Tribune. Parcoursup, le nouveau système pour lequel on évite prudemment de parler de sélection, est pourtant bien sélectif : les candidats refusés sur leurs dix vœux se verront certes proposer une place, mais pas là où ils l’auraient souhaité. C’est donc la fin de l’accès de tous à des études dans la filière de leur choix, et la sélection va être opérée sur la base d’« attendus » et des résultats scolaires des lycéens.
Ces « attendus » semblent de bon sens, pourtant ils sont excluants. Ainsi, il faut « savoir mobiliser des compétences en matière d’expression orale et écrite afin de pouvoir argumenter un raisonnement ». Mais n’est-ce pas ce que le bac devrait garantir ? Il faudrait donc sélectionner de futurs étudiants sur une compétence dont l’acquisition n’est même pas garantie par le lycée ?
Maintenant, c’est marche ou crève dès le lycée
Pour certaines filières, il faut « disposer d’une culture générale », une qualité dépendant largement du milieu social. Il faut « faire preuve de curiosité intellectuelle », être « ouvert au monde » : comment cela se mesure-t-il ? Pour les filières les plus « en tension » comme la psychologie (pour lesquelles il faudrait en réalité créer des places), on demande des « compétences dans les disciplines scientifiques ». Traduisons : être issu d’une filière S, donc faire partie des « meilleurs » élèves – ou comment rester dans l’entre-soi des profils correspondant à la norme.
Le critère qui va déterminer le futur de millions d’ados, c’est la capacité, très souvent liée à l’origine sociale, à entrer dans un moule. Et l’idée sous-jacente à ces « attendus », c’est qu’un individu est figé dans son évolution. A 17 ans, on leur demande de savoir ce qui les intéresse, de connaître leurs forces et leurs faiblesses. C’est pourtant loin d’être le cas pour tous. A 17 ans, j’étais mauvaise élève, mal dans ma peau, et vu les attendus et par manque de confiance en moi, je n’aurais pas candidaté dans les filières qui m’attiraient. L’université accessible sans sélection permettait à des late bloomers (« personne dont la maturité arrive plus tardivement »), ou à des ados ayant obtenu leur bac ric-rac de se réveiller-révéler. C’est fini. Maintenant, c’est marche ou crève dès le lycée.
« Chercher sa voie, c’est formateur »
Je connais des collègues qui se réjouissent d’avoir enfin des étudiants qui leur ressemblent, de « très bons » élèves. Mais ce n’est pas seulement pour ceux-là que nous enseignons, ou bien il faut aller enseigner en classes préparatoires. Certes, ceux qui ont eu de bons résultats au lycée partent avec de meilleurs atouts. Mais les ados un peu glandeurs (c’est de leur âge) doivent aussi pouvoir faire les études qu’ils veulent. L’enseignement, ce n’est pas constater de manière définitive qu’untel est « bon » ou « mauvais », c’est lui permettre de progresser, et cette progression peut être en dents de scie.
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