Il avait promis « du lourd et du concret ». Il a surtout accéléré et amplifié. Jusqu’ici réticent à céder face aux « gilets jaunes », dont le mouvement de contestation reste soutenu par une majorité de Français après un mois de mobilisation, le chef de l’Etat s’est efforcé, lors d’une allocution diffusée à 20 heures, lundi 10 décembre – suivie par plus de 21 millions de téléspectateurs –, de répondre à leurs revendications tout en ne reniant pas sa politique. Un exercice de haute voltige qui a donné le sentiment que si le président était prêt à concéder davantage de « protéger », il n’était pas question pour lui de revenir sur le « libérer » de son programme.
Apparu le visage marqué par la fatigue, les joues creusées par les nuits sans sommeil, Emmanuel Macron a débuté son intervention de treize minutes, enregistrée un peu plus tôt dans le salon doré de l’Elysée, en reconnaissant que « la colère » qui s’exprime à travers le pays est « profonde » et surtout qu’elle est « juste à bien des égards ». « Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent, a-t-il concédé, soucieux de ne pas endosser seul la responsabilité de tous les maux du pays. Cela vient de très loin, mais c’est là, maintenant. »
Cette colère, le président reconnaît qu’il a pu lui-même l’attiser. « Je sais qu’il m’est arrivé de blesser certains d’entre vous par mes propos », a-t-il confessé, en référence à ses petites phrases comme le « pognon de dingue », pour parler des dépenses sociales, ou le « je traverse la rue et je vous en trouve », du travail, adressé à un jeune chômeur sur la pelouse de l’Elysée. Mais ce ne serait qu’incompréhension, parce que « je crois plus que tout dans notre pays et (…) je l’aime », a assuré M. Macron, qui a loué les « femmes de courage » venues exprimer leur « détresse sur tant de ronds-points ».
Pour répondre à celle-ci, le président de la République a dit vouloir « décréter (…) l’état d’urgence économique et sociale ». Une formule déjà utilisée par François Hollande en janvier 2016, lors d’un discours devant le conseil économique, social et environnemental. « Face au désordre du monde, face à une conjoncture économique incertaine et à un chômage persistant, il y a aussi un état d’urgence économique et social à proclamer », avait déclaré le socialiste, qui cherchait alors un moyen de faire baisser le chômage pour se représenter à l’élection présidentielle de 2017.
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