Léonard de Vinci (1452-1519) est mort il y a 500 ans, le 2 mai 1519. Le monde entier admire son héritage artistique. Mais quel fut son véritable apport à la science, à la technologie, à la médecine ? Entretien avec Pascal Brioist, historien des sciences, professeur à l’université François Rabelais de Tours, qui vient de publier Les Audaces de Léonard de Vinci (Stock, 400 pages, 23,49 euros).
Dans le domaine des sciences, des techniques et de la médecine, quel a été le legs de Léonard de Vinci ?
Il est resté nul ! Pour une raison simple : dans tous ces domaines, Léonard de Vinci n’a rien publié de son vivant. Il n’a donc rien transmis. Ses « inventions » techniques, ses découvertes scientifiques nous semblent incroyablement neuves, à la lecture de ses 5 000 à 6 000 feuillets manuscrits. Mais elles n’ont pas circulé.
De son vivant comme pour les générations suivantes, Léonard de Vinci est resté connu exclusivement pour son œuvre de peintre. Seuls quelques érudits avaient connaissance de sa créativité scientifique et technologique.
D’où vient alors sa renommée actuelle de « génie » polymorphe ?
Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que l’on redécouvre l’inventivité de Léonard dans les arts mécaniques et hydrauliques, l’ingénierie, les sciences, l’anatomie…
On doit cette résurgence à un historien d’art allemand, Jean-Paul Richter (1847-1937), qui a publié en 1883 la première compilation des manuscrits du Toscan. Dans le monde entier, c’est un bouleversement. Nous sommes alors au siècle de Jules Verne, en pleine période de mythe du progrès. A cela s’ajoute, en France, le traumatisme de la défaite de 1870 : Léonard de Vinci représente le génie latin, opposé à l’Allemagne triomphante.
En 1900, paraît Le Roman de Léonard de Vinci, de l’écrivain russe Dimitri Merejkovski. Et l’on commence à raconter une histoire de Léonard radicalement nouvelle, où émerge l’image de l’homme inspiré, de l’inventeur du progrès…
Léonard de Vinci était-il cet homme d’esprit universel ?
J’ai une admiration sans bornes pour Léonard. Son inventivité est réelle, mais pas toujours là où on l’attend. Il faut revoir le mythe du génie qui invente le futur.
Dès le début du XXe siècle, le chimiste français Marcellin Berthelot (1827-1907) s’est élevé contre cette idéalisation. Nombre de machines considérées comme iconiques du génie de Léonard ont, en réalité, été conçues par des prédécesseurs.
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