Tribune. Rien ne permet en 2019 d’affirmer qu’il y a plus de violences envers les personnes en situation de prostitution depuis la loi du 13 avril 2016 qui visait à renforcer la lutte contre le système « prostitutionnel » et à accompagner les personnes prostituées. Par contre, la loi a permis d’inverser la charge pénale et, ce faisant, oriente vers les vrais responsables de l’existence de la prostitution. Dépénaliser serait une catastrophe, tant sur le plan des violences que sur celui de la prise en charge sociale et sanitaire.
Médecins du monde et d’autres associations réglementaristes questionnent le Conseil constitutionnel : la disposition de la loi pénalisant les clients n’est-elle pas contraire au droit au respect de la vie privée et à la liberté d’entreprendre ? Mais de quelle vie privée s’agit-il ? Sans doute pas de la vie privée des personnes en situation de prostitution dont la vie sexuelle et relationnelle est saccagée.
De quelle liberté d’entreprendre s’agit-il ? Probablement celle des proxénètes et des passeurs, au détriment du principe d’inaliénabilité et d’indisponibilité du corps humain, défini par le code civil et garanti par la Constitution à chaque citoyen et citoyenne, protégeant les plus vulnérables et précaires du commerce de leur corps.
Violence
« La prostitution, c’est la bouche, le vagin, le rectum, pénétrés d’habitude par un pénis, parfois par des mains, parfois par des objets, pénétrés par un homme et un autre et encore un autre et encore un autre et encore un autre. Voilà ce que c’est. » Ainsi s’exprimait Andréa Dworkin, survivante de la prostitution dans Pouvoir et violence sexiste (Ed. Sisyphe, 2017).
Dans son essence même la prostitution est une violence pour retirer toute dignité humaine à la personne achetée en en faisant un simple objet de plaisir pour autrui. A cette violence initiale perpétrée sur des personnes vulnérables s’ajoutent les viols, les coups, les insultes, les actes de barbarie, les meurtres, et ce quelles que soient les formes de prostitution. Les clients achètent, ils exercent leur domination et se permettent tout. Toutes les survivantes de la prostitution en témoignent.
Les violences du système prostitutionnel ont des conséquences dramatiques sur la santé physique, psychique et sexuelle des personnes prostituées quand elles ne sont pas à l’origine d’un décès. Dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un gynécologue hospitalier ayant examiné de nombreuses femmes victimes constatait : « Des cicatrices consécutives au fait d’avoir été attachées, traînées, griffées, ainsi que des arrachages de cheveux et des brûlures de cigarette. Au niveau vulvo-vaginal, l’examen retrouve des vulves très déformées, et parfois des vagins cicatriciels durs et très douloureux, notamment dans la partie haute du vagin où il existe parfois des cicatrices rétractiles en diminuant nettement la longueur. »
Il vous reste 63.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.