Derrière son langage suranné, son fonctionnement obscur et ses membres héréditaires, la Chambre des lords est en train de se transformer en un bastion de véritables rebelles, du moins sur le Brexit. Mercredi 18 avril, elle a infligé un sérieux camouflet à Theresa May, sur l’épineuse question de l’union douanière européenne.
La première ministre britannique a promis de sortir de cet ensemble, qui maintient les mêmes droits de douane vis-à-vis du reste du monde. Il en va, selon elle, de la liberté du Royaume-Uni de mener sa propre politique commerciale et de signer des accords de libre-échange avec le reste du monde, sans avoir besoin de l’accord de l’Union européenne (UE).
Mais les Lords ont bruyamment fait connaître leur désaccord. Par 348 voix contre 225, après un débat très animé, ils ont voté pour un amendement demandant au gouvernement de venir s’expliquer devant le Parlement sur le sujet. Vingt-quatre lords conservateurs l’ont soutenu, défiant ainsi leur propre camp. Parmi eux se trouvaient d’influents noms, comme Chris Patten, l’ancien commissaire européen chargé des relations extérieures, ou encore Michael Heseltine, un ex-ministre de Margaret Thatcher.
Des élus conservateurs prêts à se rebeller
L’amendement ne demande pas spécifiquement au Royaume-Uni de rester dans l’union douanière, mais il exige qu’un ministre vienne expliquer à la Chambre des communes les mesures qui ont été prises pour trouver « un arrangement qui permette de continuer à [y] participer ». Derrière cette formule, les Lords ont un objectif : forcer Theresa May à organiser un vote à la Chambre des communes sur le sujet, qu’elle risquerait de perdre.
Les travaillistes sont en effet officiellement pour rester dans l’union douanière, tandis que les conservateurs sont extrêmement divisés sur le sujet : si aucun n’oserait s’opposer au Brexit, une bonne dizaine d’entre eux sont prêts à se rebeller sur une telle question, ce qui suffirait pour que le gouvernement perde sa majorité.
Si le sujet est d’apparence technique, il est de fait au cœur du Brexit. Rester dans l’union douanière permettrait de réduire le retour des douanes après la sortie de l’UE et limiter les frictions économiques. Inversement, en sortir reviendrait à vraiment larguer les amarres, en quittant les structures économiques de l’UE.
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