ibrahim Assane Mayaki, il est nécessaire d’encourager la mobilité étudiante entre les pays du continent.

Publié le 20 novembre 2018 à 14h11, modifié le 20 novembre 2018 à 14h11 Temps de Lecture 4 min.

Des étudiants burkinabés sur le campus de Ouagadougou, en novembre 2014.

Tribune. Nelson Mandela disait que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ». Cette citation s’applique sans nul doute en premier lieu à l’Afrique. Au-delà des constats habituels sur l’absolue nécessité d’éduquer la jeunesse africaine, domaine dans lequel il nous reste d’immenses progrès à accomplir, je voudrais proposer ici une idée qui permettrait d’enraciner encore plus durablement le projet panafricain, tout en renforçant les opportunités d’emploi pour notre jeunesse : la création d’un programme d’échange étudiant au niveau du continent. Je crois que les effets positifs d’une telle initiative seraient innombrables.

Erasmus, le programme dont l’Afrique pourrait s’inspirer, a été mis en œuvre en Europe il y a un peu plus de trente ans. Le dispositif a permis à plus de 5 millions d’étudiants européens d’étudier durant six mois ou un an dans un autre pays de l’Union européenne (UE). Nommé ainsi en hommage à Erasme, l’une des plus grandes figures intellectuelles européennes, le programme est passé de 11 à 33 pays et s’adresse désormais aussi aux élèves du primaire et du secondaire, aux lycées professionnels et même aux demandeurs d’emplois. L’UE a même déjà commencé à orienter ce programme vers l’Afrique avec l’aide de la France. Le projet vise avant tout à favoriser la mobilité étudiante entre la France et l’Afrique, mais comporte un premier volet d’aide à la coopération régionale intra-Afrique. Il me semble que ce type d’initiative devrait aussi, et même avant tout, émaner de notre continent.

Manque d’attractivité des universités

Contrairement à une idée reçue, les étudiants africains sont déjà les champions de la mobilité. Selon les statistiques de l’Unesco de 2015, l’Afrique subsaharienne a même un taux de mobilité diplômante deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Avec 432 589 étudiants africains en mobilité internationale dans le cadre d’études diplômantes, l’Afrique représentait même 10 % de la mobilité étudiante en 2015. Malgré une diversification accrue des destinations, la France, les Etats-Unis et l’Afrique du Sud absorbent toujours près de 40 % des étudiants africains. Seul bémol : seulement un étudiant africain sur cinq en mobilité internationale en 2015 partait étudier dans une autre université africaine. Une proportion trop faible, bien qu’en hausse, qui illustre le manque d’attractivité des universités africaines pour les Africains eux-mêmes.

Cette mobilité relève de plusieurs dynamiques. Parmi les raisons qui poussent les étudiants africains à partir à l’étranger, les experts insistent d’abord sur le faible niveau des formations locales, l’absence de la spécialité voulue par l’étudiant ou, tout simplement, le manque de places dans les universités du pays d’origine. Accéder à une meilleure formation est une forte motivation pour les étudiants, alors que la jeunesse africaine est souvent confrontée au chômage. Beaucoup d’étudiants de nos pays partent étudier dans des universités étrangères où les diplômes sont mieux reconnus, dans l’espoir de faciliter leur accès au marché du travail… et, par conséquent, souvent au détriment de notre continent.

Même si certains pays tirent leur épingle du jeu, comme le Maroc, le Ghana ou l’Afrique du Sud, les universités africaines vont donc devoir consentir des investissements qui leur permettraient de se distinguer dans les classements internationaux et d’attirer plus largement les meilleurs étudiants qui vivent dans leur « zone de chalandise ». Elles pourraient par exemple y être incitées à travers un mécanisme de subvention corrélé au nombre d’étudiants issus du continent qu’elles parviendraient à accueillir. Ce système incitatif pourrait être couplé à la mise en œuvre de stratégies cohérentes au niveau des différentes régions, afin de mutualiser les coûts des spécialisations. On pourrait imaginer des centres d’excellence en droit, en commerce, en sciences, en informatique ou en médecine dans chacune des grandes régions de l’Afrique. Cela permettrait en outre de libérer la mobilité des jeunes diplômés vers les gisements d’emplois à l’issue de leur formation.

Bâtir une communauté de destin

Investir plus largement dans un vaste plan de mobilité intracontinentale des étudiants africains permettrait de donner un sens supplémentaire au mot « Afrique ». En plus d’être une année de formation très utile sur le plan professionnel, la dimension personnelle et citoyenne de cette expérience est tout aussi importante à mes yeux. Mais surtout, c’est en facilitant les possibilités pour les jeunes Africains d’aller étudier dans d’autres pays du continent que nous commencerons à réellement bâtir une identité et une citoyenneté panafricaines.

Pour que le projet africain fonctionne, il faut que les citoyens du continent aient un réel sentiment d’appartenance et un désir de « faire l’Afrique ». C’est pourquoi le projet africain doit se réaliser à travers des expériences de socialisation des citoyens de notre continent pour bâtir une communauté de destin. En lançant un programme africain (à l’image du programme Erasmus et dont le nom reste à trouver), nous pourrions faire de la jeunesse estudiantine l’avant-garde d’une Afrique citoyenne et unie autour d’un même projet politique et social.

Ibrahim Assane Mayaki, secrétaire exécutif du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) depuis 2009, a été ministre des affaires étrangères puis premier ministre du Niger (1997-2000).

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