L’avocat Etienne Noël a défendu neuf dossiers de personnes blessées par des tirs de lanceur de balle de défense (LBD) ou de Flash-Ball durant ces dix dernières années. Il déplore une « banalisation » de ces armes. Face aux difficultés des poursuites pénales, il privilégie les voies administratives pour les victimes.
Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », les cas de personnes blessées par des tirs de LBD se multiplient. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a une banalisation de la violence policière. Elle atteint, de plus en plus, des gens qui n’ont rien à voir avec les violences qui sont alléguées par les forces de police.
« Quasi systématiquement, les tirs concernent de simples spectateurs. »
Quasi systématiquement, les tirs concernent de simples spectateurs, des tiers qui passaient par là, et n’étaient pas visés directement par des opérations de maintien de l’ordre.
Je constate également une banalisation de l’emploi de cette arme. Il fut un temps où on la voyait moins souvent dans les opérations de maintien de l’ordre. Maintenant, on considère que c’est devenu l’armement ordinaire des forces de police et de gendarmerie, bien plus que la matraque.
Le nombre de blessés révèle-t-il un problème de formation des forces de l’ordre ?
Les policiers ne sont pas suffisamment formés, ni psychologiquement ni techniquement. Durant leur formation d’une journée à peine, ils doivent tirer sur des cibles statiques. En manifestation, le contexte est totalement différent, les cibles sont mouvantes. Alors ils tirent n’importe comment. Le Défenseur des droits, qui a remis plusieurs rapports préconisant l’interdiction de ces armes, souligne d’ailleurs que la formation des forces de l’ordre est squelettique.
Quels types de recours devant la justice privilégiez-vous lorsque des victimes de tir viennent vous voir ? Quels sont les plus efficaces ?
La voie pénale marche rarement, elle est très aléatoire. Deux principaux écueils existent. D’abord, un grand nombre de classements sans suite ou de décisions de non-lieu dans le cadre des procédures pénales s’explique par le fait que très souvent, il n’a pas été possible d’identifier le tireur. Dans des circonstances comme celles observées lors des manifestations des « gilets jaunes », il y a eu un tel niveau de confusion, que cela me paraît souvent extrêmement difficile d’y parvenir.
Dans le cas où le tireur serait identifié, le tribunal peut le relaxer, même s’il considère qu’il y a bien eu une infraction. Le policier bénéficie alors du fait qu’il a obéi aux ordres, ce qui lui enlève toute responsabilité pénale, selon l’article 122-4 du code pénal.
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