Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

A Sciences Po, les étudiants bloqueurs dénoncent « la fabrique des élites »

Une cinquantaine d’élèves solidaires de la mobilisation contre la réforme de l’accès aux études supérieures occupent l’établissement parisien depuis la nuit de mardi à mercredi.

Par 

Publié le 18 avril 2018 à 12h07, modifié le 19 avril 2018 à 20h16

Temps de Lecture 3 min.

Une cinquantaine d’étudiants occupent, depuis mardi 17 avril au soir, le siège de Sciences Po, rue Saint-Guillaume, à Paris.

La décision a été prise en assemblée générale (AG), dans le hall, en présence de 250 élèves environ. Mardi 17 avril vers 19 heures, « les Sciences Po » ont rejoint le mouvement de lutte contre la loi instaurant Parcoursup, « par solidarité » avec les étudiants mobilisés dans les universités. Soixante-dix élèves ont ensuite passé la nuit dans l’école, au numéro 27 de la rue Saint-Guillaume, à Paris.

Régulièrement, des têtes cagoulées se penchent depuis le premier étage pour remonter des sacs de nourriture grâce à une corde. Toutes les demi-heures, des « alliés » sont invités à franchir les portes de l’école pour rejoindre le mouvement. Sur présentation de leur carte d’étudiant, les vigiles les laissent entrer au compte-goutte, en veillant bien à ce que toute nouvelle entrée soit compensée par une sortie du bâtiment. « Un pour un », c’est la méthode retenue par l’administration de Sciences Po pour tenter de juguler les flux d’occupants et limiter leur nombre.

Cette AG pro-blocage faisait suite à deux autres réunions collectives organisées ces dernières semaines. « Nous voulions réfléchir au sens de notre action, explique un élève de master qui distribue des tracts à l’entrée. Depuis les violences à Montpellier, Nanterre et Tolbiac, on ne pouvait pas rester inactifs. »

« Laboratoire des politiques d’éducation néolibérales et racistes »

Les étudiants bloqueurs annoncent qu’ils poursuivront « la lutte » jusqu’au retrait de la loi « orientation et réussite des étudiants » – accusée d’instaurer la sélection à l’entrée de l’université – « et de toutes les lois antisociales et racistes portées par ce gouvernement (loi asile-immigration, casse de la fonction publique) ».

Sur une page Facebook spécialement créée, les membres du collectif Sciences Po en lutte écrivent :

« En tant qu’étudiant·e·s à Sciences Po, certain·e·s diront que nous n’avons pas notre mot à dire dans le mouvement social étudiant actuel contre la sélection, puisque notre école est par essence sélective : nous estimons que notre école sert de laboratoire aux politiques d’éducation néolibérales et racistes telles que celles orchestrées aujourd’hui par le gouvernement. »

« Ici sont formés ceux qui sélectionnent. Bloquons la fabrique à élites », proclame une large banderole déployée sur la façade du bâtiment. « Nous occupons Sciences Po pour bloquer la production de ce savoir dominant qui forme les fondations du monde actuel qui sont classistes, racistes, sexistes », précise le communiqué de l’assemblée générale.

Les bloqueurs insistent sur le symbole que porte leur action « en tant que fac où a étudié Emmanuel Macron et de nombreux membres de sa majorité parlementaire ». Dénonçant la « dictature macronienne », ils estiment que leur école se fait « le relais académique et symbolique de l’idéologie néolibérale et raciste dominante, qui transparaît tant dans la gestion de l’école que dans les contenus des enseignements ».

« L’accès à l’école reste fortement inégalitaire »

La liste des griefs est longue : « cours d’économie néolibérale obligatoire en première année, cours néocoloniaux sur l’entrepreneuriat en Afrique, sur le droit du pétrole en master énergie, sur la meilleure manière de licencier des salarié·e·s en master ressources humaines… Notre école est pleine de ces modules visant à former les hauts fonctionnaires zélés du régime libéral et autoritaire et les délinquants à col blanc qui ne cessent de renforcer leurs positions. »

Malgré les mesures mises en place en faveur de plus de diversité, notamment à travers les conventions signées avec des lycées de zone d’éducation prioritaire (ZEP) en 2001, « l’accès à l’école reste fortement inégalitaire » et « une sélection sociale se renforce au cours de la scolarité du fait de la pression scolaire et mentale subie », estime encore le texte voté en assemblée générale. A cela s’ajoutent « de fortes violences sexistes, racistes et de classe, reproduites tant par l’institution que par le corps enseignant et étudiant et contre lesquelles rien n’est fait », dénonce-t-il.

« C’est une honte ! »

Interrogés à ce sujet par Le Monde, les étudiants rencontrés devant le bâtiment mercredi ne rapportent pas tous la même expérience. « J’ai entendu des remarques de profs qui critiquaient le port du voile devant une élève voilée », relate Maxime*. « C’est un peu radical de dire les choses comme cela. Mon avis n’est pas aussi arrêté », relativise Alice*, qui par ailleurs soutient les occupants. « Scandale et inepties », s’emporte Paul*, totalement « atterré » par la teneur du communiqué. Lui voit les revendications exprimées une simple « nostalgie révolutionnaire ». Levant les yeux vers le premier étage, il aperçoit le drapeau rouge de l’établissement, barré d’un A anarchiste. « Ils ont aussi enlevé les drapeaux européen et français. C’est une honte ! »

Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 9,99 €/mois au lieu de 11,99 €.
S’abonner

Dans la matinée de mercredi, la direction de Sciences Po assurait « maintenir un dialogue permanent avec les élèves ». Tous les cours annulés seront reprogrammés ailleurs dans les prochains jours, assure également au Monde un porte-parole de l’école.

*Les prénoms ont été modifiés

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.