La danseuse et chorégraphe Françoise Adret, figure bouillonnante de la scène française, est morte dimanche 1er avril, à l’âge de 97 ans. Interprète de Serge Lifar dans les années 1940, chorégraphe elle-même, meneuse de troupe, maîtresse de ballet, inspectrice de la danse au ministère de la culture, elle a endossé tous les rôles avec un dynamisme et une passion inentamés tout au long de sa carrière.
« C’était une femme extraordinaire, une lionne, s’exclame Brigitte Lefèvre, directrice de la danse de l’Opéra national de Paris de 1995 à 2014. Elle savait faire travailler les gens ensemble. Elle avait le sens de l’ouverture, possédait son franc-parler et se fichait des convenances, pas pour cultiver l’originalité pour l’originalité mais parce qu’elle était comme ça. »
Née le 7 août 1920, à Versailles, de son vrai nom Bonnet, Françoise Adret sait dès l’âge de 7 ans « que la danse l’habitera jusqu’à son dernier souffle ». Elle prend ses premiers cours à la fin des années 1920, suivra l’enseignement de professeurs russes fameux, dont celui de « Madame » Rousanne, tout en fréquentant le Palais Garnier, à Paris, où elle découvre les premiers spectacles de Lifar dont elle deviendra l’une des étoiles en 1948 dans Le Pas d’acier.
« Elle aimait les personnalités singulières »
Parallèlement, la même année, elle chorégraphie son premier ballet intitulé La Conjuration. Elle y met en scène un poème de René Char dans un décor de Georges Braque. Entre 1948 et 2000, elle a conçu près d’une soixantaine de pièces, que ce soit pour l’Opéra de Monte-Carlo, de Nice, de Varsovie ou le Ballet de Lorraine. « C’était une bosseuse qui travaillait énormément mais savait aussi se détendre et avait beaucoup d’humour, se souvient la danseuse Muriel Belmondo, qui a collaboré avec elle au Ballet-Théâtre contemporain de 1968 à 1978. Elle m’a appris la discipline, l’endurance. Elle aimait les personnalités singulières parce qu’elle en était une et savait les valoriser. »
Régulièrement invitée par les plus grandes compagnies françaises et internationales, Françoise Adret a été la cheville ouvrière de la création, avec Jean-Albert Cartier, du Ballet-Théâtre contemporain, d’abord installé à Amiens, puis à Angers. De 1968 à 1978, elle en est la responsable chorégraphique et y attirera des personnalités fortes dont Dominique Mercy, figure et pilier de la compagnie Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch depuis le milieu des années 1970. « J’ai rencontré Françoise en 1967 alors que j’étais un tout jeune danseur classique au Grand Théâtre de Bordeaux, se souvient Dominique Mercy. C’était une belle rencontre d’emblée. Encore adolescent, j’entamais ma troisième saison et j’avais faim de tout. Elle m’a fait confiance et m’a donné immédiatement des rôles et des responsabilités dans les ballets. Avoir la chance de rencontrer cette femme à mes débuts m’a donné des ailes. C’était une passeuse d’énergie qui possédait une générosité et une vitalité énormes. Lorsqu’elle m’a proposé d’intégrer le Ballet-Théâtre contemporain, j’ai dit oui ! »
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