Tribune. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire a fait de la taxation des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) son cheval de bataille. Perpétuellement en quête de davantage de recettes fiscales, la France lorgne sur la poire juteuse – ou plutôt la pomme déjà croquée – que les géants du numérique sont censés être. De la théorie à la pratique, il y a toutefois un pas à franchir, ou plutôt l’océan Atlantique.
Les Gafam s’estimeraient suffisamment puissants pour s’affranchir des Etats européens, notamment de leurs obligations fiscales à leur égard. En réalité, les Gafam ne font pas cavalier seul. Ils savent qu’ils ont derrière eux les Etats-Unis : ils en sont le fer de lance en matière de puissance économique… et de renseignement. Une attaque fiscale frontale de l’Europe fait donc craindre – notamment à l’Allemagne – des mesures de rétorsion dont ses grandes entreprises seraient les premières perdantes.
La détermination du droit d’imposer les bénéfices des entreprises entre les Etats date de l’entre-deux-guerres. A l’époque, il était difficilement concevable qu’une entreprise intervienne sur un marché sans y être présente physiquement. C’est la raison pour laquelle la notion d’« établissement stable » a été retenue comme critère de localisation des bénéfices. Cette notion n’est plus adaptée aux entreprises du numérique et permet à nombre d’entre elles d’échapper à l’imposition de leurs bénéfices à l’étranger.
Prestations de services
L’Europe est à l’origine de trois projets destinés à répondre aux défis de la taxation des Gafam. Il s’agit des projets d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (« projet ACCIS »), d’établissement stable virtuel, et de taxe sur les services numériques. Ces projets s’enlisent, notamment parce que l’unanimité est requise en matière de fiscalité directe.
La collecte des données personnelles permet aux sites d’engranger des recettes en les monnayant à un courtier de données et en vendant des bannières publicitaires ciblées
Une autre piste mériterait d’être explorée : la marchandisation des données personnelles. Certains sites – notamment Google et Facebook – subordonnent leur accès à la condition que les internautes les autorisent à utiliser leurs données personnelles. Les internautes participent à la création de valeur en concourant au fonctionnement d’un modèle économique qui repose sur la fourniture et l’utilisation de ces données. Leur collecte permet aux sites d’engranger des recettes en les monnayant à un courtier de données et en vendant des bannières publicitaires ciblées.
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