LE SEXE SELON MAÏA
Le mieux est l’ennemi du bien ! C’est peut-être un cliché, mais, au lit comme ailleurs, l’enfer se pave d’excellentes intentions – laissant les amants dévoués se casser les dents sur l’idée du Rapport Sexuel Parfait.
De quoi parle-t-on exactement ? Avant tout, de l’orgasme. Si un des partenaires ne l’atteint pas, les Nations unies débarquent : ne pas faire jouir constitue comme chacun sait une offense grave et révèle un esprit égoïste (« c’est sans doute un pervers narcissique »). Mêmes attentes de l’autre côté du lit : ne pas récompenser les efforts du partenaire par une jouissance validée en laboratoire marque la mesquinerie, l’absence de générosité, voire une défaillance profonde (« clairement, son père ne lui a pas donné assez d’amour »).
Cette exigence d’orgasme se double d’une vision comptable de la réciprocité : j’ai eu un orgasme, tu dois avoir un orgasme, sinon la balance cosmique se brise et nous courons au divorce. La politesse se transforme en fardeau : il faut « rendre » les orgasmes aussi rapidement que possible, même si on préférerait roupiller.
Et parce qu’il serait trop simple de faire preuve de flexibilité, il faut rendre le plaisir sous une forme équivalente : un orgasme ne peut pas être troqué contre une vaisselle ou une invitation au restaurant. Pour les amants à faible libido, c’est double peine ! Non seulement ils ont dû se motiver pour soulager la tension sexuelle de leur partenaire, mais après ça, il faudrait encore les soulager de leur propre tension – pourtant plate comme une carte postale du Cap d’Agde.
Tenir son érection comme on tient une tranchée
L’exigence d’orgasmes simultanés repose sur la même logique : les individus chimiquement compatibles (comme nous le sommes tous, n’est-ce pas) sont supposés atteindre le point de fusion nucléaire à la même seconde, en dépit des différences de sexe, de désir, d’efficacité technique ou de concentration.
Le Rapport Sexuel Parfait nous vend cet événement improbable comme le fruit d’une concertation toute bête – l’homme retarde un peu ses ardeurs, la femme enclenche le mode cuisson rapide. Sauf que si la bonne volonté suffisait, les sexologues seraient au chômage.
Du côté des bonnes intentions masculines, on citera également le mantra « ladies come first » (« les femmes d’abord »). Il faut tenir son érection comme on tient une tranchée ! Quitte à oublier les statistiques de l’orgasme vaginal (tenir ne sert pas à grand-chose). Le mâle soucieux de bien faire s’obligera en outre à transformer le rapport sexuel en divertissement son et lumière : changement de position toutes les trois secondes, répertoire sexuel déroulé dans son intégralité façon menu-dégustation (« ah non, pas question de rater le cunnilingus, c’est ma spécialité »), fête des sens, mots doux, n’en jetez plus.
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