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La Pologne en état de choc après l’assassinat au couteau du maire de Gdansk

Des milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes du pays lundi soir, en hommage à Pawel Adamowicz, poignardé dimanche lors d’un événement public.

Par  (Varsovie, correspondance)

Publié le 14 janvier 2019 à 15h16, modifié le 15 janvier 2019 à 10h52

Temps de Lecture 4 min.

Le maire de Gdansk Pawel Adamowicz s’exprime lors d’un événement caritatif quelques instants avant d’être attaqué, le 13 janvier.

C’est à double titre que la Pologne a été frappée au cœur. Littéralement d’abord, avec les coups de couteau portés dans le thorax du maire de la grande ville portuaire de Gdansk, Pawel Adamowicz, mort de ses blessures lundi 14 janvier, un jour après avoir été poignardé. Mais aussi symboliquement, car l’attaque s’est produite dimanche devant des centaines de personnes, sur la scène du Grand Orchestre de charité, la manifestation la plus populaire du pays. Chaque année, depuis vingt-sept ans, pendant un dimanche de janvier, des dizaines de milliers de volontaires distribuent partout de petits cœurs rouges autocollants en échange de dons pour l’achat d’équipements médicaux pédiatriques.

Le week-end du 12 et 13 janvier, comme à son habitude, Pawel Adamowicz avait lui aussi fait tinter la tirelire dans les rues de sa ville avant de publier sur Facebook la somme recueillie. La journée de collecte se termine traditionnellement en soirée par des concerts et des feux d’artifice organisés dans de nombreuses localités. A Gdansk, le maire est présent sur la scène lorsqu’un homme le rejoint pour lui asséner plusieurs coups de couteau. Il s’empare ensuite d’un micro et se présente : « Allô allô, je m’appelle Stefan, j’ai été mis en prison alors que j’étais innocent. La Plate-forme civique m’a torturé, c’est pourquoi Adamowicz est mort ce soir. » L’auteur des coups de couteau est aussitôt maîtrisé par des vigiles.

Le dénommé Stefan avait été condamné à plusieurs années de détention pour une série de braquages et venait d’être libéré

Les liens entre le meurtrier de 27 ans et sa victime semblent extrêmement ténus. Selon la police, le dénommé Stefan avait été condamné à plusieurs années de détention pour une série de braquages et venait d’être libéré. Sa peine coïncide partiellement avec la seconde législature de la Plate-forme civique (PO), parti libéral au pouvoir de 2007 à 2015 et dont Pawel Adamowicz avait été l’un des membres fondateurs. Accusé d’avoir omis des éléments dans sa déclaration de patrimoine, il avait formellement suspendu son adhésion il y a quatre ans pour ne pas mettre son parti en mauvaise posture, mais même en qualité d’indépendant, il avait, grâce à sa forte popularité, été reconduit en novembre 2018 pour un sixième mandat à la mairie de Gdansk.

« Crime politique »

Peut-on réduire le geste de l’ex-braqueur à un acte isolé, sans arrière-fond politique en dehors d’une mention de la Plate-forme civique, qui traduirait davantage un déséquilibre mental ? La presse indépendante et une partie du grand public ne sont pas de cet avis et mettent en cause le climat de « haine » alimenté par les responsables politiques et certains médias. Et dénoncent une profonde fracture au sein de la société polonaise. Les rédacteurs en chef des deux plus grands quotidiens du pays, Gazeta Wyborcza et Rzeczpospolita, sont allés jusqu’à parler de « crime politique ».

De fait, malgré l’unanimité des condamnations venues de toutes les formations politiques, les milliers de personnes qui ont manifesté lundi soir en silence dans plusieurs villes du pays en hommage à Pawel Adamowicz et contre la « haine » ont paru vouloir adresser un avertissement au parti ultraconservateur Droit et justice (PiS), qui règne sans partage sur la Pologne depuis 2015.

A Varsovie, parti de la place où s’était déroulé le concert du Grand Orchestre, le cortège n’a pas manqué sur le chemin de rappeler la mémoire de Piotr Szczesny. En 2017, cet « homme ordinaire », comme il s’était lui-même défini, s’était immolé en plein centre-ville pour protester contre, notamment, « la limitation par les autorités des droits civiques », « la destruction de l’indépendance des tribunaux », « la centralisation de l’Etat » et « le non-respect de la Constitution ». « Je voudrais que le président du PiS et toute la nomenklatura du parti prennent acte du fait qu’ils sont directement responsables de ma mort et qu’ils ont mon sang sur leurs mains », avait-il précisé.

Menaces de mort

Malgré le froid glacial, la manifestation s’est ensuite prolongée devant la galerie d’art Zacheta. « C’est là qu’en 1922, le président de la République Gabriel Narutowicz a été assassiné par Eligiusz Niewiadomski, un fanatique qui avait succombé à la propagande politique de l’époque. J’y vois un parallèle avec la situation d’aujourd’hui », explique Szymon Kaczarewski sous son épais béret. Elu avec le soutien des nombreuses minorités de la Pologne de l’entre-deux-guerres, Gabriel Narutowicz était accusé par les nationalistes d’être le « candidat des juifs ».

Des milliers de Polonais se sont rassemblés dans le centre historique de Gdansk (Pologne), pour rendre hommage à leur maire, le 14 janvier.

« Il ne fait pas bon vivre aujourd’hui en Pologne pour ceux qui pensent différemment », confirme Edyta, mère de deux filles engagées dans le Grand Orchestre comme volontaires. « Pawel Adamowicz avait reçu un faux acte de décès de la part des nationalistes après avoir signé une déclaration politique en faveur d’un accueil amical des immigrés. Le parquet n’avait pas donné suite, la police ne lui a pas fourni de protection, pourquoi ? Aujourd’hui, le président Andrzej Duda appelle à une marche commune contre la violence et la haine, mais je me demande si ce n’est pas trop tard. »

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