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Decathlon renonce à vendre son « hidjab de running », sous la pression des réactions politiques et anonymes

Le vêtement, qui devait être commercialisé à 8 euros dans la gamme de course à pied Kalenji, ne sera finalement pas vendu en France.

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Publié le 26 février 2019 à 19h30, modifié le 27 février 2019 à 10h17

Temps de Lecture 4 min.

La sprinteuse bahreïnienne Rakia Al-Gassra aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008.

La polémique aura eu raison du « hidjab de running » de Decathlon. Sous la pression, le distributeur d’articles de sports et de loisirs a décidé de renoncer à commercialiser ce voile destiné aux sportives de confession musulmane, déjà vendu au Maroc. Le directeur de la communication de l’équipementier, Xavier Rivoire, l’a annoncé mardi 26 février, en fin de journée au micro de RTL.

« Ce produit qui est un couvre-chef adapté à une pratique sportive ne sera pas jusqu’à nouvel ordre commercialisé en France. (…) Pour assurer l’intégrité et la sécurité de nos propres équipes… » Quelques heures plus tôt, sur Twitter, l’enseigne faisait le bilan : « Notre service client a reçu plus de 500 appels et mails depuis ce matin. Nos équipes dans nos magasins ont été insultées et menacées, parfois physiquement. »

La présentation en ligne de ce produit, récemment « repéré » sur le site Decathlon.fr par quelques internautes et qui devait être mis en vente en France à la mi-mars, a déclenché les foudres de certains abonnés à Twitter.

« Bande de pourris (…) vous trahissez les valeurs de la République (…) honte à vous (…) vous contribuez à l’invasion islamiste, vous finirez avec cette racaille dans les fours en Pologne », a écrit l’un d’eux. « Decathlon renie donc les valeurs de notre civilisation sur l’autel du marché et du marketing communautaire », a dénoncé un autre.

« Une marque qui rompt avec nos valeurs »

Mardi, au fil de la journée, c’est toute la sphère politique qui a réagi. Sur RTL, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn a rappelé qu’un tel produit n’était « pas interdit par la loi ». Ajoutant aussitôt : « C’est une vision de la femme que je ne partage pas. J’aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile. »

Sur Twitter, Aurore Bergé, députée des Yvelines et porte-parole de La République en marche (LRM), a pour sa part écrit : « Le sport émancipe. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs. »

Sur BFM-TV, le président du MoDem, François Bayrou, a déclaré que « la société française, c’est une société qui dans sa tradition refuse qu’on couvre le visage et le corps humain à l’excès ». Et le président (Les Républicains) du Sénat, Gérard Larcher, a dit ne pas vouloir partager « tout ce qui peut enfermer la femme, fût-ce au nom d’une ritualité qui n’est pas la valeur profonde d’une religion ». Nicolas Dupont-Aignan, le président de la formation souverainiste Debout la France, – qui avait aussi demandé à ce que le produit soit retiré de la vente –, appelait quant à lui au boycott, tout comme la présidente du groupe PS à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault.

« C’est honteux et je rappelle que la loi interdit de se cacher le visage. Decathlon va perdre plus de clients qu’il ne va en gagner », a également tweeté l’ancienne ministre de l’environnement, sous Jacques Chirac, Corinne Lepage.

Yann, « CM » (community manager, chargé de gérer et d’animer la communauté d’internautes) de Decathlon a répliqué :

« Nous parlons bien d’un hidjab, et donc à aucun moment il n’est question de se voiler le visage. Il faut faire attention aux termes employés pour ne pas créer de confusion. »

« Mode islamique »

Le « hidjab de running », qui devait être commercialisé à 8 euros sous la gamme de course à pied de l’enseigne française, appelée Kalenji, n’aurait pas été le premier accessoire de ce type sur le marché. L’américain Nike en propose un à 30 euros. Par ailleurs, le groupe suédois H&M, le japonais Uniqlo, l’anglais Marks & Spencer se sont déjà lancés dans la « mode islamique ».

Lire notre portrait : Article réservé à nos abonnés Une vie de jeune fille voilée

Dans son rapport 2018-2019 sur l’économie islamique, Dinar StandardThomson Reuters a estimé le marché mondial de ce secteur à 240 milliards d’euros en 2018, avec une prévision pour 2023 d’environ 320 milliards d’euros. En langage « fashion », on parle de mode « pudique » ou « modeste », un créneau investi depuis longtemps par de nombreuses marques, notamment aux Etats-Unis.

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En France, le « débat » sur le sujet parasite régulièrement les réseaux sociaux. Burkini (maillot de bain intégral), Mennel (la jeune femme voilée ayant participé en 2018 au télécrochet de TF1 « The Voice »)… A chaque saison sa polémique sur le voile.

« Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hidjab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif », s’était défendu Decathlon, dont la communication a été hésitante – l’enseigne a d’abord plaidé une « erreur » en expliquant que le produit était réservé au marché marocain avant d’« assumer complètement » son intention de le commercialiser sur le territoire français. « La liberté ou l’émancipation ne se décrète pas pour les autres et la laïcité, ce n’est pas l’athéisme d’Etat, a commenté Aurélien Taché, député (LRM) du Val-d’Oise. Cette obsession du voile et de l’islam, niché dans l’inconscient du républicanisme, est une exception française dont on se passerait bien. »

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