Décidément, les petites voitures font profil bas. Le restylage de la Toyota Aygo, servi à dose homéopathique, en offre une nouvelle illustration. Deux nouvelles teintes de carrosserie (magenta et bleu métallique), des jantes inédites, des projecteurs et feux arrières à LED, un système d’injection retravaillé pour abaisser de 5 grammes au kilomètre les émissions de CO2. Et c’est à peu près tout. La suspension a été améliorée mais la marge de progression reste vaste. Comme l’insonorisation, très perfectible, du trois-cylindres qui donne un peu trop de la voix. On ne fera pas la fine bouche ; d’autres modèles concurrents n’en font pas autant. Ainsi vont les petites autos, condamnées à serrer leur prix et à contenir leurs ambitions.
Les marques font cause commune
Les années 2010 auront été cruelles pour celles que l’on désigne, avec un brin de condescendance, sous le terme de citadines. En Europe, elles ne pèsent plus qu’entre 7 % et 9 % des immatriculations selon AAA DATA. En France, leur diffusion atteint des niveaux du même ordre et seule la prime à la conversion (un rabais de 1 000 à 2 000 euros en échange de la mise au rebut d’un vieux diesel) a pu donner à leurs ventes un semblant de coup de fouet qui risque de n’être que passager. Le problème central de ces voitures, reconnaît-on chez Toyota, c’est qu’elles ne rapportent guère.
Pour tirer les coûts vers le bas, les marques n’ont eu d’autre choix que de s’associer pour produire des clones. Les Peugeot 108 et Citroën C1 sont strictement dérivées de la Toyota Aygo (dont le tarif débute à 11 190 euros) et produites dans la même usine, en République tchèque. La Twingo, ex-gloire nationale dont l’actuelle génération se trouve directement menacée d’être éjectée du top 10 des immatriculations sur le marché français, fait cause commune avec la gamme Smart. Quant à la Volkswagen Up !, on la retrouve sous pavillon Skoda et Seat.
L’avenir sera-t-il électrique ?
Cette gestion à l’économie a permis de préserver quelques marges, mais elle a « tué » la diversité qui faisait le sel et le succès de cette catégorie. Choix moins large, manque de confort, équipement de base chiche, style souvent banalisé : les petites bagnoles ne provoquent plus autant d’empathie, au grand dam des femmes et des jeunes, surreprésentés parmi leur clientèle. Quant à la Fiat 500, seule exception à la règle, elle accuse onze ans d’âge et n’a techniquement pratiquement pas évolué depuis son lancement.
Le grand blues des petits modèles recouvre aussi une crise du concept même de voiture urbaine. Le véhicule de taille réduite, agile et économique, essentiellement pensé pour la ville, n’a désormais rien d’une évidence dans l’univers automobile. « Ce segment n’est plus prioritaire pour les constructeurs. Le consommateur préfère la polyvalence des voitures de la catégorie située juste au-dessus, celle des Renault Clio ou des Peugeot 208, plus à l’aise sur les longs trajets, plus habitables et qui peuvent faire l’objet de remises non négligeables de la part des marques », observe Jean-Michel Prillieux, consultant chez Inovev.
A budget égal, c’est-à-dire en dessous de 15 000 euros, une autre offre, celle des low-cost, tend aussi à faire de l’ombre à la citadine traditionnelle. Ces véhicules se faufilent moins bien dans le trafic urbain mais ils sont plus vastes et souvent mieux motorisés. Un constat qui a, par exemple, amené Ford à sacrifier la petite Ka au profit de la Ka +, un modèle à « bas coût » fabriqué en Inde. Pas assez chère ni produite en quantité suffisante pour pouvoir bénéficier des derniers équipements technologiques d’aide à la conduite ou proposer une version hybride, privée – pour combien de temps ? – de dérivés sous forme de SUV, la petite voiture, en voie de marginalisation, est prisonnière d’un cercle vicieux.
Dans une large mesure, son avenir passera par l’électrification. La Twingo devrait faire l’objet d’une version « zéro émission » et Smart (groupe Daimler) a d’ores et déjà fait savoir qu’à compter de 2020, sa gamme sera exclusivement composée de modèles électriques dont une forte proportion sera destinée à des usages en autopartage, l’autre révolution qui apparaît à l’horizon de la petite voiture. Comme s’efforce quand même de le rappeler la nouvelle Toyota Aygo, il restera toujours à la citadine de poche le plaisir d’une conduite tout en agilité, la satisfaction de se garer en un tournemain et un rapport de complicité que les autres modèles peuvent plus difficilement offrir.
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