C’était il y a dix ans : le contrat de première embauche (CPE) avait suscité trois mois de contestation sociale, avec les jeunes en fer de lance, et de crise politique, jusqu’au retrait du projet par le gouvernement du premier ministre (UMP) Dominique de Villepin. Ce dernier grand mouvement de convergence entre la jeunesse et les syndicats a été comparé par plusieurs personnalités politiques, ces derniers jours, à la mobilisation contre le projet de loi de modification du code du travail. Selon un sondage publié ce week-end, 58 % des Français voyaient cette nouvelle contestation prendre autant d’ampleur que la fronde contre le CPE. Pour autant, le projet de loi de la ministre du travail Myriam El Khomri ne concerne pas spécifiquement les jeunes, contrairement à celui datant de la présidence de Jacques Chirac.
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Quand il annonce la création de ce nouveau contrat de travail, le 16 janvier 2006, M. Villepin ambitionne de faire reculer le taux de chômage des jeunes – qui culmine alors à 24 % – en instaurant plus de « flexibilité » pour les employeurs. Destiné aux moins de 26 ans, le CPE est un contrat à durée indéterminée, mais assorti d’une période d’essai particulièrement longue : deux ans pendant lesquels l’employeur peut licencier le jeune sans avoir à donner de motif.
Harcèlement parlementaire
L’annonce déclenche immédiatement une levée de boucliers chez les organisations lycéennes et étudiantes. En quelques jours, elles parviennent à entraîner des syndicats de salariés, jusque-là impuissants à s’unir face aux réformes du gouvernement. M. Villepin, qui a décidé de la mesure sans concertation préalable, bouscule l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour y inscrire son texte et essayer de prendre de vitesse la mobilisation. La gauche riposte par une stratégie de harcèlement parlementaire. M. Villepin est acculé à utiliser l’article 49-3 de la Constitution, qui permet au chef du gouvernement de faire adopter un texte sans vote. Le CPE est ainsi entériné le 9 mars.
C’est compter sans la contestation, qui prend de l’ampleur. Des centaines de milliers de jeunes manifestent, des échauffourées éclatent, universités et lycées se mettent en grève. Au plus fort du mouvement, un à trois millions de personnes défilent pour demander le retrait de la réforme. L’opinion publique, d’abord hésitante, bascule du côté des manifestants. Le Medef, qui n’a jamais été demandeur de la mesure, presse le gouvernement de sortir de la crise. Quant à la majorité, elle commence à se fissurer. Alors que M. Villepin campe sur ses positions, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et président de l’UMP, appelle à un compromis.
Le 31 mars, le président de la République promulgue la loi, mais suspend immédiatement son application et demande qu’un nouveau texte en modifie les points contestés. Les opposants poussent leur avantage en demandant son abrogation pure et simple. Le CPE est officiellement abandonné le 10 avril. Un nouveau vote du Parlement le fait disparaître de la loi et le remplace par un nouveau dispositif d’aides aux entreprises embauchant des jeunes.
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