Appelés à la grève, entre 108 900 – selon le ministère de l’intérieur – et 250 000 fonctionnaires – selon la CGT – ont manifesté partout en France, jeudi 9 mai, contre le projet de loi censé « moderniser » leur statut, au menu de l’Assemblée nationale à compter du 13 mai. Les neuf syndicats à l’origine de cette mobilisation unitaire espèrent que la journée d’action du 9 mai ne sera qu’« une étape » pour « dire non » à ce projet de loi et demander au gouvernement qu’il « ouvre enfin des négociations sur de nouvelles bases ».
- L’unité syndicale a été clairement affichée à Paris, où la manifestation a rassemblé tous les leaders des grandes centrales : Philippe Martinez (CGT), Laurent Berger (CFDT), Yves Veyrier (FO) et Laurent Escure (UNSA). « Un fait rare » qui « devrait alerter le gouvernement », selon M. Martinez, dont le syndicat a recensé 30 000 personnes (18 000 selon le ministère de l’intérieur).
- Les manifestants étaient 3 000 à Marseille (de source syndicale), de 3 300 (selon la préfecture) à 5 300 (selon l’intersyndicale) à Lyon. Ils étaient presque autant à Nantes (3 à 4 000 selon les sources).
- Entre un et plusieurs milliers de personnes se sont également rassemblées à Rennes, Montpellier, Bordeaux, Angers, Lille, Strasbourg ou encore Perpignan.
A Dunkerque, les douaniers étaient très majoritaires. Ils sont en conflit depuis début mars avec Bercy pour obtenir des moyens et effectifs supplémentaires, un mouvement particulièrement suivi dans les Hauts-de-France autour du point sensible du tunnel sous la Manche. Le trafic des ferrys à Calais a été annulé dans la matinée, en raison d’une grève de la capitainerie, levée à midi.
Chez les contrôleurs aériens, la grève a occasionné « des retards de quarante à cinquante minutes » sur les vols intérieurs au départ des aéroports parisiens, mais c’est l’aéroport de Toulouse qui était le plus affecté par le mouvement, selon la direction générale de l’aviation civile, qui recense 40 % de contrôleurs aériens grévistes dans la Ville rose (9 % au niveau national). Il n’y a quasiment pas eu d’impact sur les vols internationaux.
Partout, les slogans interpellaient notamment sur la santé ou l’école :
- « Plus de moyens humains pour la santé publique » (Paris)
- « Aide-soignante, métier formidable, salaire fort minable » (Rennes)
- « Des patients partout et pas de soignants »
- « Soignants épuisés, hôpital en danger » (Nantes).
- « Pour un service public égalitaire, non à Blanquer » (Bordeaux)
« Passage en force »
C’est la quatrième journée nationale d’action dans la fonction publique depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron – après celles du 10 octobre 2017 et des 22 mars et 22 mai 2018. Mais « c’est la première fois que le gouvernement se retrouve confronté à toutes les organisations syndicales qui rejettent un projet de loi », relève Mireille Stivala (CGT), évoquant une « situation inédite ».
Les neuf syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, UNSA, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) dénoncent une réforme à « la portée très grave », tant pour les agents que pour l’avenir des services publics. Ils critiquent « un passage en force » du gouvernement, qu’ils accusent de vouloir une fonction publique alignée sur les règles du privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l’indépendance des agents. Au contraire, le gouvernement a présenté son texte, qui facilite notamment le recours aux contractuels, comme une nécessité pour rendre l’administration « plus attractive et plus réactive » face aux « nouvelles attentes » des Français.
Le secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, a prévenu sur CNews qu’il n’y aurait ni retrait, ni renégociation de cette réforme car il s’agissait de « faire évoluer » le statut des fonctionnaires, pas de le supprimer :
« La réponse est non, pour une seule raison : nous avons eu quinze mois de concertation, six semaines de consultations officielles, ensuite j’ai accepté beaucoup d’amendements présentés par les deux syndicats qui ont joué le jeu des amendements, la CFDT et l’UNSA, et la commission des lois de l’Assemblée s’est saisie du texte qui sera examiné lundi. On améliore et on continue d’améliorer ».
Le secrétariat d’Etat a fait état de 3,3 % de grévistes dans la fonction publique territoriale (contre 6,5 % le 22 mai 2018), 4 % dans l’hospitalière (contre 7,5 %) et 11,4 % dans la fonction publique d’Etat (contre 10,3 %), avec une forte participation des enseignants, mobilisés également contre leur propre réforme à l’éducation. Leur ministère a recensé 17,59 % de grévistes dans le primaire et 11,68 % dans le secondaire. Au ministère de la culture, l’intersyndicale a recensé « jusqu’à 90 % de grévistes sur certains sites ».
Un objectif de 120 000 postes supprimés
« Olivier Dussopt fait une grave erreur en pensant qu’il n’y a rien à négocier », a réagi le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Yves Veyrier, dans le carré de tête du cortège parisien. « Les citoyens ont besoin du service public. Le statut n’est pas un privilège mais un lien entre les agents et les citoyens et une indépendance vis-à-vis des puissances financières et du politique », a insisté de son côté Philippe Martinez, de la CGT.
Le projet de loi sera au menu de l’Assemblée nationale à compter de lundi en première lecture. Le gouvernement souhaite le faire adopter avant l’été pour entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Il s’inscrit dans un objectif de suppression de 120 000 postes d’ici à 2022. Un objectif qualifié d’« atteignable » le 26 avril par le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, alors qu’Emmanuel Macron s’était dit la veille prêt à « l’abandonner » et a demandé au gouvernement « son analyse d’ici l’été ».
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