L’Eglise catholique est allée chercher un grand commis de l’Etat pour faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs perpétrés dans ses rangs depuis 1950. Jean-Marc Sauvé, qui fut vice-président du Conseil d’Etat pendant douze ans, jusqu’en mai, présidera la commission indépendante dont les évêques ont décidé la création à Lourdes, le 7 novembre. Il rencontrera prochainement Mgr Georges Pontier, le président de la Conférence des évêques de France, « pour préciser les objectifs de cette commission » ainsi que ses moyens, a indiqué l’épiscopat mardi. Avec cet organisme, l’Eglise espère apurer le passé et prévenir la répétition de tels faits dans l’avenir.
« J’ai un profil qui peut convenir pour ce travail », commente sobrement l’intéressé. A l’art de la litote, Jean-Marc Sauvé, né le 28 mai 1949, allie une parfaite connaissance des rouages de la machine étatique et une réputation d’impartialité. Avant de diriger la plus haute juridiction administrative, il a occupé le poste stratégique de secrétaire général du gouvernement de 1995 à 2006, sous des premiers ministres de droite comme de gauche, signe d’une capacité à inspirer la confiance de bords opposés. L’Eglise catholique aurait difficilement pu trouver moins discutable.
Depuis son départ en retraite, l’ancien haut fonctionnaire préside le conseil d’administration des Apprentis d’Auteuil, une fondation catholique qui agit dans les domaines de la protection de l’enfance, de la formation et de l’insertion auprès de publics en difficulté. Cet engagement ponctue une trajectoire spirituelle qui l’a conduit, pendant deux ans, au début des années 1970, au noviciat des jésuites, à Lyon, alors qu’il venait d’intégrer l’ENA. Ayant finalement opté pour le service de l’Etat, il a passé et réussi le concours une seconde fois, fait semble-t-il unique dans l’histoire de l’Ecole nationale d’administration.
Restaurer la confiance
La tâche qui l’attend à la tête de la future commission sera elle aussi un défi. Les affaires d’atteintes sexuelles sur mineurs ne quittent plus l’actualité catholique.
« Seul l’établissement de la vérité peut permettre de sortir de l’ère actuelle du soupçon, de mettre à plat des modes de fonctionnement, de réparer ce qui doit l’être et d’éviter que des errements passés ne se répètent », estime Jean-Marc Sauvé.
Restaurer la confiance et la sérénité est « une mission prioritaire d’intérêt général. Je ne me suis jamais consacré à d’autres tâches au cours de ma vie », explique-t-il.
Sa commission a deux ans pour rendre un rapport. Ce délai lui paraît un compromis « raisonnable » entre « l’urgence de l’établissement des faits et des causes » et « l’approfondissement des investigations sur une période qui excède nettement le demi-siècle ». Son premier acte consistera à en choisir les membres : « C’est le président qui fixera le nombre et le profil des personnes siégeant dans la commission et qui en nommera les membres en toute indépendance », insiste-t-il. Il souhaite faire appel à des compétences diverses (juridiques, éducatives, médicales, psychologiques, historiques…), mais aussi à des opinions plurielles : des croyants de différentes confessions y côtoieront des incroyants.
La commission comptera-t-elle des représentants d’associations de victimes ? « La question n’est pas tranchée », indique M. Sauvé, soucieux d’établir son « impartialité ». Quoi qu’il en soit, ces associations seront entendues. Reste la question de ses moyens. « Je ne me serais pas engagé dans cette fonction si je n’avais pas l’assurance que la commission sera en capacité d’accomplir correctement sa mission », assure M. Sauvé. Démarrage des travaux ? « Le plus tôt possible. »
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