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L’ONU vote une résolution pour combattre le viol comme arme de guerre, en la vidant de sa substance

Etats-Unis, Russie et Chine ont pesé pour l’adoption d’une résolution expurgée des mentions liées aux droits sexuels et reproductifs, notamment l’accès à l’avortement.

Le Monde avec AFP

Publié le 24 avril 2019 à 12h00, modifié le 24 avril 2019 à 12h27

Temps de Lecture 6 min.

Amal Clooney, Nadia Murad et Denis Mukwege, le 23 avril à l’ONU.

La menace amĂ©ricaine a fonctionnĂ©. Le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU a finalement adoptĂ©, par 13 voix et 2 abstentions (Russie et Chine), mardi 23 avril, une rĂ©solution pour combattre le viol comme arme de guerre, mais en l’amputant de sa substance.

En recul sur l’avortement et opposĂ©s Ă  la Cour pĂ©nale internationale, les Etats-Unis ont en effet rĂ©ussi Ă  faire retirer lors des nĂ©gociations les mentions liĂ©es aux droits sexuels et reproductifs. The Guardian explique ainsi dans ses colonnes que le texte « comprend un vocabulaire sur l’aide aux victimes issu de services de planification familiale Â», Washington estimant que ces termes sous-entendent un soutien Ă  l’avortement. Signe d’un inflĂ©chissement idĂ©ologique des Etats-Unis, l’administration Trump s’est dĂ©jĂ  opposĂ©e par le passĂ© Ă  l’emploi du terme « genre Â» dans les documents de l’ONU, le considĂ©rant comme une promotion dĂ©guisĂ©e des droits des personnes transgenres.

« Nous sommes consternĂ©s par le fait qu’un Etat ait exigĂ© le retrait de la rĂ©fĂ©rence Ă  la santĂ© sexuelle et reproductive pourtant agrĂ©Ă©e Â» dans de prĂ©cĂ©dentes rĂ©solutions en 2009 et 2013, a prĂ©cisĂ© François Delattre, ambassadeur de France auprès du Conseil de sĂ©curitĂ©, en visant les Etats-Unis : « Il est intolĂ©rable et incomprĂ©hensible que le Conseil de sĂ©curitĂ© soit incapable de reconnaĂ®tre que les femmes et les filles qui ont subi des violences sexuelles en temps de conflit, et qui n’ont Ă©videmment pas choisi d’être enceintes, ont le droit d’avoir le choix d’interrompre leur grossesse. Â»

NĂ©gociations ardues

Dans son texte d’origine, l’Allemagne voulait créer un groupe de travail formel – idée abandonnée –, pousser à la création d’un organisme international pour aider à faire juger les coupables et développer la protection des survivants, notamment les femmes violées tombant enceintes.

Les négociations ont été ardues, selon des diplomates. Outre la menace d’un veto américain, Russie et Chine ont été jusqu’à proposer un texte concurrent à celui de l’Allemagne sans aller jusqu’à demander un vote.

Moscou et PĂ©kin ont expliquĂ© vouloir combattre les violences sexuelles dans les conflits, mais dĂ©noncĂ© « des interprĂ©tations laxistes Â» dans le texte allemand et des « manipulations Â» pour crĂ©er de nouvelles structures et « outrepasser Â» des mandats existants.

En dĂ©finitive, cette triple opposition sino-amĂ©ricano-russe a conduit l’Allemagne Ă  rĂ©duire son texte Ă  la « portion congrue Â», selon un diplomate. « Les AmĂ©ricains ont pris en otage une nĂ©gociation Ă  partir de leur idĂ©ologie, c’est scandaleux Â», abonde un autre diplomate.

InterrogĂ© sur ce recul, l’ambassadeur allemand Ă  l’ONU, Christoph Heusgen, a reconnu que son pays aurait prĂ©fĂ©rĂ© « un langage fort Â». Le choix Ă©tait de renvoyer le texte Ă  plus tard ou d’accepter les suppressions demandĂ©es. Denis Mukwege et Nadia Murad ont optĂ© pour la mise au vote, s’est-il justifiĂ©.

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Dans un communiquĂ©, plusieurs pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) ont « profondĂ©ment regrettĂ© Â» l’absence de rĂ©fĂ©rence dans le texte adoptĂ© aux droits sexuels des victimes « en raison d’une menace de veto Â» amĂ©ricain.

« Les aides pour les survivantes, comme l’accès Ă  la contraception d’urgence ou l’interruption de grossesse en toute sĂ©curitĂ©, doivent ĂŞtre renforcĂ©es Â», a soulignĂ© l’ambassadrice norvĂ©gienne Mona Juul.

« Rien n’a Ă©tĂ© fait Â»

Lors du débat, les deux Nobel de la paix avaient pourtant mis clairement le Conseil de sécurité devant ses responsabilités en réclamant des progrès substantiels en matière de justice et de protection des survivantes.

« Pas une seule personne n’a Ă©tĂ© traduite en justice pour esclavage sexuel Â», a soulignĂ© Nadia Murad en Ă©voquant sa communautĂ© yĂ©zidie dĂ©truite par le groupe djihadiste Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie. « Nous prononçons des discours Ă  l’ONU mais aucune mesure concrète ne suit Â» en matière de justice et « rien n’a Ă©tĂ© fait Â», a-t-elle insistĂ©.

« Qu’attend la communautĂ© internationale pour rendre justice aux victimes ? Â», a aussi interrogĂ© Denis Mukwege, en demandant l’établissement de tribunaux nationaux ou internationaux dĂ©diĂ©s au jugement des coupables de violences sexuelles dans les conflits.

Avocate de victimes yézidies, Amal Clooney a aussi déploré la faiblesse de la réponse internationale. Elle a accusé les Etats-Unis et la Russie de s’opposer à la création d’une justice internationale contre ces crimes. Sierra Leone, Cambodge, Rwanda, Bosnie, Nuremberg…, une justice a été rendue pour ces dossiers, a-t-elle rappelé au Conseil de sécurité.

« Si nous n’agissons pas maintenant, il va ĂŞtre trop tard Â», a-t-elle Ă©galement averti, en rappelant la dĂ©tention actuelle de milliers de combattants de l’EI qui pourraient ĂŞtre relâchĂ©s et n’auraient alors qu’à raser leur barbe pour se fondre dans la population en toute impunitĂ©.

Le Monde avec AFP

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